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Liban - Rapport

HRW répertorie les lois religieuses discriminatoires envers les Libanaises

« Pas de protection et pas d'égalité » : le titre du rapport annuel de l'ONG Human Rights Watch sur les droits des Libanaises dans les lois religieuses gérant le statut civil est très laconique. Pourtant, il résume à la perfection une situation depuis longtemps intolérable, car discriminatoire.

Une activiste lors de la marche, samedi 8 mars 2014 à Beyrouth, pour la promulgation de la loi visant à protéger la femme contre la violence domestique. REUTERS/Jamal Said

Human Rights Watch a rendu public hier son rapport annuel sur les droits des femmes au Liban au cours d'une conférence de presse qui s'est tenue à l'hôtel Riviera en présence de Nadim Houry, directeur de l'ONG au Liban, de Lama Fakih, en charge de la recherche, et de Nayla Geagea, consultante auprès de HRW.
Fondé sur des interviews de femmes qui sont passées par des procédures de divorce, ponctuées de batailles pour la garde des enfants, de témoignages de juges, d'avocats et d'assistantes sociales, le rapport dresse un état des lieux révoltant de la situation des Libanaises dans les 15 lois de l'état civil, répertoriées par HRW. Leurs droits sont pratiquement nuls, comparés à ceux des hommes. Ce qui est valable pour un homme ne l'est pas pour une femme dans les lois religieuses, déplore HRW. Un bilan d'autant plus révoltant que les dispositions de ces lois contredisent les chartes et autres textes internationaux sur les droits de l'homme, ratifiés par le Liban.

 

(Voir l'intégralité du rapport ici)


Plus encore, le Liban a poussé la schizophrénie jusqu'à garantir dans sa Constitution que les lois régissant le statut civil demeurent inchangées, en consacrant dans la Loi fondamentale un article garantissant explicitement le respect du statut personnel et des intérêts religieux des individus, quelle que soit leur appartenance communautaire. Un texte qui a été en permanence « pris comme prétexte pour barrer la voie à toute modernisation des lois sur le statut civil et éviter la mise en place d'une loi civile du statut personnel », déplore HRW.


Si un effort a été fourni par certaines communautés, notamment pour ce qui a trait à la garde des enfants, ou plutôt à l'âge jusqu'auquel un enfant est autorisé à rester avec sa mère, il reste qu'on est encore très loin de la notion de justice dans ces textes, comme le montre d'ailleurs le rapport de HRW, un texte consistant de 114 pages.


L'ONG a analysé 447 jugements récents rendus par des tribunaux religieux dans des affaires liées à des divorces, la garde d'enfants, la propriété, et aux pensions, pour pouvoir dresser son bilan et avancer ses recommandations.
Cependant, ce ne sont pas seulement les dispositions des lois pointées du doigt qui sont à l'origine des discriminations contre les femmes. D'autres facteurs, cités par HRW, y contribuent grandement : « L'absence de contrôle des autorités judiciaires concernées sur les tribunaux religieux, le manque de formation adéquate des juges reliés à ces tribunaux (seuls les juges rattachés aux tribunaux druzes et évangéliques sont tenus d'avoir une licence en droit, les autres comptent sur " l'expérience " et sur les "compétences religieuses"), l'absence (à l'exception des tribunaux évangéliques et arméniens-orthodoxes) d'une représentation féminine dans les tribunaux religieux, la lourdeur des charges financières (en moyenne 8 000 dollars pour un procès en annulation d'un mariage) rédhibitoires pour de nombreuses femmes, et l'absence de toute assistance légale, à l'exception d'aides limitées, fournies par certains tribunaux religieux, sur base de décisions soumises à son autorité discrétionnaire. »

 

 

 

