Rechercher
Rechercher

Assad, le retour

Ne sursautez pas à la lecture de ce titre puisque les lignes qui suivent ne sont surtout pas un hymne passionné à la vaillante reconquête par la dictature syrienne de ses gloires et splendeurs passées. C'est de tout autres retrouvailles – bien davantage méritées, celles-là – qu'il va s'agir ici : celles, longtemps différées, entre Damas et la justice internationale saisie de l'affaire de l'assassinat de Rafic Hariri.


Dès les premières phases de l'enquête, le régime baassiste, alors maître absolu du Liban, figurait explicitement en tête des suspects en tant que commanditaire de l'attentat du 14 février 2005. Le procureur de l'époque s'attaquait d'emblée, ainsi, au sommet de la pyramide criminelle : à l'instance suprême qui avait lancé un contrat sur la vie de l'ancien Premier ministre, de même qu'aux responsables sécuritaires, tant libanais que syriens, soupçonnés d'avoir planifié l'attentat. Maints de ceux-ci ont été interrogés ; certains ont même été écroués, avant d'être libérés pour insuffisance de preuves.


Renversant la vapeur, les magistrats suivants se sont rabattus, quant à eux, sur l'autre extrémité de la chaîne de commandement : autrement dit, sur les exécutants, identifiés comme des responsables militaires du Hezbollah. Maintenant qu'il est fixé sur le qui et le comment de l'hécatombe de Aïn Mreissé, voici que le Tribunal spécial pour le Liban aborde la question centrale, celle du pourquoi : en base de quels critères l'assassin en chef, autrement le commanditaire, a-t-il jugé nécessaire, et même urgente, la liquidation de Rafic Hariri ?


C'est dans cette perspective que s'inscrit le tournant capital, véritable retour aux sources, qu'a amorcé lundi l'instance internationale en décidant d'entendre les témoignages et éclairages non plus de simples passants ou d'experts en explosifs, mais de personnalités politiques locales parfaitement au fait des désaccords qui allaient s'aggravant entre le président de Syrie et l'ancien chef de gouvernement libanais. Cette trajectoire de collision, l'ancien ministre Marwan Hamadé, premier à déposer, l'a vécue de près. De beaucoup trop près même, puisqu'il fut également, du moins sous le règne de Assad fils, le premier d'une longue liste de responsables politiques, journalistes de grand renom et autres leaders d'opinion à être pris pour cible par les tueurs, auxquels il n'échappa que par miracle.


Capital, à plus d'un titre, est ce témoignage, appelé à s'étaler sur quatre jours. Non seulement c'est là un acte d'un immense courage de la part d'un homme qui a déjà frôlé la mort et qui n'ignore rien de l'énorme capacité de nuisance que conservent les assassins et leurs amis. Non seulement cet homme plante fort opportunément, à l'intention des juges, le décor de la tragédie de 2005, reconstituant en quelque sorte ainsi la scène, non plus policière mais politique, d'un crime éminemment politique lui aussi. Mais ce sont les Libanais eux-mêmes que devrait ébranler, à leur tour, le percutant récit des menaces, pressions et humiliations qu'infligeait un occupant chaque jour plus gourmand et plus intraitable à un leader néanmoins obstiné à desserrer, autant que pouvait se faire, la mortelle étreinte.


Oui, ce sont des mémoires bien libanaises que devrait salutairement rafraîchir ce rappel précis et circonstancié d'une quête de domination mafieuse qui n'épargnait aucun des rouages de l'État, qui s'étendait à la presse, qui incluait même le pillage en règle de notre pays : mémoires de ceux de nos concitoyens gagnés, de guerre lasse, par le découragement, l'abattement, le fatalisme ; mémoires, faut-il espérer, de ceux qui gardent la nostalgie d'une des pages les plus sombres de notre histoire, de ceux qui ne tirent leur poids que de leur potentiel de violence; mémoires enfin de ceux qui, par pur opportunisme, ont objectivement rallié les tortionnaires d'hier.


Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Ne sursautez pas à la lecture de ce titre puisque les lignes qui suivent ne sont surtout pas un hymne passionné à la vaillante reconquête par la dictature syrienne de ses gloires et splendeurs passées. C'est de tout autres retrouvailles – bien davantage méritées, celles-là – qu'il va s'agir ici : celles, longtemps différées, entre Damas et la justice internationale saisie de...