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Liban - Anniversaire

Taëf, 25 ans après, un accord qui continue de susciter un débat

Pour célébrer le 25e anniversaire de l'accord de Taëf, « le Centre civil de l'initiative nationale » a organisé, en coopération avec l'association Friedrich Ebert Stiftung, un colloque de trois jours pour faire le point sur cet accord qui a marqué une nouvelle étape dans l'histoire du Liban, mais qui n'a pas toujours été à la hauteur de l'attente des Libanais...

Une vue de la séance inaugurale, hier.

Vingt-cinq ans après, l'accord de Taëf continue de susciter un débat. Au début, certains le considéraient comme la solution idéale qui mettait un terme à 14 ans de guerre et qui allait redonner aux Libanais un État et des institutions, alors que pour d'autres, il était essentiellement le fruit d'un compromis régional et international imposé aux Libanais et conçu de manière à maintenir une tutelle sur le Liban.


Aujourd'hui, tout le monde (ou à peu près) reconnaît que cet accord n'a pas résolu tous les problèmes. Mais certains attribuent ces lacunes au fait qu'il a été mal appliqué et détourné de ses véritables orientations, alors que d'autres pensent que les failles sont intrinsèques à sa nature. Bien peu osent ouvertement le remettre en question, mais cette possibilité est dans les esprits, surtout que les circonstances régionales et internationales qui prévalaient lors de son élaboration ont changé et qu'au cours des dernières années, l'Iran est devenu un acteur incontournable dans la région et une partie influente au Liban. C'est d'ailleurs pour cette raison que la fameuse proposition de sayyed Hassan Nasrallah d'organiser une assemblée constituante a été si mal accueillie par le 14 Mars.


Vingt-cinq ans après, on en est encore au même point dans les débats autour de cet accord. Mais souvent ceux qui en parlent le plus sont ceux qui le connaissent le moins. C'est pourquoi le « Centre civil de l'initiative nationale », lancé grâce à celui que l'on a longtemps appelé « le père de Taëf », Hussein Husseini, a organisé, pour célébrer le 25e anniversaire de l'accord, un colloque de trois jours à l'hôtel Phoenicia pour débattre de toutes les questions litigieuses posées par Taëf lui-même, mais aussi par son application et par les nouvelles circonstances régionales et internationales.


La séance d'ouverture, qui a eu lieu hier après-midi, a déjà donné le ton de ce que sera le colloque, un espace de débat en profondeur des questions posées par Taëf et par son application à la lumière des grands changements qui ont eu lieu au Liban et dans la région depuis 2005, à la fin de la tutelle syrienne.
Talal Hussein a parlé en premier au nom du Centre civil de l'initiative nationale. Il a ainsi mis l'accent sur l'importance du dialogue, qui est avant tout une reconnaissance de l'autre. Selon lui, le Liban a plus que jamais besoin de procéder à une réévaluation de l'accord de Taëf en raison des dangers qui le guettent, dans l'espoir d'y trouver quelques chances pour l'avenir... Il a ajouté que l'élément positif est que cette fois, la réunion se déroule au Liban, et qu'il faut peut-être voir dans ce détail un indice positif.


Le responsable de Friedrich Ebert Stiftung au Liban, Achim Vogt, a ensuite pris la parole pour estimer que c'est le bon moment pour rediscuter l'accord de Taëf et procéder à une évaluation de ses points forts et de ses faiblesses, en raison de la période particulièrement délicate que le Liban et la région traversent actuellement. Il a aussi précisé qu'en dépit du fait qu'il a bénéficié d'un accord régional et international, Taëf était au final un processus et un accord libanais. Il n'a pas seulement mis un terme à la guerre, mais il a aussi jeté les fondements d'un État, aussi fragile soit-il.


L'ancien président de la Chambre Hussein Husseini, qui avait déployé d'immenses efforts pour la réussite des discussions de Taëf et pour l'adoption de l'accord, a prononcé un discours poignant, qui exprime à sa manière la grande déception qui étreint aujourd'hui ceux qui avaient travaillé pour cet accord, tant il a été détourné de son objectif et tant il a été mal appliqué tout au long des 25 dernières années. Hussein Husseini a ainsi déclaré que la non-connaissance de cet accord n'est pas l'apanage de certains qui l'avaient rejeté dès le départ. Elle existe aussi chez ceux qui l'ont appuyé et n'en veulent pas d'autre. Husseini a choisi de parler de la relation entre la religion et l'État, un thème particulièrement d'actualité pour le Liban et l'ensemble de la région. Il a ainsi évoqué le principe de base qui a prévalu à Taëf et qui consistait à créer une harmonie entre l'État et la religion à travers la possibilité pour les chefs religieux d'avoir recours au Conseil constitutionnel pour trois raisons : le statut personnel, la pratique de la liberté de croyance et la liberté de l'enseignement religieux. Il a ajouté que l'esprit de l'accord était de soumettre tous les citoyens, dont les responsables, à la suprématie de la loi. Enfin, l'ancien président de la Chambre a déclaré qu'il est injuste de qualifier l'accord de Taëf de confessionnel, car on ne peut pas faire assumer à la Constitution la responsabilité des pratiques confessionnelles. Il a précisé que dans l'optique de ceux qui étaient réunis à Taëf, les intérêts des Libanais se résument ainsi : l'intérêt de l'État dans son sens étroit, l'intérêt du peuple en tant que groupe national, l'intérêt des groupes religieux et l'intérêt des citoyens face à l'autorité de l'État et celle des groupes religieux. L'objectif est de rechercher en permanence une harmonie entre ces intérêts, et celle-ci ne peut être assurée et garantie que par la souveraineté de la loi. Il a conclu son discours en précisant que le Liban est une nécessité libanaise et c'est son peuple, seul, qui détient la souveraineté.


Le représentant du secrétaire général de l'Onu au Liban Derek Plumbly a affirmé que la communauté internationale et l'Onu continuent d'appuyer le Liban. L'Onu s'était d'ailleurs empressée d'adopter l'accord de Taëf en 1989, et la résolution 1701 du Conseil de sécurité, adoptée en 2006, a réaffirmé la suprématie de Taëf. Plumbly a précisé qu'en dépit des menaces actuelles, les Libanais sont d'accord pour ne pas revenir aux années de guerre, et les institutions, malgré les couacs, fonctionnent...
Les deux jours de débats s'annoncent intéressants puisque des représentants de tous les partis ainsi que d'éminentes figures internationales devraient y participer.

 

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