Mgr Jammo et Mark Paul Arabo...
La communauté internationale a-t-elle réellement conscience de la gravité de la situation en Irak, et notamment des exactions de l'État islamique (EI) contre les chrétiens de ce pays, avec l'exode massif des minorités qui a naturellement suivi ? Une importante délégation de représentants de ces chrétiens d'Irak dirigée par l'évêque chaldéen des États Unis, Mgr Sarhad Jammo, s'est rendue tout récemment au Palais de Verre pour « de multiples réunions » organisées avec les différents représentants permanents. « Nous demanderons au monde de suivre l'initiative de la France » visant à mettre un terme au calvaire des chrétiens d'Irak, affirme Mgr Jammo à L'Orient-Le Jour lors d'une interview accordée au siège de l'Onu.
Lors de ces rencontres, la délégation « demandera aux États Unis et au président Obama d'agir vraiment, à l'instar du Vietnam, lorsqu'ils ont transporté par avion plus de 150 000 Vietnamiens. Car il s'agit là d'un génocide. Le président Obama l'a lui-même reconnu. Nous voulons que les Nations unies et le Conseil de sécurité le reconnaissent aussi », insiste de son côté Mark Paul Arabo, un autre membre de la délégation.
L'acheminement de ces nouveaux réfugiés chrétiens vers les pays d'accueil, à savoir la France, le Canada, l'Australie et les États-Unis, se fera via le Liban et la Turquie. « Mgr Michel Kassarji, évêque chaldéen de Beyrouth, vient d'annoncer l'arrivée de 8 000 personnes au Liban. Ils sont là en transit en attendant leur destination finale. Ces personnes sont sur les listes des agences humanitaires de l'Onu », assure Mgr Jammo. Il ajoute aussi que « le camp Silopi en Turquie est déjà prêt pour accueillir les chrétiens d'Irak. Plus de 200 000 seront déplacés », estime-t-il. Cet exode est inquiétant pour l'avenir de la région. « En 2003, les chrétiens d'Irak comptaient 1,4 millions d'âmes, en 2014 leur nombre a été réduit à 400 000 qui sont persécutés, assassinés et violés. Nous devons les aider à venir aux États-Unis, au Canada, en Australie ou en France », précise Mark Paul Arabo.
« Obligation morale »
Quel rôle joue le Vatican pour mettre fin à ce calvaire ?
Le souverain pontife « est une référence spirituelle pour les catholiques. Cette question est avant tout humanitaire. C'est un génocide contre l'humanité, contre la dignité humaine », rappelle adroitement Mgr Jammo. « Nous pensons que le pape François et les Nations unies ont une obligation morale. Lorsqu'il s'agit de crime contre l'humanité, quand un peuple est systématiquement éliminé, le Vatican a le devoir moral d'agir, dit-il. Il en va de même pour l'Amérique, la France, les Nations unies et le Conseil de sécurité. Les gens sont en train de mourir ! » martèle-t-il avec émotion.
« Il s'agit d'une catastrophe humaine, avec plus de 200 000 chrétiens déplacés qui dorment à la belle étoile, souffrent de nombreuses maladies, sont sans nourriture et à la merci du climat. Nous avons maintenant besoin d'un secours humanitaire immédiat jusqu'à ce qu'ils obtiennent un laissez-passer vers un pays d'accueil. La plupart iront aux États Unis car ce pays a une responsabilité partagée depuis l'an 2000 », estime l'évêque Jammo.
« Les Nations unies, le Conseil de sécurité doivent prendre des mesures appropriées. Il s'agit clairement d'un holocauste chrétien. Il devra être enregistré et documenté en tant que tel, il devra être signalé que cette communauté a sonné l'alarme, a appelé à l'aide et a demandé à reconnaître ce crime contre l'humanité », précise de son côté Mark Paul Arabo.
Une terre chargée d'histoire
Les chrétiens d'Irak sont-ils encouragés à partir ? « Les choix que propose le califat sont les suivants : soit se convertir à l'islam, soit payer l'impôt pour les chrétiens, soit être tué », précise Mgr Jammo. « Les chrétiens devront accepter de vivre comme citoyens de deuxième ou troisième classe. Il n'est pas facile de partir pour diverses raisons. Mais plus de 80 % des personnes cherchent à trouver un asile ailleurs », explique-t-il.
Que reste-t-il des églises et du patrimoine culturel chrétien ? « Beaucoup de ces valeurs historiques ont disparu. Certaines églises ont été bâties aux Ier, IIe et IIIe siècles. Les chaldéens sont là depuis Jésus-Christ et ses apôtres. Cette terre est aussi celle d'Abraham, avant la chrétienté. Ils ont tout détruit, les tombes, les monuments et les souvenirs de ces temps apostoliques. Et tout récemment, ils ont détruit la tombe de Jonas. Cette terre est chargée d'une histoire unique et de mémoire. Et le peuple porte en lui la première civilisation et le creuset de l'humanité », conclut avec tristesse l'évêque chaldéen.
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