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(R)enseignements

Elle est la dernière encore debout, bien vivante et on ne peut plus active, dans ce pays où les institutions étatiques manifestent un fâcheux penchant pour l'hibernation. Elle est fréquemment la cible de lâches agressions terroristes et ses hommes tombés en captivité sont parfois égorgés comme des moutons. Mais c'est bien grâce à elle que pour Daech, al-Nosra et consorts, le minuscule Liban n'est pas une promenade militaire comme cela a été le cas de pays tels que la Syrie et l'Irak. Ne serait-ce que pour cela, l'armée mérite amplement l'admiration et le soutien de tous.

Jeudi était une journée faste pour la troupe. Un magistral coup de filet a permis l'arrestation d'un dangereux chef terroriste dans sa planque du Liban-Nord où il préparait une série d'attentats aux explosifs. On apprenait, dans le même temps, la prochaine livraison d'un premier lot de matériel français dont l'acquisition a été financée par l'Arabie saoudite, ce qui représente un appréciable complément aux fournitures américaines en cours. Il s'agit de monomoteurs Tucano de fabrication brésilienne, déclassés depuis des années par l'armée de l'air française qui en a vendu au Tchad et à la Mauritanie, mais qui restent d'excellents engins d'attaque au sol. Le temps est loin, bien sûr, où nos pilotes avaient droit à des Mirage dernier cri, mais le Liban aurait bien mauvaise grâce de faire la fine bouche. C'est bien au sol en effet, dans les collines de Ersal par exemple, qu'est tapi, en ce moment, le danger le plus clair, le plus pressant.

Cela étant, une armée de valeur n'est pas faite que d'armements modernes, de brillants stratèges et de vaillants combattants. C'est le Renseignement militaire qui souvent détermine le cours de toute guerre, et il n'est pas rare qu'il permette de la gagner avant même qu'elle ait commencé. C'est incontestablement à la qualité du Renseignement que l'on doit des traques et des raids de commandos aussi réussis que ceux de jeudi. Or dans l'actuel concert de louanges à l'armée, ce sont précisément les reproches ou réserves atteignant ce même organisme qui font fausse note. En soi, le phénomène n'est pas trop nouveau, puisqu'à diverses périodes de l'histoire, ce que l'on continue d'appeler familièrement le Deuxième Bureau s'est vu reprocher de se mêler de politique ; ce sont cependant les actuelles tensions sectaires qui lui confèrent une connotation des plus graves. C'est ainsi que les plus spectaculaires de ces griefs étaient formulés il y a quelques jours par le ministre de l'Intérieur en personne, qui reprochait au Renseignement de s'adonner à la méthode de deux poids, deux mesures : autrement dit, de consacrer tout son zèle à l'éradication du jihadisme sunnite et de fermer les yeux en revanche sur les criantes anomalies régnant dans les zones contrôlées par le Hezbollah chiite, ce qui empêche la stricte exécution du plan sécuritaire arrêté par l'autorité politique.

Ce malaise est matière à enseignement. Et encore plus à renseignement. Est tenue de le dissiper, dans son propre intérêt autant que dans le nôtre, une institution militaire que tout un chacun perçoit comme l'ultime rempart face au chaos qui fait tache d'huile – et de sang ! – dans cette partie du monde. Aucun effort ne doit être ménagé pour couper court aux récriminations, justifiées ou non, pour endiguer le sentiment de frustration qui gagne le camp des modérés. C'est dans ce sens – le bon, le seul bon – qu'il s'agit désormais de se mêler de politique.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Elle est la dernière encore debout, bien vivante et on ne peut plus active, dans ce pays où les institutions étatiques manifestent un fâcheux penchant pour l'hibernation. Elle est fréquemment la cible de lâches agressions terroristes et ses hommes tombés en captivité sont parfois égorgés comme des moutons. Mais c'est bien grâce à elle que pour Daech, al-Nosra et consorts,...