Arianna Huffington : tycoon et zen

C'est le fait d'Arianna Huffington qui vient de publier un ouvrage intitulé Prospérer: La troisième mesure du succès et qui a pour origine son évanouissement, un soir sur sa table de travail, lui provoquant des blessures à la tête et au visage. S'ensuit un va-et-vient chez des médecins toutes spécialités confondues. Diagnostic final: «Burn out», épuisement extrême et autres tensions et pressions. Elle se demande: «C'est cela la réussite et l'accès au titre de l'une des cent femmes les plus influentes du monde?» De quoi douter qu'une vie réussie repose uniquement sur les facteurs classiques du pouvoir et de l'argent. D'où la nécessité de redéfinir sur d'autres bases la notion de la prospérité. Elle en arrive à une formule qu'elle visualise en faisant ressembler la course effrénée à l'argent et au pouvoir, «à l'appui sur deux des trois pieds d'un tabouret. Ils sont un appui temporaire et tôt ou tard vont céder. On a donc besoin du troisième pied ou une troisième mesure que l'on avait ignorée et qui inclut notre bien-être, notre capacité à mettre en action notre intuition et notre sagesse intérieure».

Dans cette célébration de la vie elle voit un facteur essentiel de la performance qui va à l'encontre de la manière dont la société envisage le succès. En fait, c'est une révolution de la culture du travail qu'elle effectue et qu'elle applique dans ses propres entreprises. À savoir, la création d'un espace pour de courtes siestes, se débrancher de ses appareils électroniques lorsque l'on n'en a pas besoin, s'octroyer des moments de méditation. Plutôt que d'être uniquement obsédé par la comptabilisation des longues heures de bureau, les promotions coûte que coûte, un CV impressionnant et l'essoufflement à grimper les  échelons. Attitude antiproductive.

Déesse des médias électroniques
En définitive, pour cette tycoon cultivant le zen, une brillante carrière peut bien aller de pair avec l'épanouissement personnel en suivant un processus qu'elle partage avec les lecteurs de son ouvrage et qui s'articule sur trois règles de vie. Simples mais portant sur des habitudes dont tout un chacun est devenu accro. Améliorer son bien-être, en dormant un peu plus chaque nuit. Pour une meilleure concentration, une stimulation de la créativité et une diminution du stress. Plus de repos mène à prendre de meilleures décisions. Écouter sa sagesse intérieure, lorsque l'on est débordé de travail et suivre momentanément ses directives. Planifier de cours moments de loisirs. Une journée de vacances passée selon le gré de chacun. Nécessité d'une «détox digitale». Éteindre son téléphone à une certaine heure tous les soirs et être injoignable un jour ou deux dans la semaine.

Rappelons que l'un des grands exploits d'Arianna Huffington est d'avoir cofondé (en 2005) un journal d'information américain, le Huffington Post, publié exclusivement sur Internet qui a été de suite décliné par une dizaine d'autres pays dont la France (où il est opéré par Le Monde) et le Japon. D'origine grecque (elle est née Arianna Stassinopoulou), elle avait épousé un politicien américain (Michael Huffington) dont elle divorce en 1997. Puis elle se lance dans la politique, animant plusieurs conventions politiques nationales, tout en évoluant du conservatisme vers le libéralisme. Son activisme antipétrolier l'a menée à diriger The Detroit Project, qui vise à mettre fin à la dépendance américaine du pétrole du Moyen-Orient. On la retrouve aussi, en 2003, candidate à l'élection du gouverneur de la Californie que remportera en définitive Arnold Schwarzenegger.

Mais elle reprend de suite un autre élan dans les médias avec le Huffington Post qu'elle cède, en 2011, au géant américain de la messagerie AOL, tout en conservant le titre de président et éditrice en chef du Huffington Post Media Group. Et aussi tout en possédant une plume talentueuse. Elle a signé deux ouvrages importants, l'un sur Maria Callas (La femme derrière la légende), et l'autre sur Picasso (Créateur et destructeur).

Aujourd'hui, cette déesse des médias électroniques continue son ascension sans stakhanovisme.