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Lifestyle - Tous les chats sont gris

Il n’y a pas d’expériences, il n’y a que du plaisir

La nuit débarque tôt au Memory Lane. La nuit débarque tôt sur les quatorze espaces qui dilatent ce bar/restaurant/café, l'étendent sur un périmètre de 500 mètres carrés pour lui donner tous les aspects d'un réel petit quartier hétérogène dont le rythme est celui d'une fourmilière. Dès 18 heures, la nuit déménage donc dans ce microvillage, au cœur de Mar Mikhaël.

18h30: Paresseuse. La cliente s'enfonce dans l'un des sièges du petit jardin intérieur, respire un grand coup en faisant de l'œil à la première ligne de sa thèse qu'elle est supposée soumettre dans quelques jours. Sur la table d'à côté, ce sont (sans doute) deux graphic designers emmitouflées dans des écharpes en crochet, la mèche en apesanteur, les lèvres colorées au mercurochrome, qui réfléchissent sur le sort du logo d'une marque de détergent; en sirotant un curieux cocktail vert: avocat, jus d'orange, sirop d'agave et banane. Idéal pour démarrer une séance de travail.

 

20h00: Pompette. Une heure et cinq lignes plus tard, lassitude ou impatience, la cliente se lève, jette un coup d'œil sur les chemises du label Second Street joliment disposées dans l'espace central. Dans les enceintes audio, c'est Feist qui claque des doigts sur Mushaboom. Elle annonce le moment préféré des Libanais, depuis que la notion de bar hopping a intégré leur dictionnaire noctambule: la happy hour. Alors la nuit se prolonge, accoudée sur le bar noir où débordent les bouteilles, pour une heure joyeuse à picorer des pop corn et avaler des cocktails. Elle partage les premiers émois d'un couple qui se détend puis s'enlace autour d'une bouteille de vin argentin. Elle s'installe ensuite avec un groupe de jeunes hommes, fraîchement débarqués de leurs desks de banques et dénouant leurs
cravates au fur et à mesure que les shots de téquila se remplissent puis se vident. Elle s'essaye au mojito, tente une boisson à base de lychee, apprécie un bourbon. L'appétit titillé, elle accompagne sa beuverie d'une kaaké labné et thym.

 

21h45: Gourmande. La cliente se déplace vers la salle à manger, un espace convivial, où elle se retrouve entourée d'un groupe de quinquagénaires barricadés dans une sorte de cage grandeur humaine, pour fêter en privé l'anniversaire d'une femme surexcitée, tranchant un gâteau en forme de string géant. Elle côtoie aussi des familles, des groupes d'ados sortis de la séance ciné de 20 heures, des robes moulantes et des moustaches de hipster, des talons aiguilles et des jeans décousus, des éclats de rires et des dîners de travail. De la carte, où tous les plats affichent le même tarif, elle hésite entre le foie de volaille à la mélasse de grenade et le saumon aux fruits de la passion, mais finit par opter pour le sandwich de saumon dans un pain à l'encre de seiche.

 

00h00: Nostalgique. Ses envies de cigarette post-repas emmèneront la cliente vers le coin fumeur, délimité par la couleur noire. Avec vue sur les quatre ruelles de Mar Mikhaël qui quadrillent l'endroit, elle médite en observant la
bibliothèque installée sous la verrière avec vue sur le linge étalé chez les voisins. Une librairie semblable à une capsule de souvenirs, pense-t-elle, juste au moment où le plus jeune du clan Zeidan l'approche pour éclairer sa lanterne. Il lui susurre à l'oreille que l'espace a été conçu sur le site d'une ancienne imprimerie dont une partie des objets ont été conservés, histoire de préserver la mémoire des lieux et d'y rajouter, tous les soirs, un lot de souvenirs, avant que la bâtisse ne soit détruite, dans quelques années. Elle scrute de curieuses machines ancestrales, palpe un carnet d'adresses jauni, farfouille dans les tiroirs, ressort d'anciennes factures, sourit en tombant sur le terme télex. Se construit des histoires, imagine des vies, se souvient, rêve.

 

01h00: Joueuse. La table de baby-foot l'appelle. L'occasion pour la cliente d'improviser un match avec un groupe de Suédois qu'elle ne connaît pas. D'une main, elle pirouette le bâtonnet en bois et, de l'autre, elle avale une gorgée de Martini rosso. Après avoir rivalisé avec ses nouveaux amis au flipper, elle ira se goinfrer en leur compagnie, avachie sur la banquette de la pâtisserie. Et alors que le lieu se vide progressivement, sur le mur elle discerne un dicton : There is no day or night, there is no moon or sun, just the space for pleasurable experiences.

La prochaine fois, elle commencera sa soirée à midi.

 

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18h30: Paresseuse. La cliente s'enfonce dans l'un des sièges du petit jardin intérieur, respire un grand coup en faisant de l'œil à la première ligne de sa thèse qu'elle est supposée soumettre dans quelques jours. Sur la table d'à côté, ce sont (sans doute) deux graphic designers emmitouflées dans des écharpes en crochet, la mèche en apesanteur, les lèvres colorées au...

commentaires (2)

LA VIE MISÉRABLE... DES MISÉREUX... QUI N'ONT RIEN DE PLUS INTÉRESSANT OU DE PLUS UTILE À FOUTRE !!!

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 32, le 07 mars 2015

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Commentaires (2)

  • LA VIE MISÉRABLE... DES MISÉREUX... QUI N'ONT RIEN DE PLUS INTÉRESSANT OU DE PLUS UTILE À FOUTRE !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 32, le 07 mars 2015

  • Faut de tout pour faire un monde... Et les Cons semblent etre aux premieres loges !

    Cadige William

    18 h 34, le 07 mars 2015

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