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Liban - Beyrouth

Une « Liaison douce » va métamorphoser la rue de Damas en un « grand jardin traversant la ville »

D'ici à un an, jardins, parcs, terrasses et pistes cyclables doivent fleurir autour de l'ancienne ligne de démarcation afin d'en faire un espace public, lieu de détente reliant les différents quartiers qui la bordent.

La rue de Damas transformée en un espace convivial. Dessin du projet établi par la municipalité de Beyrouth et posté sur Facebook par le vice-président de la municipalité, Nadim Abou Rizk.

C'est à contrecœur que les usagers empruntent la route de Damas, voie de transit encombrée, ayant pour principale fonction de faire traverser la ville de Beyrouth du nord au sud. Rester coincé des heures dans les embouteillages dans un environnement gris et pollué n'a rien de réjouissant. Et cela, la municipalité de Beyrouth l'a bien compris.
Avec la collaboration de la Région Île-de-France qui, depuis 1991, s'engage dans de nombreux projets avec la municipalité de la capitale, celle-ci a mené des enquêtes approfondies sur l'environnement urbain de la ville. Le constat qui en découle, selon le catalogue explicatif des projets communs des deux institutions, est que Beyrouth est une ville au patrimoine culturel et architectural très riche, mais dont les infrastructures lourdes et les voiries induisent un effet de rupture au sein de la cité.


La rue de Damas relie en effet des espaces très hétérogènes de par leur relief, leur végétation, leur patrimoine, la largeur de leurs voies et même leurs pratiques sociales. D'après le vice-président de la municipalité de Beyrouth, Nadim Abou Rizk, l'objectif principal du projet pilote appelé « Liaison douce » (un peu à l'image de la « Coulée verte » à Paris) est donc de connecter le bois des Pins et le centre-ville afin de renforcer la cohésion urbaine et sociale, en réalisant une continuité de parcours entre ces différents espaces. L'Île-de-France a désigné un architecte urbaniste, Habib Debs, de la société Urbi, pour se lancer dans la conception du projet. Le programme est d'une ampleur considérable.

 

 Avant

Après : Des pistes cyclables feront la joie des amateurs de cyclisme.

 

Un nouveau paysage étudié avec soin
Les rues vont être rendues plus étroites, ne laissant la possibilité qu'à deux files de voitures de circuler, chacune dans un sens différent. Une réduction qui va se faire bien sûr au profit de l'aménagement de jardins, de trottoirs et de... pistes cyclables. Bientôt, il sera possible d'aller du bois des Pins jusqu'au ring à vélo. La première question qui vient à l'esprit est donc celle-ci : comment un réaménagement des routes est-il possible sans congestionner encore plus les voies de circulation ?
Pour y faire face, certaines bandes de stationnement sur le bord de la route vont être supprimées et, en contrepartie, des parkings souterrains vont être aménagés sous des terrains vides rachetés par la municipalité et sur lesquels des jardins seront installés, laissant ainsi la place à des itinéraires piétons et cyclistes. De plus, les automobilistes seront incités à utiliser des voies alternatives entourant la rue de Damas. Ce nouveau schéma n'a pas été conçu à la légère puisque sa faisabilité a été vérifiée à partir de comptages sur plusieurs jours et à des heures diverses. « C'est une excellente initiative sur le plan urbain, à la pointe de ce qui se fait dans la plupart des villes du monde », témoigne Mona Harb, urbaniste et professeure à l'Université américaine de Beyrouth. « C'est une façon de dissuader les gens d'utiliser leur voiture tout le temps, le message est clair : ça, c'est pour les piétons, ce n'est pas pour vous », commente-t-elle. « Si on leur donne des possibilités de marcher en ville, qui sont sécurisées et intéressantes sur le plan urbain, beaucoup de citadins seront prêts à laisser leur voiture à la maison et à marcher plus, comme à Hamra ou Achrafieh », ajoute Mona Harb.

 

Avant.

 

Après.

 

(Pour mémoire : Le jardin des Jésuites toujours en proie à une polémique urbaine)

 

Changer les mentalités
Pourtant, les Libanais ne sont pas tous des adeptes du vélo, signe pour certains d'une classe sociale inférieure. « On préfère en général rouler en voiture parce que le vélo est souvent utilisé par les plus pauvres », explique ainsi Yasmine, une promeneuse de la Corniche. Le défi que se lance la municipalité de Beyrouth est d'essayer de modifier les habitudes libanaises. Ceux pour qui la voiture est d'une importance capitale pourraient être encouragés à laisser leur bolide de côté pour adopter d'autres modes de déplacement, tels que le vélo ou la marche à pied. Autrement dit, l'utilité de ce qui était réservé aux loisirs se verra ici mise en valeur. Le problème du danger dû à la densité de circulation est dès lors réglé et le confort des pistes propose une alternative intéressante.
Antoine Massabni, chargé de communication de Bike Generation, une organisation qui vend du matériel de cyclisme à des prix modérés et qui organise régulièrement des sorties à vélo dans Beyrouth, voit d'un œil optimiste la possible pratique régulière du bicycle. « La situation automobile est un enfer, et ceci peut servir la cause du vélo à Beyrouth ! » affirme-t-il avant de s'expliquer : « Quand il faut trois quarts d'heure pour aller d'un bout à l'autre de la ville et qu'on voit passer sous son nez un cycliste roulant tranquillement à 15 km/h, cela risque d'en faire réfléchir plus d'un... » Pas en hiver évidemment. Mais qui sait ?
Selon lui, le chiffre des cyclistes réguliers, qui s'élève actuellement à environ 3 000 usagers, a de grandes de chances de s'élever, même si cela doit prendre un certain temps.

