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Liban - Séminaire

Taëf : un quart de siècle plus tard, les mêmes tabous à peine ébranlés...

Après trois jours de débat sur l'efficacité des amendements de 1989, le texte des recommandations a qualifié ces amendements de « base pour l'édification d'un État civil ».

L'opacité qui entoure la genèse des accords de Taëf, dont les travaux préparatoires n'ont jamais été publiés ; les multiples lectures des amendements convenus, entre autres au niveau des prérogatives présidentielles ; la série d'interrogations sur les motifs de la signature de l'accord, et les possibles ingérences étrangères qui auraient rendu cette signature possible... toutes ces zones d'ombre assurent une couverture à la dénaturation du texte constitutionnel, ou carrément à une nouvelle constituante.

La troisième journée du séminaire « Taëf, 25 ans plus tard », organisé par le Centre civil pour l'initiative nationale et le Friedrich Ebert Stiftung, aura démontré la frustration civile causée par l'étanchéité des débats nationaux décisifs. « Il y a le texte réel de Taëf et le texte fictif », a commencé par affirmer le sociologue Talal Husseini, tenant l'audience en haleine, avant de la décevoir aussitôt. Il a en effet démenti catégoriquement l'existence de procès-verbaux qui rapportent la teneur des échanges préalables à la signature des accords de Taëf. « Toutes les décisions prises ont fait suite à des apartés ou des entretiens en marge des réunions officielles », a-t-il expliqué, sous les yeux de son frère, Hussein Husseini, ancien président de la Chambre, qualifié du parrain de Taëf.

 

(Pour mémoire : De la désunion à Taëf, les épreuves libanaises, par Farès Sassine)



C'est l'esprit de Taëf qu'a dégagé, en dehors des sentiers battus, l'ancien député, Samir Frangié.
C'est là que la culture citoyenne est à même de s'émanciper. Il s'est ainsi attardé sur l'idée selon laquelle « ces accords ont mis fin à la coexistence et initié le vivre-ensemble ». « Il s'agit d'une avancée structurelle dans les rapports interlibanais : la coexistence équivaut à une trêve entre des composantes antagoniques, tandis que le vivre-ensemble est l'interaction entre individus appartenant à des groupes différents », a-t-il rappelé. Autrement dit, « Taëf a lié la légitimité du pouvoir à sa capacité à protéger le vivre-ensemble. Le rôle du pouvoir n'est plus la gestion figée des communautés. Il porte désormais sur une obligation continue d'entretenir des rapports en progression. Et ce vivre-ensemble n'a d'équivalent dans aucun autre pays », a-t-il souligné.

Force est de revenir sur les cinq études comparatives entre le modèle libanais et d'autres modèles jugés similaires (la Syrie, l'Irak, le Yémen, la Bosnie et la Suisse), ayant meublé le premier panel de la journée. Tous les éléments de la démocratie participative ont été évoqués, à quelques nuances près.
Mais aucune intervention n'a réexaminé les fondements théoriques de cette approche, qui reste limitée à un souci de coexistence. Intervenant au second panel, l'auteur Theodore Hanf s'est montré optimiste quant au partage des pouvoirs au Liban. Il a justifié le recours à cette solution, « qui est une parmi d'autres », par le besoin qui pointe tôt ou tard de renoncer à la violence. Il a établi dans ce cadre un parallélisme entre le traité de Westphalie (1648) et les accords de Taëf.
L'appel à « un éventuel Taëf syrien » est sous-tendu par une interprétation de ce document comme « un compromis, celui-ci n'étant pas une faiblesse » (Stephan Rosiny-Institut allemand GIGA).
Les participants ne se sont pas entendus sur le mécanisme de ce compromis : la démocratie consensuelle bloque-t-elle la gestion des conflits ?

(Pour mémoire : Prérogatives du président de la République dans l'après-Taëf : là où le bât blesse..., par Hassan Rifaï)

 

L'ombre syrienne
La question de l'ingérence syrienne a plané sur le débat. N'était l'élan de sincérité de l'ancien député Edmond Rizk ( « il faut le dire, nous avions espéré de meilleurs amendements à Taëf, mais notre marge de manœuvre était limitée par les Syriens » ), le débat serait resté dans l'approximatif idéal de l'ancien ministre Khaled Kabbani ( « Taëf est l'émanation d'une volonté libanaise » ), ou la lecture politisée du député Farid el-Khazen ( « la mise à l'écart du général Michel Aoun était le premier but des parties régionales à l'époque des amendements constitutionnels, qui n'ont porté qu'un souci circonstanciel à ces accords » ).
Le député Ghassan Moukheiber a appelé à amender entre autres le mécanisme de la présidentielle. Interrogé sur le blocage de la présidentielle par le porte-parole du Parti socialiste progressiste, Rami Rayess, présent dans l'audience, le député s'est contenté de répondre que « la volonté politique qui déliera tôt ou tard cette échéance a le devoir de favoriser une réforme à ce niveau ».

Recommandations
Les recommandations du séminaire ont en tout cas constitué une mise à jour des accords de Taëf. Qualifiant le document comme étant « la base de l'édification de l'État civil », le texte des recommandations a énuméré les fondements de cet État civil : « Les intérêts respectifs de l'État, des Libanais en tant que peuple, des Libanais en tant que groupes religieux, et des Libanais en tant qu'individus. » Le texte a préconisé en outre l'adoption d'une loi électorale basée sur la proportionnelle. « Tout amendement éventuel ne sera légitime que s'il s'effectue à travers les institutions, (...) dans le respect de la souveraineté », a conclu le texte.

 

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