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Culture - Portrait

Yuroz entre rose, bleu...et grains de grenade

Un peintre immense de la diaspora arménienne. De Erevan à la Californie, Yuroz a séduit public et critique. Un maître du cubisme, avec valeurs ajoutées. Regard sur un personnage et
une œuvre.

Yuroz, un artiste à l’œuvre polymorphe et brillante.

Carré, massif, puissant et pourtant frémissant de sensibilité et de délicatesse est l'univers de Yuroz. C'est l'alliance harmonieuse et détonante des paradoxes. C'est le bleu cobalt qui se noie dans la flamboyance des tons orangés. Autrement dit, les rayons du bonheur, comme les notes bleues en musique, qui se fondent au drapeau à dominance de couleur grenat de la terre de Sayat Nova. Par-delà tout symbolisme, cœur et patrie étroitement chevillés.
C'est le feu et le froid. La solitude et la fusion. La retenue et l'effusion. Le bûcher et le gel. Le doux et l'amer. L'immensément riche et le dénuement total. Le noir et le blanc. Le clair et l'obscur. La morgue et l'humilité. L'arrogance et la soumission. La tourmente et la sérénité. La guerre et la paix.
C'est la rencontre de la ligne courbe et de la ligne droite. Ce sont les noces du convexe et du concave. Les déclinaisons des vibrations et des silences, des caresses les plus furtives et des élans les plus passionnés. D'où surgissent une texture et une tessiture incomparables. Elles sont dues à des mélanges sublimes et des interruptions insoupçonnées. C'est tout cela le monde entremêlé et chavirant de Yuroz. De sang, de chair, de larmes, de plaisir, de déchéance, de perdition, d'élévation. De quête éperdue pour l'amour. À l'essence si insaisissable. Si humaine.
La matière et les matériaux n'ont jamais été un frein à son sens inné et débordant de toute création. Architecte, sculpteur, céramiste, peintre et aquarelliste, Yuroz jongle avec brio, dans un prisme cubiste à l'équilibre déroutant, en une obsédante influence de Braque et de Picasso, mais en des valeurs ajoutées, avec les volumes, les mouvements, les couleurs et les perspectives.
Né en 1956 en Arménie, Yuroz appartient à la lignée de ces artistes précoces dont le talent a vite fait d'être flairé et repéré par l'entourage et les gens du métier. C'est à l'âge de dix ans qu'il entre à l'Institut des beaux-arts Agop Kodjian à Erevan, haut lieu des meilleures formations académiques. Son tracé, son sens des nuances, sa dextérité à marier des éléments inconciliables, sa perception du chromatisme des couleurs, son imaginaire sans limite sont d'emblée détectés comme exceptionnels.
Mais ce jeune artiste au talent précoce était loin de se douter des redoutables aléas de la vie et des vicissitudes qui allaient surgir en travers de sa route. Et l'on évoque la politique et ses dévoiements. Une période sombre qui a pesé sur des générations entières comme une chape de plomb.
Un régime socialiste retors, sous obédience soviétique, qui n'appréciait pas les dérives d'un rapin qui ne se plie pas à l'inspiration commune dictée par l'État. L'État suprême guide du peuple, même dans la créativité. Et voilà la traque, l'emprisonnement, les brimades, l'opprobre et le rejet. Au lieu du soutien, de l'encouragement et de la
reconnaissance.
Yuroz, amalgame de son prénom Yuri et de celui de Rose, une femme designer à qui le lie une histoire d'amour, reste aussi l'emblème de l'impérissable notion du couple. Un couple soudé par de grands sentiments. Et dont l'image paritaire homme/femme, passionnément enlacés, se répercute sur les toiles à l'infini. Comme un effet de miroir dans une galerie de glace.
Étouffé par les jours noirs à ses trousses, pris au piège de l'adversité, le peintre touche enfin la lumière en se tournant vers l'extérieur. Extérieur des frontières qui l'asservissent. Fuite alors du pays de l'Araxe vers la liberté. Pour un bol d'oxygène et un chevalet sans boulet. Et ce sont les États-Unis qui lui offrent un refuge salutaire. Après sept années de souffrances de Job et d'impatiente attente. Car Yuroz était interdit de quitter le sol natal.
Et voilà qu'après moult pérégrinations, déconvenues, années de vache maigre et de labeur titanesque pour incarner sa part profonde d'artiste, le rêve de gloire devient réalité. Un rêve américain. Un rêve à la dimension du pays qui l'accueille depuis 1985.
Sa palette et ses tableaux conquièrent public et presse, et sont apposés sur les timbres des droits de l'homme. Sa signature, son monde pictural et ses toiles font le tour de la planète. En panache et sur les pavois.
Du Musée de l'art contemporain à Hot Springs en Arkansas à l'église Botticino Sera de Milan, en passant par les galeries de San Diego, San Francisco, Tokyo, Osaka, New York, et le chapelet des expositions est loin d'être exhaustif, l'œuvre de Yuroz, polymorphe et brillante, touche à tout ce qui parle au cœur et à l'émotion.
Une œuvre dont l'arc-en-ciel et les pierres angulaires parlent de lumière, d'espoir, d'humilité, de souffrance, d'effroi d'un lendemain barbare au visage inhumain. Mais aussi de combat pour la vie, pour l'amour. Du besoin, dans la miséricorde de Dieu, du pain, de l'eau et du sel d'une traversée et d'une fraternité humaines. Voilà un vibrant message à la paix. La paix du corps et de l'esprit.

Carré, massif, puissant et pourtant frémissant de sensibilité et de délicatesse est l'univers de Yuroz. C'est l'alliance harmonieuse et détonante des paradoxes. C'est le bleu cobalt qui se noie dans la flamboyance des tons orangés. Autrement dit, les rayons du bonheur, comme les notes bleues en musique, qui se fondent au drapeau à dominance de couleur grenat de la terre de Sayat Nova....

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