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Culture - Rencontre

Juliette Binoche : L’acteur est le levain qui mène le texte vers l’incarnation

Lors de l'ouverture de la 14e édition du Biff, Juliette Binoche, venue présenter le film « Sils Maria », a retenu ses larmes devant le public libanais. La comédienne confirme que l'acteur est témoin des souffrances du monde et un réceptacle de toutes ses émotions.

Juliette Binoche avec Collette Naufal sur le tapis rouge à l’inauguration du Biff. Mohammad Azakir/Reuters

C'est votre seconde collaboration avec Olivier Assayas après « Heure d'été ». Comment s'est effectué le choix de votre rôle dans « Sils Maria » ?
J'avais appelé Olivier en lui proposant de faire un film ensemble sur le féminin, sur trois personnages qui s'échangeraient des rôles de trois points de vue différents. Il en fait son propre récit. À partir de là, je savais que j'allais faire partie de ce film. Lorsque je choisis mes scénarios, ce n'est pas une décision mentale, c'est le corps qui parle. Quand je suis émue par une histoire, j'ai besoin de la faire.

Trois générations d'actrices, un récit en miroir et une mise en abîme du cinéma. Comment s'est passé le tournage ?
Il y avait une envie évidente de travailler ensemble parce que nous venons d'éducations et d'univers différents. J'aime travailler avec des acteurs étrangers car j'ai un désir d'aller vers l'autre et de m'unir à lui. J'ai un désir immense de voyage. Être cloîtré dans sa famille et son pays ne m'intéresse pas. Cela ne veut pas dire que je trahis mon pays car j'y retourne toujours.

Quand on offre un rôle à une autre actrice, en souffrez-vous ?
On apprend très tôt dans ce métier qu'il faut travailler sur la distanciation. Au début, cela fait mal puis, petit à petit, on finit par s'y faire.
Vous êtes une actrice, mais vous avez aussi dansé avec Akram Khan et vous êtes peintre à vos heures perdues.
Faire de la danse ou du cinéma, c'est exactement la même chose. Je ne compartimente pas. C'est une même personne qui est passionnée par ce mouvement de l'intérieur et de l'extérieur, et qui va par différents médiums exprimer ce qu'elle a dans les tripes. C'est une exploration de l'être humain. Tous les arts se répondent. Nous sommes une antenne entre le visible et l'invisible : la création. L'être humain n'est pas une créature, mais un créateur.

Mais souvent, il détruit au lieu de construire. Comment y réagissez-vous ?
Chez l'acteur, il y a une empathie intrinsèque. On se met dans la place de l'autre. C'est la raison pour laquelle j'ai pleuré devant le public libanais. Je ne peux pas lire les infos, ça me chagrine trop.

Quel est exactement le rôle de l'acteur ?
L'acteur est une référence. Il a une responsabilité envers le spectateur qui ne fait que répéter ce qu'il a vu pour sa vie propre. Vivre des émotions intenses dans un film, c'est se préparer à sa propre vie. Il faut savoir choisir ce que l'on doit voir car certains films invitent à une violence insupportable.

Et celui du metteur en scène ?
Un metteur en scène guide l'acteur qui est un être qui donne au-delà des mots. Le réalisateur peut l'inviter dans un rythme et une couleur. Parfois, seul le silence, le regard ou la respiration d'un metteur en scène suffisent. Car, et ceci je ne le répéterai jamais assez, l'acteur est le levain qui, à partir d'un texte, va lever ce dernier vers la vie, l'incarnation.

C. K.

C'est votre seconde collaboration avec Olivier Assayas après « Heure d'été ». Comment s'est effectué le choix de votre rôle dans « Sils Maria » ?J'avais appelé Olivier en lui proposant de faire un film ensemble sur le féminin, sur trois personnages qui s'échangeraient des rôles de trois points de vue différents. Il en fait son propre récit. À partir de là, je savais que j'allais...

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