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Culture - Festival CO2

Achoura, Platon et autosacrifice

Politisé et il ne s'en cache pas, Hooman Sharifi. L'Iranien, fils adoptif de Norvège, a présenté « Tout ordre perd finalement de sa terreur » au Madina.

La ronde des danseurs iraniens et norvégiens. Photo Marwan Assaf

Un titre aux connotations rassurantes, trouvant indubitablement des échos dans une région ayant vécu trop longtemps sous le joug de tyrannies militaires ou dynastiques (ou les deux).
«Tout ordre perd finalement de sa terreur», affirme ainsi l'Iranien Hooman Sharifi. L'artiste a fui son pays natal à 14 ans. Il a débarqué en Norvège et a démarré sa seconde vie, tout seul, en s'embarquant dans le hip-hop, les danses de rue, le théâtre et la danse contemporaine jusqu'à fonder sa propre compagnie intitulée, on vous le donne en mille : « Impure Company ».
C'est dans le noir le plus total, sur le tintamarre provoqué par des tôles de métal se frappant les unes contre les autres, que le spectacle commence. C'est assourdissant, gênant, étouffant même, puisque cela dure dix bonnes minutes. Petit à petit, l'on se rend compte que le rythme s'accorde avec celui du « latem » de Achoura, ces flagellations qui zèbrent le corps des fidèles chiites commémorant le deuil millénaire de l'imam Husssein et de 72 personnes de sa famille et tribu, assassinés par le califat omeyyade à Karbala (Irak). La note d'intention de l'artiste, qui avait présenté ce spectacle en première au Festival de danse de Montpellier, indique qu'il s'est inspiré du deuil, de ce « Achoura », précisément, qu'il a découvert enfant. « L'idée est de connecter la musique et la danse, les mouvements. L'activité en scène passera du rituel à l'action et développera ainsi des situations individuelles. »
Autre thème exploré ici: «L'autosacrifice»: «Tu ne dois pas te sacrifier pour tout le monde. Mais tout le monde doit faire des sacrifices... On se rattache les uns aux autres pour finir par bouger individuellement. »
L'amour, enfin, serait le troisième thème. « Avec l'aide de Platon!» Dans un jeu d'ombres et de lumières, donc, les quatre interprètes (dont le très inspiré Ali Moini, qui a dansé au Festival de Montpelier 2011 avec des couteaux accrochés à des ceintures entourant son corps nu) étirent bras, jambes, cou et dos, tournoyant sur eux-mêmes et autour de la scène dépouillée et noire. Trente minutes plus tard, quelques spectateurs quittent la salle. Dix minutes après, la peinture rouge qui s'étale sur le cou et le dos de Moini apparaît bien réelle. L'on pourrait sentir l'odeur âcre du sang et de la poussière. On se croirait transportés à Nabatiyé ou à Karbala, en plein théâtre de Achoura. Nausée. Vertige. La musique (avec Habib Meftah Boushehri et Arash Moradi) prend alors des rythmes entraînants et salvateurs. Comme les « ordres » dont elle parle, cette performance perd également de sa terreur. Grâce à la musique.
Il est facile de quitter ce spectacle en ressentant de la gêne et une certaine incompréhension.
Suggestions, alors: dans des événements pareils, il serait utile, sinon essentiel aux spectateurs d'avoir la possibilité de poser des questions aux artistes, d'avoir une interaction avec eux, à l'issue des représentations. Plus spécialement lorsque l'œuvre présentée est aussi hermétique et ésotérique que celle de Hooman Sharifi.
Enfant naturel de Bipod et de Irtijal, le festival de « chorégraphes et compositeurs au carré » CO2 met en avant des esthétiques souvent sous-estimées et accueille jusqu'au dimanche 5 octobre un programme à consulter sur le site www.maqamat.org

Un titre aux connotations rassurantes, trouvant indubitablement des échos dans une région ayant vécu trop longtemps sous le joug de tyrannies militaires ou dynastiques (ou les deux).«Tout ordre perd finalement de sa terreur», affirme ainsi l'Iranien Hooman Sharifi. L'artiste a fui son pays natal à 14 ans. Il a débarqué en Norvège et a démarré sa seconde vie, tout seul, en s'embarquant...

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