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Liban - En toute liberté

« Nous avons connu toutes les guerres » : l’Appel de Beyrouth, dix ans plus tard

Publié en première page du journal Le Monde le 21 juin 2004, il y a dix ans, l'Appel de Beyrouth a été un jalon important dans de notre prise de conscience de la responsabilité que nous avons assumée, collectivement, dans la guerre qui a ravagé le Liban. Une guerre qui contenait en elle les germes de toutes les guerres qui ravagent en ce moment le monde arabe ainsi que ceux de nos stagnations actuelles : « Nous avons connu toutes les guerres », affirme l'appel.


Signé par plusieurs centaines d'intellectuels, de journalistes, de membres de carrières libérales, l'Appel de Beyrouth a été rédigé à l'initiative de Samir Frangié. À la préparation de ce texte, ont également coopéré Farès Souhaid, Okab Sakr, Mohammad Hussein Chamseddine, membre du Congrès permanent du dialogue libanais, et Saoud el-Maoula, membre du Comité arabe du dialogue islamo-chrétien.
S'il est opportun d'en marquer le souvenir, c'est parce que, par bien des aspects, cette prise de conscience est toujours d'actualité, tandis que nous reproduisons, sur le plan politique, certains des modèles de notre enfermement et de notre stagnation, refusant d'entreprendre le travail de mémoire nécessaire à notre libération. Le texte nous renvoie aussi à notre responsabilité arabe puisque nous nous y affirmions « plus habilités que d'autres à réconcilier le monde arabe avec lui-même et avec le monde ». En un sens, il est prémonitoire.


Que cette commémoration réveille ce qui fait notre vitalité politique, dans l'esprit du dernier discours prononcé par le P. Salim Abou, en sa qualité de recteur de l'Université Saint-Joseph, le 19 mars 2003 : « Ne permettons pas que décline en nous le sens de la liberté (...) Sachons entretenir en nous et autour de nous le sens de la liberté, le goût de la liberté, la flamme de la liberté. »


Voici des passages essentiels de cet appel :
« Nous avons connu toutes les guerres, nous avons cru au pouvoir de la violence comme levier de changement, nous avons vécu toutes les ségrégations, nous avons imposé et subi toutes les purifications communautaires !
Nous avons fait de la religion une identité milicienne et avons rejeté toutes les valeurs dont elle était porteuse, les valeurs de tolérance, de respect de la personne humaine, de justice !
Nous avons recherché dans les guerres que nous nous sommes livrées l'aide des autres et avons, de ce fait, abdiqué notre indépendance et notre souveraineté ! Nous avons été finalement réduits, sans même nous en apercevoir, au rang de simples instruments dans "la guerre des autres" sur le sol de notre patrie !
Nous reconnaissons, chrétiens et musulmans, notre responsabilité commune dans la guerre qui a ravagé notre pays et nous estimons que cette reconnaissance est la condition essentielle pour tirer les leçons de la guerre et ne pas être condamnés à répéter indéfiniment les erreurs que nous avons commises.
Nous avons beaucoup souffert, mais nous avons aussi beaucoup appris ! Nous avons payé cher le prix de la connaissance : 144 240 morts, 17 415 disparus et 197 506 blessés ! Nous l'avons payé de la destruction de nos villes et de nos villages ! Nous l'avons payé de l'exode de centaines de milliers de nos enfants, de la perte de notre qualité de vie, de la chute de nos revenus, de notre misère ! (...)
Mais nous savons aujourd'hui que le recours à la violence ne peut mener qu'à la destruction et à la mort, à la destruction de l'autre, mais aussi à la destruction de soi.
Nous savons également que nous sommes désormais liés, chrétiens et musulmans, pour le meilleur et pour le pire, par un même destin.
Nous pouvons en faire un destin d'ouverture et d'avenir si nous savons comment réhabiliter le modèle de convivialité que nous avions créé en le libérant des pesanteurs communautaires et des querelles politiciennes qui l'avaient dénaturé (...), si nous avons le courage de faire face aux courants extrémistes qui se développent dans nos communautés pour bloquer ainsi toute possibilité de résurgence des fanatismes et empêcher que notre société ne soit prise, une nouvelle fois, en otage par les extrémistes (...) . Mais nous pouvons également en faire un destin de déchéance si nous demeurons prisonniers du passé et de ses conflits, incapables de tourner la page et d'assumer toutes les victimes de la guerre sans discrimination aucune (...) Nous, Libanais de toutes les confessions et de toutes les régions, estimons que le changement est désormais possible parce que nous sommes aujourd'hui plus forts qu'hier ! Nous le sommes parce que nous avons décidé de prendre notre destin en main et de compter sur nous-mêmes ! (...) Parce que nous pensons que nous pouvons vivre ensemble égaux et différents ! (...)
Nous le sommes aussi parce que notre contribution pour sortir le monde arabe de la stagnation dans laquelle l'a plongé un demi-siècle de tyrannie et de dictature peut être déterminante ! Parce que nous sommes plus habilités que d'autres à réconcilier le monde arabe avec lui-même et avec le monde ! Parce que nous avons l'expérience pratique de la démocratie, parce que nous avons nos écoles, nos universités, nos maisons d'édition, nos journaux, nos hôpitaux, nos banques ! Parce que nous sommes partout dans le monde à travers notre diaspora !
Nous refusons toute tutelle extérieure qui s'exercerait au nom des valeurs de la démocratie et des principes des droits de l'homme. Nous rejetons également toute vision qui, au nom du fondamentalisme religieux, s'approprie la vérité et divise le monde en deux camps antagonistes, le camp du bien et celui du mal.
Nous pensons qu'il faut à tout prix mettre un terme à ce processus de réduction qui est à l'origine de toutes les folies : réduction de la civilisation à la culture, de la culture à la religion, de la religion à la politique, et de la politique à l'action violente.
Nous voulons œuvrer pour un monde de paix dans le respect de la démocratie et de la justice! »