 

 Arbres, piste cyclable et peu de voitures...

 

(Pour mémoire : Bikeathon 2013 : Beyrouth pédale pour l'écologie)

 

Renouer les liens entre les communautés
Le projet s'inscrit dans la continuité d'idées nouvelles qui ont déjà pris place au sein des représentations sociales. La priorité aux voitures et la dépréciation des espaces publics ont été remises en question par de nombreuses initiatives qui animent déjà la ville de Beyrouth pour rendre l'espace public aux piétons, comme le marathon de Beyrouth. Le but qui sous-tend cette démarche est de faire de la voie publique un « espace désirable, support de pratiques récréatives, sportives et culturelles », selon Habib Debs. Un endroit où les enfants peuvent jouer, où les étudiants peuvent se retrouver près de leur campus, où les adultes peuvent prendre un café sur le trottoir et où les personnes âgées peuvent s'asseoir : telle est la vocation de cette partie de la rue de Damas ».
Mais pourquoi spécialement la rue de Damas ? Il faut dire que toute une symbolique est présente dans ce projet. La rue de Damas est l'ancienne ligne de démarcation entre Beyrouth-Est et Beyrouth-Ouest pendant la guerre de 1975. Aujourd'hui encore, elle scinde Beyrouth en quartiers communautaires différents. La « Liaison douce » pourrait bel et bien contribuer à favoriser le lien social entre les communautés, et entre la ville et les périphéries, à en faire un « espace neutre de convivialité retrouvée », ajoute Habib Debs. C'est donc aussi comme lieu de mémoire commune que la rue de Damas veut être considérée de par la conservation de stigmates, à l'image de Beit Beirut, le futur musée municipal de la Mémoire de la ville.
Si ce projet est mené par la municipalité de Beyrouth et la Région Île-de-France, il reste que c'est en concertation avec les habitants et les usagers que l'avenir de la ville est envisagé par l'intermédiaire de nombreuses rencontres publiques. « Nous croyons en la participation publique. Nous devons parler avec les gens afin de répondre à leurs attentes », insiste Nadim Abou Rizk. C'est aussi de cette manière que sont mis en œuvre les nombreux projets de la municipalité, tels que le plan d'aménagement lumière ou des espaces verts.


Dernier petit hic alors, si l'on pense au confort des Beyrouthins : est-ce vraiment envisageable de rouler par monts et par vaux sous le soleil de plomb de Beyrouth en été ? Rien n'est pensé au hasard. L'ombre et l'oxygène que favoriseront les arbres des espaces verts viendront réconforter les vaillants sportifs. Mais pour un futur plus ou moins loin, Antoine Massabni évoque l'usage du vélo électrique, qui permet de se déplacer sans trop se dépenser... et sans polluer !

 

 

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C'est à contrecœur que les usagers empruntent la route de Damas, voie de transit encombrée, ayant pour principale fonction de faire traverser la ville de Beyrouth du nord au sud. Rester coincé des heures dans les embouteillages dans un environnement gris et pollué n'a rien de réjouissant. Et cela, la municipalité de Beyrouth l'a bien compris.Avec la collaboration de la Région...

commentaires (6)

QUAND EST-CE QUE UNE AUTRE LIAISON DOUCE, CELLE DE LA LOGIQUE, MÉTAMORPHOSERAIT-ELLE LES LOBES CONSTIPÉS ?

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 37, le 20 août 2014

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Commentaires (6)

  • QUAND EST-CE QUE UNE AUTRE LIAISON DOUCE, CELLE DE LA LOGIQUE, MÉTAMORPHOSERAIT-ELLE LES LOBES CONSTIPÉS ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 37, le 20 août 2014

  • Très beau pour être vrai surtout que le musée du coin qui devait être inauguré cette année il est toujours squelette .

    Sabbagha Antoine

    11 h 28, le 20 août 2014

  • Beau projet écologique et social... Mais, à chaque nouvelle pluie (sans parler des périodes de fêtes hivernales), bonjour les embouteillages monstres avec des canalisations bouchées alors par les feuillages des arbres et autres déchets, et puis les voitures en nombre croissant (sans parler de la phase de réalisation du projet)... De quoi alimenter de beaux articles journalistiques en période scolaire, notamment.

    M. F.

    11 h 18, le 20 août 2014

  • Article écolo/gentil.. faudrait tout de même prévoir en amont , des lois plus strictes et efficaces pour la protection du patrimoine , interdire la violation/spoliation des espaces historiques et archéologiques ... et arrêter la destruction des maisons anciennes....

    M.V.

    09 h 45, le 20 août 2014

  • Très bonne nouvelle! Vivement que Beyrouth retrouve sa gloire passée!

    Emmanuel Ramia

    08 h 11, le 20 août 2014

  • Bonne nouvelle. Allez-y il faut commencer ce projet rapidement avant qu'il ne soit qu'un document dans un tiroir.

    Georges Zehil Daniele

    07 h 55, le 20 août 2014

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