Faute de véritable bonne nouvelle qui consisterait par exemple dans l'élection d'un président de la République ou dans la libération des militaires enlevés, les Libanais devront se contenter de la tenue probable de la réunion préalable au dialogue entre le Hezbollah et le courant du Futur. Les derniers détails de cette réunion n'ont pas encore été mis au point, notamment la question de la participation de Walid Joumblatt qui n'a pas encore été tranchée, mais le président de la Chambre Nabih Berry a annoncé mercredi que la réunion est programmée en principe avant la fin de l'année.
En l'absence de toute activité positive, les milieux politiques se concentrent désormais sur cette amorce de dialogue, la présentant comme un grand pas en avant pour la consolidation de l'entente interne. Aux dernières nouvelles, la réunion devrait se tenir à Aïn el-Tiné, en présence des représentants des deux parties, le courant du Futur et le Hezbollah, mais aussi de Nabih Berry et de son adjoint, le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, et peut-être aussi du chef du PSP Walid Joumblatt. Autrement dit, dans la forme, la réunion aura un cachet officiel qui permettra de la présenter comme un grand événement. Mais c'est sur le fond que les interprétations sont divergentes. Les plus blasés affirment qu'on est en train d'amplifier l'importance de l'ouverture de ce dialogue pour cacher l'état de stagnation interne et l'incapacité des Libanais à prendre la moindre initiative pour résoudre leurs problèmes. Les plus optimistes estiment que ce dialogue pourrait permettre d'évoquer sérieusement le dossier présidentiel et peut-être d'aboutir à un déblocage. Mais les plus nombreux sont ceux qui se situent entre les deux. Ceux-là croient que le dialogue entre le courant du Futur et le Hezbollah est certainement très utile, notamment sur le plan de la baisse des tensions confessionnelles, mais il ne faut pas en attendre des miracles.
Une source proche du bloc parlementaire de Joumblatt précise que les deux parties ont besoin de ce dialogue, car la situation interne, au niveau notamment des rues sunnite et chiite, est devenue inquiétante, notamment dans les localités de la Békaa, où sunnites et chiites sont en contact direct. Pour le Hezbollah, un tel dialogue ne peut qu'être bénéfique, ne serait-ce que pour apaiser « le front interne », ce qui lui permettra de mieux se concentrer sur le combat en Syrie. En ce qui le concerne, tout ce qui réduit la pression interne exercée sur lui est important, d'autant qu'il doit gérer en même temps sa participation à la guerre en Syrie et sa vigilance à la frontière avec Israël, tout en s'intéressant de près aux questions sécuritaires, ses positions étant souvent une cible principale des attentats. Un dialogue entre lui et le courant du Futur lui assure une couverture sunnite dont il a aujourd'hui plus besoin que jamais.
Du côté du courant du Futur, la nécessité de dialoguer avec le Hezbollah est tout aussi urgente. En effet, depuis le départ en exil volontaire de son chef Saad Hariri, le courant du Futur a réussi tant bien que mal à préserver sa popularité au sein de la communauté sunnite. Mais depuis 2011, il n'a pas hésité à utiliser les courants extrémistes, notamment à Tripoli et à Saïda, profitant de leur hostilité au Hezbollah pour affaiblir le Premier ministre de l'époque Nagib Mikati. Le courant du Futur a longtemps pensé qu'il s'agissait là d'une tactique facile à arrêter, selon les intérêts du moment. Mais entre-temps, ces courants ont réussi à se constituer une assise populaire et à se doter de moyens financiers qui leur ont donné une certaine autonomie.
On se souvient par exemple de l'attitude ambiguë de certaines figures du courant du Futur à l'égard de cheikh Ahmad el-Assir et de son mouvement, et à l'égard de plusieurs ulémas de Tripoli et du Nord qui ne cachaient pas leur hostilité à l'armée. Lorsque la montée en puissance de ces courants est devenue une menace pour la stabilité du Liban, voulue par la communauté internationale à cette étape particulièrement délicate, le courant du Futur a levé la couverture tacite qu'il leur accordait. Mais il a pu alors mesurer la popularité de ces groupes et découvrir qu'ils avaient un financement indépendant, en provenance du Qatar. Affaibli par des tiraillements internes dus à l'absence du chef, concurrencé sur son propre terrain par des mouvements extrémistes et par le regain de popularité de la Jamaa islamiya (la branche libanaise des Frères musulmans), notamment à Saïda, le courant du Futur est contraint de reprendre l'initiative pour retrouver sa base populaire. L'ouverture du dialogue avec le Hezbollah lui permet de se présenter comme la force la plus importante au sein de la communauté sunnite et lui redonne un rôle de premier plan sur la scène interne.
Pour ces raisons, le dialogue entre le courant du Futur et le Hezbollah a toutes les chances de se tenir. Mais aboutira-t-il à des décisions importantes ? C'est là la grande question. Certains veulent le transformer en nouvel accord quadripartite (comme celui qui avait été conclu en 2005 entre le Hezbollah, Amal, le courant du Futur et le PSP), mais ni le Hezbollah ni Amal ne sont dans ce cas de figure et d'autres attendent un déblocage du dossier présidentiel qui n'est pas non plus envisagé, tant que le 8 Mars continuera d'appuyer la candidature du général Michel Aoun et que ce dernier, comme il l'a déclaré hier, n'est pas prêt à retirer sa candidature...
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commentaires (4)
RÉUNION DE "TOUS"... SANS LES CHRÉTIENS ? VOUS CHOISIREZ POUR EUX ET DÉCIDEZ POUR EUX ET À LEUR PLACE ? J'ESPÈRE QUE CETTE FOIS CE SERA PUBLIÉ... NON ?
LA LIBRE EXPRESSION
13 h 18, le 19 décembre 2014