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Liban - Environnement

Les microplastiques : un effet boomerang sur la mer et sur la santé

Ce matériau n'est jamais aussi dangereux que quand il devient invisible. Une experte en fournit les raisons à « L'Orient-Le Jour ».

Sur cette affiche exposée par les organisateurs en marge de la conférence, une bouteille en plastique fossilisée : une manière expressive de dépeindre cette pollution qui s’inscrit dans la durée.

Les déchets plastiques en mer, on en a beaucoup parlé au cours d'une conférence organisée récemment au Yacht Club de Monaco par les fondations Prince Albert II, Surfrider Europe, Tara et Mava. Rencontrée en marge de cette conférence, Maria-Luiza Pedrotti, chercheuse au Laboratoire océanographique de Villefranche et coordinatrice à Tara Méditerranée, décrypte pour L'Orient-Le Jour ce danger caractéristique du monde moderne que sont les microplastiques.

« Techniquement, les microplastiques sont des particules inférieures à cinq millimètres, explique-t-elle. Il y en a plusieurs types : les microplastiques primaires qui dérivent directement de nos produits de machines à laver, de nos pâtes de dentifrice, etc, dont ils sont des composantes. Mais la majeure partie des microplastiques provient de la fragmentation d'objets comme les bouteilles, les emballages, etc, dans la mer. Ces déchets telluriques arrivent dans les océans par le biais des rivières, des tempêtes, ou ils y sont tout simplement jetés à partir des bateaux. »
Une pollution d'autant plus dangereuse qu'on ne la voit pas... « Ces particules microscopiques deviennent un vecteur de transport d'espèces dans la mer : en d'autres termes des espèces se fixent sur ces microplastiques et sont ainsi disséminés en Méditerranée, souligne Maria-Luiza Pedrotti. C'est ce qui donne à ces espèces la possibilité de coloniser d'autres zones que celles où elles se trouvaient à l'origine, avec le potentiel de devenir des espèces invasives. Certaines d'entre elles sont pathogènes, comme les bactéries. L'autre danger, c'est que ces microplastiques, de plus en plus petits, peuvent être ingérés par les poissons. Cela donne lieu à un processus appelé bioaccumulation des polluants. Ces microplastiques finissent ainsi dans nos assiettes quand nous consommons les poissons. »

A-t-on une idée du volume que représente cette pollution ? « Les analyses de l'expédition de la goélette Tara vont bientôt démarrer, nous avons étudié le plastique en Méditerranée durant sept mois, souligne-t-elle. Nous avons cependant déjà obtenu des résultats pour certaines régions, où nous avons décelé des concentrations de l'ordre de 700 mille microplastiques par kilomètre carré. C'est énorme. Nos collègues de l'Ifremer ont mené une étude pour déduire, à partir de ces concentrations, celles qui prévaudraient dans toute la Méditerranée. On parle donc de 250 milliards de microplastiques qui seraient en train de se disperser dans la Méditerranée. »

(Lire aussi : Le plastique en Méditerranée : oui, il y a des solutions...)

 

« Si on ne fait rien, autant manger les microplastiques directement ! »
Avec une telle pollution, les dangers sanitaires ne sont jamais bien loin. « Outre le danger sur l'environnement, il y a de fortes possibilités d'ingestion du plastique par les poissons, qui s'accumule aussi dans nos organismes, affirme Maria-Luiza Pedrotti. Comme le dit un de mes collègues, si l'on ne fait rien pour arrêter cette pollution, autant manger directement le microplastique sans passer par la consommation des poissons! »

Des solutions ? « On ne peut pas nettoyer la mer, reconnaît la chercheuse. Les microplastiques qui s'y trouvent déjà, provenant des déchets qui n'ont pas été nettoyés sur la plage ou qui n'ont pas été stoppés par les systèmes d'assainissement, vont se fragmenter encore plus pour donner de minuscules particules. Et ces particules resteront dans l'eau pour de nombreuses années. Par contre, on dit que cette pollution est réversible parce qu'il est possible de garder ces déchets sur terre. Les solutions possibles doivent empêcher le plastique d'atteindre les océans. »
Elle ajoute : « Il y a des solutions qui passent par le recyclage, par une meilleure gestion de nos rivières et de nos bassins (qui charrient les déchets vers la mer). Mais, pour moi, la solution la plus radicale est de changer notre mode de consommation. Il faut sensibiliser le consommateur au fait que cette pollution est là pour durer des centaines d'années, qu'il faut se réfréner d'utiliser les sachets à usage unique. Si nous, consommateurs, modifions notre mode de consommation, les industriels et les politiques s'adapteront. C'est alors qu'on recherchera plus activement des produits alternatifs, qu'ils soient biodégradables ou tout simplement moins dangereux que le plastique utilisé actuellement. »
« Ces solutions, il faut les trouver tous ensemble, à partir du constat qu'établissent les chercheurs », conclut-elle.

 

Prochain article : Des substances chimiques, résultats des produits du quotidien

 

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