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Culture - Exposition

Samia Halaby : de Jérusalem à New York, en passant par les oliviers

S'il ne fallait retenir que trois toiles de l'œuvre de la grande rétrospective Samia Halaby au BEC*, en collaboration avec Ayyam Gallery, ce serait, très subjectivement : « Jerusalem, my Home », « Third Spiral » et « Hommage to Leonardo ».

Samia Halaby, pionnière de l’abstraction radicale.

Un calme. Un grand calme de thébaïde règne au Beirut Exhibition Center. Une lumière naturelle s'infiltre des ouvertures du toit, imprégnant des toiles abstraites aux grandes dimensions et aux multiples couleurs superposées. «Samia Halaby, cinq décades de peinture et d'innovation», lit-on sur le mur derrière le bureau d'accueil. La grande porte vitrée du BEC s'entrouvre alors pour laisser passer une dame à la courte chevelure d'argent. Démarche assurée, port de tête altier, elle salue ses interlocuteurs en les fixant d'un regard laser. De premier abord classique et quasi austère, l'artiste d'origine palestinienne dévoile petit à petit un bagout et une chaleur dans le propos. Et même un brin de fantaisie loufoque, illustrée par ses chaussettes en laine mauve, contrastant avec son pantalon de tweed marron. Sous le vernis BCBG, cherchez la femme engagée, militante, au verbe acerbe, au sens de l'observation aigu. Vivant dans le Mid West aux États-Unis depuis les années cinquante et à New York depuis 1972, elle est restée très profondément attachée à ses racines palestiniennes et arabes, portant avec fierté le fanion de la résistance et documentant les massacres perpétrés par l'occupant israélien, notamment ceux de Kafr Kasm en 1956. «C'était ma manière à moi de représenter visuellement les faits comme ils l'auraient été si quelqu'un filmait ou photographiait ce jour-là pour raconter un pan emblématique de l'histoire de la Palestine. L'histoire de ces gens innocents, de ces femmes et ces enfants massacrés impunément alors qu'ils récoltaient les olives.» Des oliviers de Kafr Kasm, Samia Halaby les porte dans son cœur. I Found Myself Growing in an Olive Tree, dit le titre de l'une de ses acryliques. Au BEC, le visiteur ne verra pas la série de Kafr Kasm, sauf dans l'ouvrage consacré à l'artiste disponible à l'entrée. Sur les murs immaculés, la priorité à été donnée aux œuvres abstraites. Cette grande rétrospective, curatée par l'historienne de l'art Maymanah Farhat, comprend plus de 70 œuvres représentant les multiples périodes, les expérimentations et les inventions d'une artiste qui prend son inspiration dans la philosophie, la géométrie, la nature...
Peintures, dessins, gravures, œuvres cinétiques générées sur ordinateur et sculptures suspendues. «L'approche de l'artiste vers le formalisme dans l'art est surtout visible dans des œuvres comme Third Spiral (1970), Clue Trap in a Railroad Station (1977), Worldwide Intifada (1989) et Pyramid (2011), indique la curatrice. Ce formalisme, selon elle, devrait aller de pair avec les avancées technologiques, le développement des sociétés tout en reflétant les principes de la nature.»
«Des propriétés physiques que l'on retrouve en réalité autour de nous, ajoute-t-elle. Notamment la relation entre la lumière et la couleur qui crée la profondeur, le volume, le mouvement.» «Les nombres et les rythmes qui constituent la grandeur des formes et l'état de mouvement continu. Ou l'espace et le temps qui définissent la quatrième dimension. Ce que tout cela signifie, c'est que chaque série de peinture de ce demi-siècle de création fait preuve de site d'observation, d'analyse scientifique et d'un engagement à des formes prémodernes d'abstraction, surtout de l'art islamique et d'une reconsidération des leçons des mouvements d'art moderne, de l'impressionnisme à l'expressionnisme abstrait», note Maymanah Farhat. Focus donc sur trois œuvres emblématiques à admirer en «live» au BEC.

