Rechercher
Rechercher

Larmes du crime

Moment d'une intense émotion, que celui qu'évoquait lundi, devant le Tribunal spécial pour le Liban, l'ancien Premier ministre Fouad Siniora. Au gré de ce poignant témoignage, tout un chacun aura pu revoir en imagination l'inimaginable scène : Rafic Hariri, l'homme qui était à tu et à toi avec les grands de ce monde, sanglotant sur l'épaule de son ami de jeunesse, confident et proche collaborateur pour lui dire à quel point il avait été blessé, humilié par un président syrien qui se voulait aussi le maître du Liban, un maître ne souffrant aucune discussion.


Car cette image de Hariri ravalant, en larmes, l'affront assorti de menaces, c'est, en accéléré, toute une tranche de l'histoire contemporaine de notre pays, durant laquelle il était asservi par son redoutable voisin. Asservi et de surcroît pillé dans les grandes largeurs, si l'on en juge par les rackets, extorsions, chantages et autres actes de banditisme qu'ont pratiqués les gauleiters syriens, que l'on appelait aussi vice-rois. On y reviendra plus loin.


À la reprise de l'audience hier, Siniora faisait sensation en révélant cette autre et stupéfiante confidence d'un Hariri se sachant ciblé par le Hezbollah, à preuve que plus d'un complot visant à son assassinat avait été éventé à temps. Cette assertion ne manquera sans doute pas de faire des vagues, à l'heure où est engagé un improbable dialogue entre le courant du Futur et le même Hezbollah, ces deux formations que tout, absolument tout sépare, sans même parler des accusations déjà portées par le tribunal contre la milice pro-iranienne. Que survive quand même ce dialogue, et on n'épiloguera jamais assez sur les phénoménales contorsions de la politique, telle que pratiquée dans notre pays.


On ne manquera pas, par la même occasion, de méditer sur les paris perdus de Rafic Hariri, ceux-là mêmes qui visaient à lui assurer la reconnaissance éternelle du Hezbollah et du régime syrien, ironiquement devenus, si l'on peut dire, les vedettes du TSL. C'est en grande partie à la demande de l'ancien Premier ministre qu'au lendemain de l'opération Raisins de la colère lancée par Israël en 1996, la France de Chirac réussissait à imposer un cessez-le-feu au Liban-Sud qui, pour la première fois, faisait du parti pro-iranien un partenaire à part entière. Et c'est encore sur les pressants conseils de Hariri qu'en 1999 le grand Jacques coachait Bachar el-Assad pour ses débuts internationaux en invitant à l'Élysée celui qui n'était encore que le dauphin désigné...


Autre ironie : par un juste retour des choses, les rumeurs les plus diverses courent en ce moment sur les graves déboires que connaît cette autre et triste vedette du tribunal qu'est le général syrien Rustom Ghazalé, chef du renseignement politique syrien et ancien homme fort de la tutelle récemment limogé et peut-être même agonisant, dans l'hôpital où il est soigné. Car ce personnage ne s'est pas contenté de mettre le pays et ses hommes politiques à rançon ; il fait partie des officiers supérieurs interrogés par les enquêteurs internationaux dans le cadre de l'affaire Hariri, et dont trois ont déjà péri de mort violente.


La malédiction des pharaons, on connaissait. Voici venue celle des généraux syriens qui en savent peut-être un peu trop.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Moment d'une intense émotion, que celui qu'évoquait lundi, devant le Tribunal spécial pour le Liban, l'ancien Premier ministre Fouad Siniora. Au gré de ce poignant témoignage, tout un chacun aura pu revoir en imagination l'inimaginable scène : Rafic Hariri, l'homme qui était à tu et à toi avec les grands de ce monde, sanglotant sur l'épaule de son ami de jeunesse, confident et proche...