« Les daéchistes estiment que les femmes sont inférieures aux hommes, mais ils sont pleins de contradictions. Ils ont peur de nous car ils croient que s'ils sont tués par des femmes, ils n'iront pas au paradis. » Celle qui parle ainsi s'appelle Chirine. Elle a 32 ans. C'est une combattante du Parti des travailleurs kurdes (PKK, d'obédience marxiste), dirigé par le dirigeant historique kurde, Abdallah Oçalan, dit Apo.
« Ils disent que s'ils sont tués par des femmes, ils seront souillés car les femmes sont impures. Lorsque l'on fait l'un d'eux prisonnier, il n'ose pas nous regarder en face. Il garde les yeux rivés au sol. Du seul fait que nous sommes des femmes combattantes, nous avons face à eux une puissance supérieure aux hommes », ajoute Chirine.
Armées de kalachnikovs, de grenades à main et de roquettes antichars (RPG), elles reviennent du front, situé à une soixantaine de kilomètres au sud-est d'Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. À quelques centaines de mètres de leur campement passe l'autoroute qui relie Kirkouk à Bagdad. À quelques centaines de mètres à l'est de l'autoroute flotte le drapeau de l'État islamique (EI, ex-Daech). Longtemps revendiquée par les Kurdes, la ville pétrolière de Kirkouk a été récemment prise par les peshmergas au gouvernement central irakien, sous prétexte d'empêcher qu'elle ne soit occupée par les daéchistes.
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Les Kurdes ont pris comme prétexte que Kirkouk risquait de tomber entre les mains des intégristes sunnites, tout comme Mossoul, la deuxième ville d'Irak, occupée par les daéchistes en raison de la traîtrise ou de la lâcheté de l'armée irakienne. Comptant environ deux millions d'habitants, les intégristes ont fait de Mossoul le siège de leur « califat » et y ont pris une quantité d'armes sophistiquées, notamment américaines, et des millions de dollars dans la succursale de la Banque centrale irakienne.
« Nous formons des unités spéciales de femmes, mais nous coordinons notre action avec nos camarades hommes et nous nous battons côte à côte », ajoute Chirine.
Partout chez ces femmes combattantes, nous retrouvons le même discours. Une sorte de sacerdoce pour la cause kurde qui exclut toute autre passion. « C'est vrai que nous sommes des êtres humains particulièrement sensibles et que nous sommes libérales puisque nous sommes de gauche et que, comme tout le monde, nous avons des besoins affectifs et sexuels, mais nous les réprimons. Nous n'avons pas le temps de fonder des familles, de tomber amoureuses. Nous ne vivons pas pour nous-mêmes, mais pour notre peuple. Comme nous le dit notre chef Apo, toute notre énergie doit être consacrée à la cause kurde », indique Chirine.
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Elle n'exclut toutefois pas des relations d'amitié très intenses avec des camarades hommes. Mais pour elle, il s'agit d'amitié, d'amour platonique. Il n'est pas question de relations intimes. D'ailleurs, pour éviter toute tentation, les femmes vivent dans des baraquements séparés des hommes.
« Personne ne nous oblige à être des combattantes. Nous pouvons dévêtir le treillis militaire quand nous le voulons. ». Le fera-t-elle un jour? « Peut-être le ferai-je un jour si je décide de fonder une famille ou quand je serai trop vieille pour porter des armes, mais alors je serai trop vieille pour plaire à un homme ou pour fonder une famille », dit-elle en éclatant de rire.
Elle affirme qu'elle connaît un certain nombre de femmes qui ont quitté leur treillis militaire pour rejoindre leurs familles, notamment en Allemagne, mais depuis qu'a éclaté la crise avec les daéchistes, beaucoup sont revenus pour prendre part au combat.
Chirine ne comprend pas comment des femmes peuvent soutenir les daéchistes. « Nous les appelons à se libérer. Pour le moment, ce sont des esclaves sexuelles. Les femmes arabes et musulmanes en général sont des aliénées. Il faut qu'elles réclament leurs droits et qu'elles se libèrent du joug machiste imposé par l'islam. Nous, nous nous battons pour la liberté des femmes dans le monde entier. »
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Chirine affirme que 40 pour cent des guerilleros du PKK sont des femmes. Mais à la fin de l'interview, le commandant peshmerga de la base de Mattara, Akid, 48 ans, qui appartient au Parti démocratique du Kurdistan (PDK), de Massoud Barazani, qui dirige la région autonome kurde d'Irak, nous prend à part.
« Nos camarades combattantes exagèrent toujours. Elles ne constituent pas plus de 20 pour cent de nos forces, mais c'est déjà beaucoup et leur participation amplifie le courage de nos hommes, qui, pour leur plaire, sont parfois plus féroces au combat », affirme-t-il. « Mais elles sont vraiment têtues. J'ai dû parlementer longtemps avec leur commandante pour qu'elle accepte de les retirer du front pour être interviewées. Elle estimait que c'était une perte de temps, mais j'ai fini par la convaincre que l'image de femmes combattantes est une bonne chose pour notre cause. »
Akid affirme que la partie du front qu'elles tiennent est particulièrement sensible, car si elles n'étaient pas là, les daéchistes auraient pu couper la route Kirkouk-Bagdad. Mais pour lui, la vraie bataille se déroule à l'heure actuelle autour de la ville de Kobané à la frontière syro-turque, qui compte 500 000 habitants et qui est encerclée par les jihadistes. « Ce sont les combattants du PKK qui se battent à Kobané et qui tiennent, malgré l'attitude fourbe des Turcs, qui il y a trois jours ont fermé la frontière, empêchant l'arrivée de renforts kurdes dans la ville. Les Turcs ont peur d'une victoire kurde à Kobané car cela renforcera le combat de libération que l'on mène contre l'emprise turque », ajoute-t-il.
commentaires (3)
Elles finiront comme les amazones du Kadhafi en faisant.... pschitt !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
11 h 24, le 06 décembre 2014