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Liban - Reportage

À l’école publique secondaire de Dhour Choueir, l’ordinateur portable a remplacé livres et cahiers

C'est un franc succès qu'a remporté le projet pilote « One-to-one computing », mis en place par le ministère de l'Éducation à l'école secondaire de Dhour Choueir. Mais la généralisation de ce projet à l'ensemble du système éducatif n'est pas une évidence.

Dans une salle de classe de l’école publique de Dhour Choueir, la directrice Sabah Mjaess (deuxième à gauche) et quelques enseignants de seconde.

Dans la salle des professeurs de l'école publique secondaire de Dhour Choueir, un groupe d'enseignants se livrent à une démonstration. Leurs outils, l'ordinateur portable et le tableau interactif, sont désormais au cœur de l'enseignement. Ils ont remplacé livres, cahiers et tableaux noirs. D'un clic à un autre, professeurs de maths, de physique, d'histoire-géo, d'arabe ou de langues étrangères montrent comment se déroulent les cours dans les six classes de seconde de l'établissement. Des classes pilotes, mises en place avec le soutien du ministère de l'Éducation, il y a trois ans déjà. Pour les 192 élèves de cette section dont les locaux ont été réaménagés, et qui ont reçu chacun son ordinateur portable, l'école est devenue un plaisir. Un plaisir que leur envient les autres élèves de l'établissement qui suivent toujours un enseignement traditionnel.
La leçon part des manuels scolaires libanais, téléchargés en format PDF sur la totalité des ordinateurs. Mais chaque leçon est annotée, expliquée, décortiquée. Reliés en réseau à leurs enseignants et au tableau interactif, les élèves peuvent lire et sauvegarder leurs remarques, leurs conseils ou leurs directives. Ils sont poussés à aller au-delà du cours théorique, à rechercher davantage d'informations, à sélectionner ces dernières sur le Net, à les partager avec leurs enseignants et leurs camarades. Ici, des liens sont mentionnés, permettant aux élèves d'étoffer la théorie par un exemple. Plus loin, une vidéo est disponible. Ailleurs, des tests sont mis à la disposition des élèves. Les ressources sont illimitées.

 

Méthode interactive, enseignants et élèves satisfaits
Chaque enseignant adopte sa propre méthode de travail et gère la classe à sa façon, mais tous sont motivés, jeunes et moins jeunes. Ils ont bénéficié de formations intensives pour utiliser cette nouvelle forme d'enseignement baptisée « One-to-one computing ». Une méthode centrée sur l'élève, qui privilégie l'interaction entre enseignants et élèves et qui forme ces derniers aux nouvelles techniques de l'information. L'objectif n'étant autre que de les préparer à l'université et à la vie professionnelle. L'enseignant, lui, n'est plus au centre de la classe, il guide l'enfant, lui sert de mentor, tout en veillant à contrôler son travail, à l'empêcher de s'évader.


« Je pars souvent d'une vidéo. Je pousse l'enfant à faire des recherches et lui montre les étapes à suivre », raconte Hiba Elia, jeune enseignante d'anglais. L'enseignante, qui se dit ravie de ne plus avoir à donner de cours magistral, vu la faible capacité de concentration des élèves, note régulièrement ses remarques sur son ordinateur portable. « Elles apparaissent sur le tableau interactif, qui remplace désormais le tableau noir. Les élèves ont la possibilité de les sauvegarder », indique-t-elle, C'est aussi directement sur leurs ordinateurs portables qu'ils font leurs devoirs. « Ils nous en envoient le lien », précise-t-elle. « Cette méthode permet aux élèves malades de recevoir aisément leurs leçons et devoirs et de ne pas accumuler les lacunes », ajoute-t-elle.


