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Moyen Orient et Monde - Analyse

Tuer des chefs de l’État islamique ne suffira pas à vaincre le groupe jihadiste

L'organisation a dans le passé fait la preuve de sa résilience, estiment des experts.

Même l’élimination du chef suprême, Abou Bakr al-Baghdadi, qui s’est autoproclamé calife Ibrahim, ne suffirait pas à mettre l’EI sur la voie du déclin. Photo AFP

Le Pentagone s'est récemment réjoui d'avoir éliminé des chefs du groupe État islamique (EI), mais les raids aériens et l'option militaire ne suffiront pas à vaincre une organisation qui a dans le passé fait la preuve de sa résilience, estiment experts et officiels.
Quelles qu'aient été les responsabilités des « dirigeants de haut niveau » de l'EI tués en Irak ou en Syrie par les bombes ou les missiles de l'US Air Force, comme l'a annoncé jeudi un porte-parole de l'armée américaine, ils ont déjà sans doute été remplacés. Et l'histoire montre que dans ces cas-là les nouveaux venus ont tendance à être mieux organisés, plus méfiants et plus radicaux que leurs prédécesseurs, ajoutent-ils.

« L'élimination de chefs importants est destinée à dégrader les capacités d'action des organisations et entraver la mise en place de complots, confie à l'AFP l'Américain Bruce Riedel, ex-agent de la CIA, ancien conseiller du président Barack Obama, membre du prestigieux cercle de réflexion Brookings. Mais cela ne suffit pas à vaincre ou détruire une organisation terroriste. Par deux fois le chef d'el-Qaëda en Irak a été éliminé, mais cela n'a pas empêché ce groupe de donner naissance à l'État islamique. »
Cela d'autant plus que la chaîne de commandement de l'EI, en dépit des organigrammes parfois publiés dans la presse occidentale, reste encore largement inconnue des services de renseignements, et que ses membres sont passés maîtres dans l'art de se dissimuler sous une multitude de fausses identités, surnoms et noms de guerre.

 

(Pour mémoire : « Les daechistes sont en train de détruire une religion millénaire pacifique devant les yeux du monde entier »)


La vision occidentale, qui fait de toute organisation une structure forcément pyramidale, avec un chef suprême, un certain nombre d'adjoints qui lui rendent des comptes et des subordonnés en cascade, n'est pas la meilleure pour rendre compte d'une réalité orientale, où les liens tribaux, régionaux, historiques ou culturels sont primordiaux, même s'ils sont souvent cachés aux yeux de l'étranger.

Sérieux combats supplémentaires
« Les actions militaires, les raids aériens ne mettront jamais fin au mouvement, tout le monde le sait, souligne à Paris Dominique Thomas, spécialiste de l'islamisme radical à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Au mieux, cela peut conduire l'organisation à une phase de dispersion, qui n'est jamais facile à appréhender. Ce qui est important, au sein de l'EI, ce n'est pas l'organigramme mais le conseil de la Choura, et là on n'est pas sûr de celui qui y siège. » « Éradiquer l'EI ne se fera pas à court terme, et certainement pas par l'option militaire, ajoute-t-il. Il faut une solution politique à Bagdad, c'est-à-dire que les chefs tribaux sunnites passés chez EI changent de camp. Mais ils se méfient, ils ont été floués une fois, et si Bagdad n'adopte pas une stratégie diamétralement opposée à leur égard, ça ne marchera pas. »

 

(Lire aussi: Le vrai pouvoir de l'EI ? « Inspirer » les autres...)


Même l'élimination du chef suprême, Abou Bakr al-Baghdadi, qui s'est autoproclamé calife Ibrahim, ne suffirait pas à mettre l'EI sur la voie du déclin, estime à Washington Michael Ryan, de la Jamestown Foundation. « Si al-Baghdadi disparaît du paysage avant que son califat ne soit fermement établi, le groupe État islamique sera sérieusement ébranlé, mais grâce à l'action de ses lieutenants, il ne sera pas éradiqué sans de sérieux combats supplémentaires », dit-il.

Au cours des derniers mois, les responsables de l'administration américaine ont insisté sur ce point, préparant les opinions occidentales à une lutte de longue haleine.
Témoignant récemment devant une commission du Sénat, le général Martin Dempsey, plus haut gradé américain, déclarait que « l'EI ne sera défait que lorsque ses oripeaux de légitimité religieuse lui seront arrachés et que les populations qu'ils ont soumises les rejetteront. Toutes nos actions sont dirigées vers cela. Cela représentera un effort considérable, sur la durée. C'est un problème générationnel, et nous devons nous attendre à ce que nos ennemis adaptent leurs tactiques à notre approche ».

 

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