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Liban - Institutions

La loi suprême entre le droit et la realpolitik

« Une chose n'est pas juste parce qu'elle est loi ; mais elle doit être loi parce qu'elle est juste. »

Montesquieu, extrait des « Cahiers »


Le débat sur le quorum requis pour l'élection du président de la République ainsi que la question épineuse d'une éventuelle prorogation du mandat de la Chambre continuent de faire couler beaucoup d'encre. Dans les lignes qui suivent, Me Joseph Nehmé, avocat à la Cour, expose une étude juridique très pointue sur ces deux volets en rapport avec les fondements des institutions constitutionnelles.

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Pendant que le Liban, coupable et victime de ses propres turpitudes, observe avec horreur et résignation sa société glisser et sombrer dans l'Immoralité, tout semblerait à jamais perdu. Et alors que le tout-permis s'érige en dogme, que l'interdit se dilue dans le légal pour progressivement le devenir, l'aberrant dans le bien-fondé, la vertu dans la débauche et la tolérance dans le sectarisme, le retour aux véritables sources du droit fondamental, à nos valeurs et à notre morale sociale et nationale reste le seul promontoire porteur d'espérance, et prometteur du renouveau et de la renaissance tant appelés.

I. De l'élection du président de la République

Du quorum et de la majorité de vote
L'article 49 de la Constitution dispose :
« Le président de la République est élu, au premier tour, au scrutin secret à la majorité des deux tiers des suffrages par la Chambre des députés. Aux tours de scrutins suivants, la majorité absolue suffit... »
La formulation de la 1re partie de ce texte de loi conduit à dégager que le législateur : n'a pas fait mention d'aucun quorum, et s'est contenté uniquement de fixer la majorité des suffrages : celle des deux tiers des suffrages pour le premier tour de scrutin et la majorité absolue pour les tours suivants.
Cette énonciation intentionnellement simple, mais claire, concise, explicite et précise, indique que le législateur a voulu manifestement associer le quorum à la majorité de vote. Les deux majorités retenues par lui sont liées et corrélatives. Toute interprétation ne saurait conclure qu'à l'évidence que le quorum et la majorité de vote requis pour le 1er tour de scrutin sont ceux des deux tiers des suffrages de la Chambre, et ceux requis pour les tours de scrutin suivants sont la majorité absolue. Il est donc autant absurde qu'inepte qu'on exige pour les tours qui suivent le premier une majorité absolue, alors que, paradoxalement, l'on exigerait de réunir un quorum des deux tiers ! Ceci conduit inéluctablement au blocage de l'opération, ce qui n'est assurément point l'intention du législateur.
Si la volonté du législateur avait été de grever le processus de l'élection du président d'un régime de quorum particulier, il l'aurait explicitement et expressément stipulé dans le texte de la loi au même titre que les articles qui nécessitent un quorum spécial et spécifique. Une échéance d'un tel intérêt supérieur ne saurait en aucune manière être implicite ni prêter à équivoque, à confusion ou aux interprétations discrétionnaires et hasardeuses au risque assuré de paralyser irrévocablement l'appareil de l'État.
Il n'a jamais été ni d'usage ni de mémoire dans l'histoire du droit qu'un nomothète ait jamais légiféré en prévision ou en perspective du vide. En droit, le vide n'existe pas. Quand le législateur codifie, il envisage le cas de figure dont il s'agit dans sa globalité, car il lui est souvent difficile, voire impossible, de couvrir toutes ses particularités, ses impondérables ou ses imprévus. Cette tâche est laissée à la jurisprudence qui généralement ressort du pouvoir judiciaire et des tribunaux compétents, seuls habilités, en principe, à interpréter les textes dans les cas d'ambigüité, de carence ou d'omission, et même dans les cas d'absence de loi. Pour ce faire, l'on recourt aux méthodes techniques et scientifiques d'interprétation. Parmi celles-ci, nous citerons, à titre d'exemple non limitatif, les méthodes exégétiques, par analogie, a contrario, a fortiori ainsi qu'aux travaux préparatoires des commissions parlementaires, dans le but de rechercher la réelle volonté du législateur. Dans notre cas d'espèce, il est du ressort du Parlement de le faire. Nous retiendrons au passage l'affreuse amputation, juridiquement déconcertante, absurde et politiquement arbitraire, de cette attribution, supposée être la compétence principale du Conseil constitutionnel.
La doctrine abonde dans ce même sens. Pour l'écrasante majorité des doctrinaires, le vide juridique est réputé ne pas exister ou au moins ne pas pouvoir perdurer. Car « s'il est vrai que l'absence probable de normes précises qui répondent à une situation inédite ou particulière entraînera toujours après un certain temps une législation applicable au cas d'espèce, au moins au travers de la jurisprudence », comme l'écrivait Anne-Marie Ho-Dinh en 2007 dans son ouvrage Le vide juridique, et le « besoin de loi ». Pour un recours à l'hypothèse du non-droit.
De plus, grever le processus de l'élection présidentielle dans toutes ses étapes de la majorité qualifiée des deux tiers, comme d'aucuns s'ingénient à le clamer, d'ailleurs fort à tort, avec leur arrogante suffisance, serait forcément favoriser et avaliser un grave et intentionnel délit de minorité et, surtout, vouer l'ensemble de l'opération électorale au blocage, entraînant par là la paralysie des institutions. Ainsi, la décision du bureau de l'Assemblée de retenir et d'entériner le quorum des 2/3 pour tous les tours de scrutin est grossièrement erronée, illégale, rejetée et entachée de nullité absolue au motif qu'il n'est pas de son ressort d'interpréter les textes constitutionnels, mais de la seule compétence de l'assemblée plénière de la Chambre.
Dans le même sillage de l'article 49 précité, il ressort des articles 73 et 75 de la Constitution ce qui suit :
a. Que la Chambre se réunit de plein droit pour élire le chef de l'État, même si le président de la Chambre atermoie ou s'abstient de la convoquer.
b. Que la Chambre, réunie pour élire le président, siège en collège électoral uniquement. Ses prérogatives de législation sont suspendues tant que dure le processus électoral. Entre-temps, elle doit cesser d'exercer toute autre fonction, législative ou autre, tant que sa mission électorale n'est pas parachevée.
c. Que la Chambre est déclarée réunie la première fois où les députés siègent aux fins de l'élection. Les travaux sont donc ouverts à cette réunion. Toutes les autres sessions sont des tours de scrutin de cette même réunion, lesquels se succèdent jusqu'à la complétion de son unique ordre du jour. Plusieurs de ces tours peuvent ainsi se tenir en un même jour ou à des dates successives, sans besoin de convocation et jusqu'à ce que la « fumée blanche » se dégage.
d. Que la Chambre ne peut pas et ne doit pas légiférer durant toute la période des élections. Toute séance législative et toute loi votée sont frappées d'inconstitutionnalité d'office et de plein droit. Elles sont nulles de nullité absolue. Ainsi :
La convocation de la Chambre à une réunion législative au sujet de la grille des salaires au lendemain de la 1re réunion consacrée au 1er tour de scrutin est inconstitutionnelle. Les parlementaires auraient dû s'abstenir d'y participer à ce motif.
Les avocasseries de M. Nabih Berri qui visent à instaurer un usage par les antécédents, dont ses convocations de la Chambre en séances plénières, que ce soit au sujet de l'échelle des salaires ou de la solidarité avec Gaza (!), ou même la fixation par lui-même des dates successives des tours ultérieurs auxquels d'ailleurs il n'assiste pas, sont également inconstitutionnelles et relèvent de la pure manipulation. Tout simplement et tout bonnement, la Chambre n'a qualité de se réunir que pour élire le président de la République. Elle se réunit de plein droit.

