Lors de la deuxième séance parlementaire consacrée à l'élection d'un nouveau président de la République, les députés du Hezbollah ont annoncé, d'emblée, la couleur à leur arrivée au Parlement. Jouant pratiquement cartes sur table, ils ont indiqué aux correspondants de presse que le quorum ne serait atteint pour l'élection présidentielle que lorsqu'un accord, ou plus précisément lorsqu'un consensus aura été atteint au sujet de l'identité du futur chef de l'État.
Cette condition posée par le Hezbollah, et à laquelle se conforme le bloc parlementaire du Changement et de la Réforme (bloc aouniste), constitue un véritable précédent dans les annales des élections présidentielles au Liban. Un précédent irrecevable, qui constitue une hérésie dans la vie constitutionnelle d'un pays qui se respecte. Dans le cas précis du Liban, où le président de la République est élu par l'Assemblée nationale, il revient en effet aux députés de faire leur choix et d'élire le candidat à la présidence qu'ils jugent opportun et capable de prendre les commandes du pays. Poser comme condition qu'un consensus sur le choix du président devrait être atteint préalablement à l'élection revient à dire que le nouveau chef de l'État devrait faire l'objet d'un accord concocté en coulisses. Cela signifie que le rôle des députés devient de pure forme et se limiterait, dans ce cas de figure, à avaliser, pour la façade, un choix opéré par des décideurs, non seulement extraparlementaires, mais surtout supranationaux, en l'occurrence des puissances étrangères.
Dès les premiers jours du délai constitutionnel pour l'élection du président, la plupart des blocs parlementaires, plus particulièrement dans le camp du 8 Mars, ont souligné que les Libanais avaient l'opportunité cette fois d'élire un chef de l'État « fabriqué au Liban », qui soit réellement le fruit de la volonté des factions locales et des députés, et non pas le résultat d'un « deal » régional et étranger. Sauf que ce sont ces mêmes blocs parlementaires du 8 Mars, ou plus précisément les blocs du Hezbollah et du courant aouniste, qui provoquent le défaut de quorum sous le prétexte d'attendre le consensus.
Une telle ligne d'action a pour conséquence immédiate de saboter le slogan brandi par ces mêmes blocs parlementaires (un président « made in Lebanon ») et de marginaliser le rôle des députés, ce qui ouvre la porte à « l'internationalisation » du choix du président de la République. Dans un tel contexte, si les députés du 8 Mars, notamment ceux du Hezbollah et du courant aouniste, veulent être conséquents avec eux-mêmes, ils se doivent de suivre la même voie que celle tracée par le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, et le 14 Mars. La coalition souverainiste (le 14 Mars) mène en effet la bataille présidentielle en se rangeant derrière un seul et unique candidat, Samir Geagea, sur base d'un programme politique clair, cohérent et exhaustif, axé sur le projet de mise en place d'un État, un véritable État rassembleur, qui mettrait un terme à la dualité entre le pouvoir central et le pouvoir de facto représenté par le Hezbollah et l'ensemble de sa structure militaire, sécuritaire, politique, sociale et économique.
Dans la pratique, ce sont surtout les députés du courant aouniste qui sont appelés à assumer leurs responsabilités nationales en assurant le quorum lors des séances consacrées à l'élection du président. Se posant en défenseurs des droits des chrétiens, ils se doivent d'être conséquents avec eux-mêmes et de sauver de la marginalisation la plus haute charge de l'État et de la République occupée par un chrétien.
Liban - Le commentaire
La condition posée par le Hezbollah pour faciliter l’élection présidentielle, un précédent irrecevable
OLJ / Par Émile Khoury , le 15 mai 2014 à 00h00
commentaires (5)
LA GUERRE DES "ANGES" SIC!) DÉCHUS.... OU : L'HÉRÉSIE DÉMO(NO)CRATIQUE !
LA LIBRE EXPRESSION
19 h 25, le 15 mai 2014