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Culture - Musique

Henry Ghoraieb, le retour de l’enfant prodigue

Dimanche soir, à l'église Saint-Joseph de l'USJ, les Jeunesses musicales du Liban donnaient leur premier concert annuel sous la direction de Paul René Safa. Au programme, l'« Adagio » d'Albinoni, deux petits morceaux pour hautbois, la « Symphonie des jouets » de Léopold Mozart et, pour conclure, le « Concerto en ré mineur pour clavier et orchestre » de Jean-Sébastien Bach.

Henri Ghoraieb saluant l’assistance avec le chef d’orchestre Paul Safa. Photo Sami Ayad

À l'écoute de ce concert, il m'est venu à l'esprit cette phrase de l'ancien président des JML, feu Antoine Medawar, qui disait : « Écouter de la musique c'est bien, mais en faire c'est beaucoup mieux. »
Pourquoi un orchestre des JML ? Justement pour permettre à tous ceux qui ont envie de faire de la musique (amateurs avertis, élèves avancés, ou même professionnels soucieux de transmettre leur savoir) de se réunir et de s'éclater musicalement.
Le concert débute avec le célèbre Adagio d'Albinoni (qui n'est d'ailleurs pas de lui, car il s'agit en fait d'un arrangement réalisé en 1945 à partir de bribes de manuscrits du compositeur vénitien, par le musicologue Remo Giazotto). Voilà le public plongé dans un halo de sons doux, emportés par le violon solo d'Anne-Claire el-Khoury au phrasé d'un lyrisme voluptueux.
Les deux petits morceaux qui suivent (le thème de Mission de Ennio Morricone et Oblivion d'Astor Piazzolla) sont là pour nous rappeler que le hautbois reste l'instrument le plus enchanteur de tous : à la fois doux et nasillard, sonore et discret, ce séducteur au souffle dramatique caresse vos oreilles, agrémente la phrase musicale d'une sensualité expressive et d'une nonchalante mélancolie.
Accents, contrastes, rééquilibrage de l'image sonore au profit d'instruments non conventionnels (surtout pour une œuvre classique de la deuxième moitié du XVIIIe siècle) : un coucou, une crécelle, un rossignol et un triangle font la particularité de la Symphonie des jouets de Léopold Mozart (le père du grand Mozart). Les enfants qui tenaient la partie de ces instruments (avec partition à l'appui, ne vous en déplaise) communiquaient leur joie de jouer devant un public enchanté. L'œuvre en elle-même n'a rien de transcendant (un même thème repris dans les trois mouvements dans des rythmes différents), mais la joie communicative des enfants donnait une dimension tout autre à cette petite symphonie à l'atmosphère enjouée.
Quel plaisir de jouer ensemble, mais aussi quel bonheur d'être soutenus et encouragés par de grands artistes confirmés. L'événement ce soir-là était surtout le grand retour du pianiste Henri Ghoraieb qui nous a livré sa lecture personnelle du Concerto en ré mineur de Jean-Sébastien Bach.
Lorsqu'on joue Bach au piano (instrument qui n'existait pas à son époque), la question est de savoir si on doit imiter le clavecin ou bien faire franchement le «jeu du piano». Henri Ghoraieb ne s'embarrasse pas de tant de scrupules et ne perd pas son temps à faire des nœuds avec une perche: il livre une version à la fois extrêmement pensée et savamment dosée.
L'inventivité et son approche du clavier lui permettent de s'adonner à des jeux de timbres que l'on entend rarement au concert. Saluons la performance et adhérons totalement à son jeu. Henri Ghoraieb s'attache à caractériser les plans sonores : grâce à sa riche palette, il pousse loin l'art de la nuance. Son jeu est captivant par l'énergie qui s'en dégage et par cette manière de tenir l'auditeur en haleine tout au long de l'œuvre.
Dans l'adagio du deuxième mouvement, la beauté de la ligne musicale d'essence vocale est présente tout au long du mouvement : un moment de grâce où Henri Ghoraieb joue la discrétion avec une fragilité qu'on pourrait qualifier à fleur de peau.
Dans les deux mouvements rapides qui encadrent l'adagio central, Ghoraieb porte le piano à incandescence : dès l'exposition du thème dans le premier mouvement, il donne le ton, impose son rythme. L'orchestre écoute, soutient et joue le jeu. Un dialogue s'engage et le discours s'avère ample et précis: orchestre et piano y trouvent, sous la baguette de Paul Safa, un juste équilibre, une spontanéité que rien n'altère.
Le retour de Henri Ghoraieb, après plus de 25 ans d'absence, est une aubaine pour les milieux musicaux au Liban. Sa grande culture musicale (rappelons qu'il a produit et animé pendant dix-huit ans des émissions sur France Musique, à Paris) et sa longue carrière de concertiste font de lui une figure incontournable de la musique au Liban. Qu'attend-on pour lui proposer des «master-classes» et faire profiter nos jeunes musiciens en herbe de l'expérience d'un grand musicien, d'un artiste aux talents multiples ?

Étienne KUPÉLIAN

À l'écoute de ce concert, il m'est venu à l'esprit cette phrase de l'ancien président des JML, feu Antoine Medawar, qui disait : « Écouter de la musique c'est bien, mais en faire c'est beaucoup mieux. »Pourquoi un orchestre des JML ? Justement pour permettre à tous ceux qui ont envie de faire de la musique (amateurs avertis, élèves avancés, ou même professionnels soucieux de...

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