Pendant que le Liban, coupable et victime de ses propres turpitudes, observe avec horreur et résignation sa société glisser et sombrer dans l'Immoralité, tout semblerait à jamais perdu. Et alors que le tout-permis s'érige en dogme, que l'interdit se dilue dans le légal pour progressivement le devenir, l'aberrant dans le bien-fondé, la vertu dans la débauche et la tolérance dans le...

commentaires (2)

LES UNS LISENT ET COMPRENNENT LES LOIS COMME ELLES SONT ÉCRITES... ET LES AUTRES LES LISENT ET LES COMPRENNENT COMME IL LEUR SIED DE LES COMPRENDRE... OU DA3ÉT IL TASSÉ !

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 23, le 30 septembre 2014

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Commentaires (2)

  • LES UNS LISENT ET COMPRENNENT LES LOIS COMME ELLES SONT ÉCRITES... ET LES AUTRES LES LISENT ET LES COMPRENNENT COMME IL LEUR SIED DE LES COMPRENDRE... OU DA3ÉT IL TASSÉ !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 23, le 30 septembre 2014

  • Nabih Berry a accumulé les actions anti-constitutionnelles depuis son "élection" a la tête du parlement et ne devra plus jamais y être placé, mais au contraire jugé pour ces actions et même sanctionné légalement. De même pour tout parlementaire qui acceptera de légiférer pour n'importe qu'elle raison autre que l’élection d'un President.

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 33, le 30 septembre 2014

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