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Scotch ou arak ?

Elle fait rêver, l'Écosse, et point n'est besoin pour cela de forcer sur le single malt. Oui elle fait rêver l'Écosse, même si le non issu du référendum historique de jeudi a plutôt donné des cauchemars aux séparatistes de Catalogne, des Flandres, du Pays basque et d'ailleurs. Elle porte au rêve, l'Écosse, quand elle exclut au départ tout recours à des moyens antidémocratiques et n'envisage d'autre voie pour l'indépendance qu'une libre consultation populaire. Et elle porte à l'admiration, cette fois, quand après s'être grisée de la perspective d'un vol en solo aux altitudes où croisent les États, elle se plie à la raison du moment et choisit de redescendre sur terre.

Car les États ne vivent pas que de nationalisme et d'eau fraîche, quand bien même celle-ci proviendrait de ces mythiques sources des Highlands sans lesquelles il n'est pas d'authentique scotch whisky. La raison du moment ? Un souci de viabilité économique qui l'aura finalement emporté sur les idéaux indépendantistes. Plus efficaces que les emphatiques appels au sens patriotique aura été le classique cocktail de carotte et bâton savamment dosé par le gouvernement de Londres, avec – fait rarissime – la bénédiction des trois grands partis britanniques. Le bâton, c'était les clairs préparatifs de déménagement, vers la City, des grands noms de l'assurance, de la banque et d'autres secteurs d'affaires ; les promesses d'un substantiel surcroît d'autonomie faisaient, quant à elles, un très convenable plat de carottes, dont pourront se délecter aussi les autres nations – Anglais, Gallois et Irlandais du Nord – qui constituent le peuple britannique.

C'est seulement au prix d'une large décentralisation que l'héritier d'un empire sur lequel ne se couchait jamais le soleil réussit ainsi à sauver son unité ainsi que son intégrité territoriale. La leçon en sera sans doute tirée partout où se heurtent, sur une arène étatique par trop étroite, les nationalismes. Elle est à méditer aussi pour les pays souffrant de crises structurelles et où les appartenances religieuses ou autres tiennent lieu funestement de nationalismes. Le Liban n'est certes pas un royaume ; assemblage de fiefs jalousement gardés – dont certains sont de véritables États dans l'État – il est encore moins un royaume uni. Ce n'est pas de sécession ou d'autres équipées séparatistes (il est trop exigu pour cela) qu'est menacé notre pays, mais d'une lente, d'une stupide déliquescence dans le magma bouillonnant d'un Levant en pleine mutation. Le pire qui puisse lui arriver, c'est de perdre, en même temps que ses institutions, déjà gravement entamées, sa raison d'être : sa vocation de pays multiconfessionnel, pluriculturel et néanmoins uni, terre et peuple.

C'est quand tous les mécanismes ordinaires sont grippés que les sociétés en difficulté sont acculées à imaginer des solutions permettant de préserver l'essentiel. Or tout au long du dernier quart de siècle, le gros du monde politique était trop absorbé par les âpres luttes pour le pouvoir (ou pire encore par la course aux privilèges, notamment financiers) pour s'apercevoir qu'il n'y avait aucun effort d'imagination à faire, qu'un début de remède était là, sous leurs yeux, bien présent dans cette Constitution de Taëf qui mit fin à la guerre et qui n'a jamais été appliquée qu'à moitié. Décentralisation administrative en est le nom. Tôt ou tard il faudra y venir. Encore faut-il qu'à ce moment il y ait ne serait-ce qu'un reste d'administration.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Elle fait rêver, l'Écosse, et point n'est besoin pour cela de forcer sur le single malt. Oui elle fait rêver l'Écosse, même si le non issu du référendum historique de jeudi a plutôt donné des cauchemars aux séparatistes de Catalogne, des Flandres, du Pays basque et d'ailleurs. Elle porte au rêve, l'Écosse, quand elle exclut au départ tout recours à des moyens antidémocratiques et...