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Le chaos au Yémen, un coup sévère aux efforts américains contre el-Qaëda

"Si l'ambassade ferme, alors la présence militaire américaine sur le terrain disparaît presque totalement".

"Un Yémen sûr", peut-on lire sur la main d'un manifestant à Sanaa contre les Houthis le 24 janvier 2015. Mohamed al-Sayaghi/Reuters

Le vide à la tête de l'Etat yéménite pourrait priver les Etats-Unis d'un partenaire précieux dans sa lutte contre el-Qaëda qui a fait du Yémen l'une de ses places fortes.

"Le Yémen a été un partenaire important dans la lutte antiterroriste" menée par les Etats-Unis, explique vendredi un responsable du département de la Défense à l'AFP. Non seulement l'exécutif yéménite "donnait son aval" pour des frappes aériennes américaines sur son territoire contre el-Qaëda dans la péninsule arabique (Aqpa), "mais il contribuait aussi aux efforts sur le terrain" avec ses propres forces, souligne cette source.
"Personne ne sait ce qui va se passer maintenant", ajoute le responsable, au lendemain de la prise de contrôle quasi-totale de la capitale yéménite par les miliciens chiites houthis et la démission du gouvernement et du président Abd Rabbo Mansour Hadi.

(Lire aussi : « Il y a toujours une voie de réconciliation dans le jeu politique yéménite »)


Vendredi soir, le Washington Post a affirmé que les Etats-Unis avaient suspendu des opérations de contre-terrorisme au Yémen. Le porte-parole du Pentagone, le contre-amiral John Kirby, a indiqué de son côté qu'il n'y "avait pas de changement" dans ces opérations. "Nous continuons les missions d'entraînement", a-t-il déclaré à l'AFP.

Depuis 2009, les Etats-Unis ont mené plus de 110 frappes aériennes au Yémen, dont l'essentiel par des drones, selon le décompte publié par la fondation New America. Le pic a été atteint en 2012 avec 56 frappes, contre 19 en 2014.
En 2011, les Américains ont éliminé l'imam américano-yéménite Anwar Al-Aulaqi, responsable d'Aqpa, né de la fusion des branches saoudienne et yéménite d'el-Qaëda.

Jusqu'ici, les forces de sécurité yéménites ont fourni des renseignements aux Américains, permettant de les guider dans leurs frappes. Des forces spéciales américaines, évaluées à une centaine d'hommes, sont encore sur place pour assister les Yéménites dans leurs combats contre Aqpa. Et malgré l'incertitude politique actuelle, les Etats-Unis maintiennent leur ambassade ouverte à Sanaa tout en réduisant encore le personnel.

(Portrait : Abdel Malek al-Houthi, le leader chiite d'Ansarullah au cœur de la crise yéménite)


"Si l'ambassade ferme, alors la présence militaire américaine sur le terrain disparaît presque totalement", souligne Bruce Riedel, un ancien agent de la CIA qui a conseillé plusieurs présidents américains et qui travaille aujourd'hui pour la Brookings Institution, un groupe de réflexion.
Malgré le chaos actuel, le scénario du maintien d'une coopération avec les pouvoirs locaux n'est pas encore complètement exclu par les Américains.

Ennemis de nos ennemis

"Nous n'aurons plus de partenaire local efficace" mais "nous aurons peut-être des petits bouts de partenariat", veut espérer Bruce Riedel.

Alors que le pays menace de se scinder en deux, entre nord et sud, Washington a réaffirmé vendredi sa volonté de voir préservée l'intégrité territoriale du Yémen. "Nous continuons à soutenir l'unité du Yémen et les institutions légitimes du Yémen. Nous estimons que c'est dans l'intérêt du peuple yéménite", a ainsi déclaré la porte-parole du département d'Etat, Jennifer Psaki.

(Lire aussi  : Chaos au Yémen, sans président ni gouvernement )


L'une des inconnues est l'attitude vis-à-vis des Etats-Unis de la milice houthi. "Nous sommes dans une situation bizarre où les Houthis, les ennemis de notre ennemi Aqpa, ne sont pas du tout nos amis, et vont probablement perturber nos efforts pour renforcer l'armée et les forces de sécurité yéménites", relève Daniel Benjamin, chercheur au Dartmouth College. "Les terroristes prospèrent dans le chaos et la menace contre les pays occidentaux pourrait s'amplifier", a-t-il estimé.

"Les Houthis vont nier toute coopération avec les Etats-Unis, mais ils l'ont déjà fait sous le manteau, et ils continueront probablement de le faire", estime de son côté Charles Schmitz, spécialiste du Yémen à l'université Towson.

Vendredi, John Kirby a rappelé que les Etats-Unis pouvaient procéder à des frappes unilatérales contre les groupes extrémistes, sans accord formel du pays concerné. "Mais le plus efficace est d'avoir la coopération" de ce pays, souligne-t-il.

La situation est en tout cas un "revers majeur" pour le président Obama, qui, encore en septembre dernier, avait fait de la coopération avec le Yémen un pivot de sa politique antiterroriste, souligne Jim Phillips, chercheur à l'Heritage Foundation, un centre de réflexion conservateur: pas de troupes américaines sur le terrain, mais un appui aux forces locales, le cas échéant avec des frappes aériennes.


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