Changements hormonaux et règles
Puisqu'il est question d'autorité discrétionnaire, il serait bon de reproduire cette remarque, qui se passe de tout commentaire, faite par un représentant d'un tribunal religieux, cité dans le rapport et interrogé sur les motifs de la discrimination à l'égard des femmes en matière de divorce : « À cause des changements hormonaux liés aux règles, les femmes sont incapables de faire de bons choix. Comment peut-on dès lors leur accorder le droit au divorce ? »
L'inégalité ne se limite toutefois pas aux droits des hommes et des femmes, mais existe aussi entre les communautés. HRW relève ainsi que « les femmes sunnites, chiites et druzes ont plus de chances de pouvoir mettre fin à leur mariage devant les tribunaux religieux que les chrétiennes », et il est « plus facile aux sunnites ou aux druzes de saisir un tribunal du même procès que les chiites ».
En plus, les femmes qui décident de divorcer sont confrontées à de graves conséquences économiques « car la loi ne reconnaît pas le concept de propriété maritale ». Quand le mariage prend fin, « la propriété revient au conjoint dont le nom a été enregistré (généralement l'époux) sans tenir compte de celui qui a contribué à l'achat ».


Les critères pour la garde des enfants diffèrent également d'une communauté à une autre. « Les communautés chiite, sunnite et druze tiennent compte de l'âge et non pas de l'intérêt supérieur de l'enfant pour déterminer le droit de garde. » Mais la communauté sunnite a « accordé aux juges le pouvoir discrétionnaire d'évaluer l'intérêt de l'enfant ».
Idem pour la tutelle qui répond à une série de conditions et qui est illimitée pour le père alors qu'elle « risque de tomber à tout moment pour la mère, en fonction d'une série de causes déterminées par la loi religieuse ». De nombreuses femmes acceptent ainsi, toujours selon HWR, de rester dans des unions violentes pour ne pas perdre leurs enfants.
Plus encore, selon le rapport, les communautés catholiques ne considèrent pas la violence conjugale comme « un motif suffisant pour annuler une union, à moins de prouver que la cause de la violence chez eux relève d'un problème psychologique incontrôlable ». Chez les orthodoxes et les évangéliques, chacun des deux conjoints peut réclamer une annulation du mariage « s'il prouve que son partenaire a essayé de le tuer ». En d'autres termes, les Libanaises restent mal protégées en cas de violence conjugale, malgré la loi passée en 2014. Et en cas de conflit entre cette nouvelle loi et celle du statut personnel, « c'est la dernière qui l'emporte ».

 

(Lire aussi : Loi sur la violence domestique : quid de l'application et de l'efficacité ?)

 

Les recommandations
L'ONG a jugé nécessaire « une réforme globale et rapide des lois sur le statut civil » tout en relevant des changements juridiques positifs « modestes » opérés par les autorités religieuses et civiles. Ceux-ci restent cependant « largement insuffisants pour régler la discrimination méthodique contre les femmes », estime l'ONG qui invite l'État à adopter un code civil « facultatif » assurant des droits égaux à tous les Libanais, indépendamment du sexe et de la religion, et conformes aux engagements internationaux du Liban.
Elle a souligné la nécessité d'introduire des amendements « fondamentaux » aux lois religieuses « en concertation avec les autorités religieuses et les ONG qui s'occupent des affaires des femmes et des enfants ». Elle a demandé à l'État de « contraindre les communautés à rédiger leurs lois et les présenter au Parlement pour qu'il s'assure de leur conformité avec la Constitution et aux engagements du Liban », de « déterminer le niveau minimum des compétences scientifiques et juridiques des juges », de mettre en place un mécanisme de surveillance du cours des procédures pour s'assurer de l'absence de toute discrimination et d'assurer une assistance juridique aux femmes en difficulté.

 

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Human Rights Watch a rendu public hier son rapport annuel sur les droits des femmes au Liban au cours d'une conférence de presse qui s'est tenue à l'hôtel Riviera en présence de Nadim Houry, directeur de l'ONG au Liban, de Lama Fakih, en charge de la recherche, et de Nayla Geagea, consultante auprès de HRW.Fondé sur des interviews de femmes qui sont passées par des procédures de divorce,...

commentaires (1)

Que le Human Rights Watchs s'occupent des femmes qui meurent par des jets de pierres par-ci et par des coups de revolvers par-là, au lieu de discuter le sexe des anges au Liban.

Un Libanais

18 h 02, le 20 janvier 2015

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Commentaires (1)

  • Que le Human Rights Watchs s'occupent des femmes qui meurent par des jets de pierres par-ci et par des coups de revolvers par-là, au lieu de discuter le sexe des anges au Liban.

    Un Libanais

    18 h 02, le 20 janvier 2015

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