« Jerusalem »
Un grand demi-cercle doré sur fond bleu occupe tout un pan de mur. C'est la plus récente toile de l'artiste. « En abstraction, on ne représente pas les choses telles qu'elles sont, mais telles qu'on les voit dans notre imagination, explique Halaby. Ici, vous pouvez voir ce grand demi-cercle qui pourrait représenter le dôme du rocher de la mosquée al-Aqsa à Jérusalem. Mais sa rondeur accentuée et ses couleurs entre ocre et doré pourraient également rappeler le soleil levant. Une troisième interprétation pourrait se baser sur la signification des couleurs : celles du désert, d'une part, et celles du bleu du ciel, d'autre part, font partie de notre histoire. On y retrouve également l'architecture arabe. Dans les mesures et les nombres de ce demi-cercle doré. La toile est composée de deux grands carrés. Vous prenez la diagonale de l'un d'eux pour en faire le diamètre d'un cercle et de même pour le second carré. On obtient cette partie dorée. À noter également le jeu de lumière qui vient du Nord. »

« Hommage à Leonardo »
Réalisé en 2014, l'hommage à Leonardo est un exemple de peinture intuitive, spontanée. «J'ai été, en effet, beaucoup influencée par Da Vinci. Je me suis inspirée de La Cène pour ce triptyque. La fresque du maître italien m'a appris les notions de surface de la toile et de sa profondeur. Une surface plane qui donne l'effet d'une fenêtre. Ou comment exploiter une perspective géométrique, le carré en l'occurrence, pour la construction d'un tableau.» Ici, les traits du pinceau se font larges, brusques, superposés, suivant un large mouvement tourbillonnant ou convergeant, tels des épis de blés ployant sous le vent. Les couleurs, éclatantes de joie et de fraîcheur, jaillissent comme un feu d'artifice

« Third Spiral »
Huile sur toile, 1970. « Ayant passé des sphères aux cylindres puis aux anneaux, j'avais senti qu'il était temps de passer au cube. Ou comment utiliser les couleurs et leur relation entre elles, pour accentuer les profondeurs. Jouant des effets de contraste, la mise en place de l'ombre et de la lumière et jouant des angles nets. » Littéralement hypnotisante, cette toile marque la fin de la période «formelle» de Halaby. Et constitue une entrée charnière vers les expérimentations radicales de l'artiste pour sortir des confins de la surface plane et aller vers la peinture cinétique créée avec un logiciel conçu par elle-même, ou les sculptures en papier mâché.
Pionnière de l'abstraction contemporaine dans le monde arabe, région dont elle est restée plus que proche (à travers ses nombreuses expositions, résidences d'enseignement et de recherches indépendantes), Samia Halaby se déclare au final très satisfaite de sa rétrospective au BEC. « Je suis très contente de ce lieu, de cette lumière naturelle qui baigne les toiles. De leur scénographie. On dirait qu'elles dialoguent entre elles. J'ai l'impression de voir ces œuvres pour la première fois de ma vie», conclut l'artiste.

*Beirut Exhibition Center, Mina el-Hosn, centre-ville de Beyrouth. Tél. : 01/962000.
bec@solidere.com.lb
www.beirutexhibitioncenter.com

 

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AH... LÀ... IL FAUT UN MNAJEM MIGHRABI POUR EXPLIQUER CES PRÉTENDUS DESSEINS ! L'ART (?) QUI DOIT ÊTRE EXPLIQUÉ N'EST PAS DE L'ART... C'EST DU BAZAR !

LA LIBRE EXPRESSION

05 h 32, le 07 février 2015

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Commentaires (1)

  • AH... LÀ... IL FAUT UN MNAJEM MIGHRABI POUR EXPLIQUER CES PRÉTENDUS DESSEINS ! L'ART (?) QUI DOIT ÊTRE EXPLIQUÉ N'EST PAS DE L'ART... C'EST DU BAZAR !

    LA LIBRE EXPRESSION

    05 h 32, le 07 février 2015

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