Pour collecter les devoirs de ses élèves, la professeure de géographie, Najwa Ojeil, alterne les procédés. « Outre la collecte des travaux par réseau, je demande aux élèves de m'envoyer leurs devoirs par mail. Je leur donne une date et une heure limites. Ils sont tenus de les respecter », dit-elle. Cette enseignante donne son cours au moyen de Powerpoint. « Il est différent pour chacune des six classes, souligne-t-elle, car il va dans le sens de l'intérêt des élèves, de leur vécu personnel. » Répartis en groupe, ils posent les questions qui les interpellent, sur un thème donné. « Vidéos à l'appui, je leur explique alors un tremblement de terre, un tsunami ou un ouragan », note-t-elle. Avant d'ajouter : « Je ne m'imagine pas retourner à l'ancien système. Même s'il nécessite d'importantes préparations, ce système est interactif et permet à l'élève d'aller vers l'information. »

 

Un exemple dans la région
À travers ce projet pilote mis en place par le ministère de l'Éducation avec des compagnies privées, « il s'agit de promouvoir les compétences du XXIe siècle », note la directrice de l'établissement, Sabah Mjaess. Par compétences du XXIe siècle, on entend la collaboration, la communication, les compétences liées aux TICS, la citoyenneté responsable, la résolution des problèmes, la pensée critique, la créativité...


Forte du succès de ce projet mis en application en classe de seconde, Mme Mjaess espère le généraliser à la totalité des classes de l'établissement qui compte aujourd'hui 380 élèves, du complémentaire à la terminale. Une ombre au tableau, les pannes de courant, trop importantes. « L'école est équipée d'un générateur, mais l'achat d'un UPS devient indispensable et coûte excessivement cher », note-t-elle. Autre hic, la lenteur de la connexion Internet, qui implique pour l'établissement la nécessité de s'équiper de deux lignes. Par ailleurs, les examens scolaires et les épreuves officielles, non informatisés, se déroulent encore de manière traditionnelle. Le projet n'est donc toujours pas adaptable aux classes de terminale. « Fort heureusement, les élèves parviennent, sans difficulté, à gérer la situation », assure la directrice.


Il faut dire que l'école secondaire de Dhour Choueir peut compter sur la générosité de mécènes de la localité, parmi lesquels le comité des parents d'élèves, qui ont offert les ordinateurs portables et les équipements nécessaires. Elle peut aussi tabler sur le précieux soutien du ministre de l'Éducation, Élias Bou Saab, ancien président du conseil municipal du village, qui s'est engagé personnellement aux côtés de l'institution. Sans oublier la détermination de la directrice, qui a réussi, « avec le responsable IT de l'école, à optimiser le programme informatique afin qu'il réponde le mieux possible aux besoins des élèves et des enseignants ».
Résultat, l'établissement est devenu un exemple dans la région, sollicité par de nombreuses familles soucieuses d'assurer un enseignement de qualité à leurs enfants. « Nous recevons des élèves de nombreuses régions du pays et même de Jeïta », affirme Sabah Mjaess, qui se dit soucieuse de donner à l'élève de l'école publique une nouvelle forme d'enseignement à coût moindre.

 

Des équipements rapidement obsolètes
Au ministère de l'Éducation, on salue la performance de l'école publique de Dhour Choueir, parmi d'autres projets pilotes implantés à travers le pays. On met en relief les aspects positifs du projet qui a été « rapidement adopté par les élèves et les enseignants ». Mais on se demande si la généralisation de l'implantation d'ordinateurs portables ou de tablettes au sein des classes est bien la vision idéale. « La technologie évolue si vite. Les équipements deviennent rapidement obsolètes », note le directeur général du ministère de l'Éducation, Fady Yarak. Il reconnaît toutefois que « la technologie est un outil pour mieux apprendre » et permet aux élèves de « mieux visualiser et comprendre les choses ». « Il reste toutefois à leur prouver que ces outils informatiques envers lesquels ils ont développé une dépendance ne sont pas uniquement des outils de jeu, mais représentent d'excellents moyens d'apprentissage », souligne-t-il. « Trouver la meilleure méthode d'enseigner demeure un véritable défi », observe-t-il, estimant « nécessaire d'adopter des méthodes innovantes d'enseignement, tout en ne perdant pas l'objectif, qui est de boucler le programme scolaire ».


La question demeure entière. L'enseignement sera-t-il entièrement informatisé d'ici à quelques années ? M. Yarak ne se prononce pas. « Nul n'a encore répondu à cette question », dit-il, estimant que la technologie reste une des solutions à l'éducation, mais pas forcément la solution. Car au final, « le but n'est pas la technologie, mais l'éducation ».

 

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