Il y a eu d'abord le discours, jugé très violent à l'égard du Hezbollah, de l'ancien Premier ministre Fouad Siniora lors du rassemblement du 14 Mars. Il y a eu ensuite les accusations du ministre de la Justice, Achraf Rifi, contre le Hezbollah dans le cadre d'une interview au quotidien saoudien al-Watan et, hier, c'est de nouveau Fouad Siniora qui a affirmé devant le TSL que Rafic Hariri lui avait confié, alors qu'ils étaient seuls dans la voiture de ce dernier, que le Hezbollah a tenté à plusieurs reprises de l'assassiner. En même temps, l'Arabie saoudite est montée d'un cran dans la campagne menée contre le Hezbollah puisque son représentant au Conseil des droits de l'homme de l'Onu, à Genève, a requis la condamnation du « Hezbollah terroriste » pour son intervention en Syrie. De même, le ministre saoudien des Affaires étrangères a eu il y a quelques jours des mots très durs devant Saad Hariri contre le général Michel Aoun qui « couvre les crimes du Hezbollah en Syrie ».
Rassemblés, tous ces éléments font croire à une campagne orchestrée contre le Hezbollah par ceux qu'on appelle « les faucons du Futur », sur des instructions saoudiennes. Le timing de cette campagne pourrait ne pas être libanais, d'autant qu'il coïncide avec des développements dramatiques au Yémen où les houthis sont sur le point de lancer un assaut contre Aden. Mais ce qui compte pour le Liban, c'est la question de savoir si le dialogue entamé entre le courant du Futur et le Hezbollah peut se poursuivre dans un climat aussi lourd.
Certes, le député membre du bloc du Futur Ammar Houry avait affirmé que rien ne peut arrêter ce dialogue puisqu'il est dans l'intérêt du Liban et qu'il a déjà porté ses fruits en apaisant la rue. De même, ce dialogue a survécu à de nombreuses secousses. Mais, cette fois, la situation semble plus complexe. Le communiqué publié à l'issue de la réunion hebdomadaire du bloc du Futur, présidée cette fois par l'ancien ministre de la Justice Samir Jisr (lui-même membre de la délégation du Futur au dialogue avec le Hezbollah) ne parle pas du dialogue et durcit le ton contre le Hezbollah, sans le nommer, et contre l'Iran en le nommant. Des sources proches du Futur précisent toutefois que le fait de ne pas mentionner le dialogue laisse ouverte la possibilité de le relancer, lorsque les circonstances locales et régionales y seront plus favorables.
De son côté, le Hezbollah n'a eu aucune réaction officielle, préférant afficher un désintérêt total à l'égard des accusations de Siniora. Les sources proches de ce parti préfèrent les placer dans le cadre des tiraillements à l'intérieur du Futur, MM. Siniora et Rifi ayant depuis le début exprimé des réserves à ce dialogue, car, selon eux, le Hezbollah n'est pas en train de faire des concessions importantes alors qu'il récolte tous les bénéfices. Les sources proches du Hezbollah expliquent aussi que le courant du Futur affronte actuellement de graves difficultés internes, notamment après les révélations des détenus de Tripoli devant le Tribunal militaire.
Au cours des audiences consacrées à leurs interrogatoires qui se sont déroulées la semaine dernière, ceux-ci ont clairement accusé le général à la retraite Amid Hammoud, actuel responsable du courant du Futur dans le Nord, de les avoir enrôlés et encouragés à porter les armes pendant les nombreux rounds de la bataille entre Bab el-Tebbané et Jabal Mohsen. L'un d'eux a même dit devant le tribunal que c'est le général Hammoud qui devrait comparaître pour être jugé et non eux qui ne sont que de simples exécutants...
Le courant du Futur n'a pas réagi publiquement à ces accusations, mais la tendance interne est d'en faire assumer la responsabilité à l'ancien Premier ministre Nagib Mikati pour des raisons de leadership tripolitain. Toutes ces explications de la part des sources proches du Hezbollah visent à réduire l'impact des accusations portées contre le parti, pour pouvoir un jour poursuivre le dialogue. Pour l'instant, aucune séance n'est prévue dans un proche avenir.
Il est donc clair que les deux parties veulent maintenir entre elles un fil ténu, même si, en raison des tiraillements internes et des tensions régionales, le dialogue est appelé à prendre une pause. Si le parapluie international qui protège le Liban est toujours valable, son maintien passe par le dialogue entre le courant du Futur et le Hezbollah. Quant aux accusations de Fouad Siniora, selon les sources de Aïn el-Tiné, elles n'apportent rien de nouveau. Elles viennent confirmer l'acte d'accusation du TSL qui a mis en cause cinq membres du Hezbollah. Or, en dépit de ces accusations et des mandats d'arrêt lancés contre ces cinq personnes, le dialogue entre ce parti et le courant du Futur a bel et bien été entamé. Les accusations de M. Siniora peuvent donc irriter, susciter des tensions, mais elles ne remettront pas en cause le principe du dialogue. D'autant qu'elles ne peuvent pas être vérifiées, puisque, selon Siniora, Rafic Hariri a lancé cette phrase alors qu'ils étaient seuls et il ne lui a lui-même posé aucune question à ce sujet... De plus, de nombreux hommes de confiance de Hariri, pourquoi n'aurait-il laissé échapper cette phrase que devant Fouad Siniora, alors que dans l'enregistrement de la conversation entre lui et le chef des SR syriens au Liban, à l'époque Rustom Ghazalé, qui a remis au TSL, il disait être en accord total avec le secrétaire général du Hezbollah ?
Aussi bien à Aïn el-Tiné que dans la banlieue sud de Beyrouth, les questions au sujet des témoignages devant le TSL sont donc multiples, mais elles ne sont pas liées au dialogue avec le courant du Futur. Le temps et les développements régionaux qui semblent se précipiter feront rapidement passer au second plan les « révélations » devant le TSL...
commentaires (7)
Sans commentaires car la bêtise a pris le dessus sur la raison. Le compte a rebours a néanmoins commencé et rien ne changera le cours des choses qui va conduire le parti de Dieu a remettre ses armes a l’état et renier son Fakih ou aller le rejoindre loin de la.
Pierre Hadjigeorgiou
10 h 50, le 26 mars 2015