Publié en première page du journal Le Monde le 21 juin 2004, il y a dix ans, l'Appel de Beyrouth a été un jalon important dans de notre prise de conscience de la responsabilité que nous avons assumée, collectivement, dans la guerre qui a ravagé le Liban. Une guerre qui contenait en elle les germes de toutes les guerres qui ravagent en ce moment le monde arabe ainsi que ceux de nos...

commentaires (7)

CORRECTION ! Merci : ".... devise, à elle seule toute drolatique : "Tous Lille Watane ou Koullounâ", yîîîh...."

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

04 h 49, le 25 juin 2014

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Commentaires (7)

  • CORRECTION ! Merci : ".... devise, à elle seule toute drolatique : "Tous Lille Watane ou Koullounâ", yîîîh...."

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    04 h 49, le 25 juin 2014

  • ET...PAR L'ABRUTISSEMENT... DE TOUS NOS ABRUTIS... NOUS RISQUONS D'IMPORTER ET DE CONNAÎTRE CELLE QUI SE DÉROULE ALENTOURS... "CHEZ NOUS"... ET ELLE SERAIT LA PIRE !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 38, le 24 juin 2014

  • LE LIBAN... TEL ULYSSE... SUR SON ESQUIF EMPORTÉ ET BALLOTTÉ PAR LES FUREURS D'ÉOLE... ACCOSTERAIT-IL UN JOUR SUR QUELQUE PLAGE D'ITHAQUE ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 47, le 23 juin 2014

  • Les Libanais(h) restent capables, même si ça fait sourire, de s’interroger avec gravité sur leur suffisance ou leur devise ; eux qui auraient été les plus "braves" des peuplades du "croissant fertîîîle" ! Et qui raffolent des enquêtes qui prétendent que dans le concert des nations supposées en évolution, ils seraient maybe(h) les mieux notés. Les temps étant moroses et les récréations étant fugaces, que l’on imagine les pensées éloquentes quant à l’opinion qu’ont d’eux-mêmes ces campagnardisés, et le spectacle qu'ils offrent au monde entier dès lors que cette humanité daigne un peu les considérer. Les voilà donc enterrasse(é)s en lacets, emmêlés à semer la conFusion bien moins en vérité qu’à l’érection de leur Tour de Babel ou des Canons. Ce qui n’empêche pas de les débusquer en proie à leurs dilemmes conFessionnels ! Reste leur devise, à elle seule toute drolatique : "Tous Lille Watan", yîîîh ! En fait, on devrait faire don de cet "hymne" à l’Humanité, car il se pourrait que ce ne soit que dans ce cadre-là que les choses finissent tant bien que mal par s’arranger pour une crevassée qui, hagarde et désenchantée, n’en peut plus de détricoter son Tabrîz Per(s)cé. Ne disposant plus que de some sarcasmes désabusés sur cette "Espèce" et ses plus ou moins "meurtrières identités", la pensée est venue qu’on devrait avoir honte de se gausser de ces "Nobodééé(h)", faisant fi des décennies durant lesquelles on vivait ici, "heureux" comme si dieu était re-yîîîh…. éhhh Libanais(h) !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 53, le 23 juin 2014

  • "Nous refusons toute tutelle extérieure qui s'exercerait au nom des valeurs de la démocratie et des principes des droits de l'homme." ! Ainsi, Non au "droit d'ingérence" des Nations-Unies.... même contre ce Monchâr bää bää bääSSyrien en sœur-syrie ? Yâ harâm !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 31, le 23 juin 2014

  • "Nous, Libanais, estimons que le changement est désormais possible parce que nous avons nos écoles, nos universités, nos maisons d'édition, nos journaux, nos hôpitaux.... et nos banques." ! Nos "bannnques" ? Yâ harâm !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 27, le 23 juin 2014

  • Dix ans plus tard, rien n'a changé. A l'évidence, c'est encore pire. Où sont les auteurs de l'Appel de Beyrouth pour persister et conduire une résistance générale aux vils destructeurs du Liban ?

    Halim Abou Chacra

    05 h 39, le 23 juin 2014

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