La saison des discours ayant pris fin, le courant du Futur et le Hezbollah reprennent le chemin de Aïn el-Tiné pour une nouvelle réunion de dialogue. C'est le véritable point positif de ces derniers jours, pourtant riches en polémiques. Pour être plus précis, on peut dire qu'en réalité le chef du courant du Futur, Saad Hariri, a déversé un lot de critiques à l'encontre du Hezbollah et même de son allié le CPL pourtant officiellement représenté au rassemblement du 14 février, alors que le secrétaire général du Hezbollah, lui, s'est bien gardé de répondre directement aux critiques qui lui étaient adressées. Au contraire, il a rendu hommage à la famille du Premier ministre martyr Rafic Hariri et il n'a pas évoqué, ou à peine, les critiques adressées à son parti, notamment au sujet de sa participation aux combats en Syrie et au sujet de l'ouverture éventuelle du front du Golan. Nasrallah ne s'est donc pas laissé entraîner dans un débat médiatique qui aurait pu remettre en cause le dialogue entamé avec le courant du Futur, laissant ce dernier se débattre dans ses contradictions et tenter de justifier à ses partisans comment, en dépit de toutes les critiques exprimées contre le Hezbollah, il continue à vouloir dialoguer avec lui.
Des sources proches du Hezbollah rappellent à cet égard que Saad Hariri a aussi critiqué « les unités de défense » (créées par ce parti comme une force parallèle non chiite, mais s'inscrivant dans la ligne de la résistance), tout comme il a critiqué le plan de sécurité dans la Békaa, accusant le Hezbollah de ne pas coopérer avec les forces de sécurité et de ne pas livrer les repris de justice, ainsi que l'attitude du Hezbollah à l'égard du dossier présidentiel. Pourtant, ces trois sujets figurent à l'ordre du jour du dialogue entre les deux formations et font donc déjà l'objet de débats entre leurs représentants respectifs. Bref, dans son discours, Saad Hariri a mis l'accent sur les divergences, avant d'annoncer qu'il souhaite, malgré tout, poursuivre le dialogue avec le Hezbollah. Ce qui permet aux sources proches de cette formation de considérer que s'il a tenu des propos aussi violents, c'est essentiellement pour reprendre les rênes de son courant et resserrer les rangs autour de sa personne, après des mois d'absence volontaire. En même temps, cheikh Saad a violemment accusé le Hezbollah d'être à la solde de l'Iran et d'exécuter des plans régionaux, alors qu'il a lui-même prêté ouvertement allégeance au nouveau roi d'Arabie, au prince héritier et aux nouveaux hommes forts du royaume en les nommant l'un après l'autre dans son discours. De même, sa position à l'égard du régime syrien, dont il a annoncé une fois de plus la chute imminente, est aussi une façon d'inclure le Liban dans l'autre axe, celui de l'Arabie saoudite, de la Turquie, du Qatar et de tous ceux qui veulent la chute d'Assad. Ses positions à l'égard du pouvoir à Bahreïn et de la situation au Yémen sont aussi une façon d'inclure le Liban dans un axe régional, voire international. En d'autres termes, cheikh Saad critique le Hezbollah mais fait exactement la même chose de son côté, sans vouloir le reconnaître. Sayyed Nasrallah n'a pas voulu relever ces contradictions, préférant s'en tenir à l'idée de l'adoption d'une stratégie nationale de lutte contre le terrorisme, puisque, comme il l'a dit, il est impossible de s'entendre sur une stratégie nationale contre Israël. Reste à définir le terrorisme, et, là aussi, il y aurait eu matière à discussion, le secrétaire général du Hezbollah ayant sciemment choisi de préciser que le Front al-Nosra est le nom d'el-Qaëda en Syrie, alors que certaines parties libanaises et régionales cherchent à le présenter comme un groupe « d'extrémistes modérés », qui pourrait constituer un interlocuteur valable, voire une alternative au régime d'Assad. À cet égard, Nasrallah n'a pas voulu rappeler que les militaires pris en otage et tués ont été exécutés par les combattants d'al-Nosra, pour ne pas jeter de l'huile sur le feu, mais, par contre, il a dénoncé le double jeu de la Jordanie, qui appuie le Front al-Nosra à la frontière avec la Syrie et combat Daech en Irak. Nasrallah a aussi violemment condamné l'exécution barbare des 21 coptes en Libye par Daech (les coptes ont été tués parce que Daech voulait se venger des deux dames coptes converties à l'islam puis obligées à revenir à leur christianisme, Camélia Shéhadé et Wafa' Constantine) pour élargir la mobilisation contre le terrorisme et montrer que celui-ci frappe partout et tout le monde, ayant son agenda propre qui passe par La Mecque et Médine, où il vient de nommer deux « émirs ». Pour le chef du Hezbollah, il s'agissait d'une tentative de dépasser les clivages internes pour montrer la gravité de la situation régionale et pousser tous les Libanais à comprendre l'importance d'être présents sur la carte régionale au moment où celle-ci est en train d'être redessinée. Par contre, le discours de Saad Hariri était essentiellement à portée interne, avec des enjeux politiques limités, et il visait à rappeler les principes essentiels du 14 Mars au moment où la base est assez déboussolée. Aujourd'hui, les représentants des deux formations reprendront leurs discussions, sans évoquer le contenu du discours de cheikh Saad, mais plutôt sur la base de la vision exposée par sayyed Nasrallah qui impose aux Libanais une entente minimale sur une stratégie de lutte contre le terrorisme qui menace nos frontières.
Liban - Décryptage
Deux discours et un dialogue ininterrompu
OLJ / Par Scarlett HADDAD, le 18 février 2015 à 00h00
commentaires (9)
Faites vos discours, rien ne va plus! L'important c'est le dialogue ne s'interrompe pas. le show a 2 sous et le bla bla biélien du fils héritier saksouké hariri, n'a pas beaucoup d'importance pour la plupart des Libanais qui ne veulent qu'une chose, c'est que ce monsieur se démarque du terrorisme wahhabite qu'il avait alimenté avec tout ce qu'il pouvait posséder au nom de ce leitmotiv de la "défense de ahl-el-sounna" que reprenne a longueur de journée les télésat ses arabies très (..ou hyper-) démocratiques du désert, et comprenne bien que l'unité et défense du Liban sont plus importantes que touuuuut le reste.
Ali Farhat
22 h 12, le 18 février 2015