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Prêts, partez !

Elle a été accommodée à toutes les sauces, notre pauvre démocratie : entre autres aberrations et hérésies constitutionnelles, on a renié le verdict des urnes et on a inventé de toutes pièces une minorité gouvernementale de blocage. Qu'elle est facile à pratiquer pourtant, cette belle démocratie, quand il n'y a strictement rien à y perdre, quand cela vous offre au contraire la rare opportunité de faire bonne figure.

C'est dire qu'il y aura probablement foule au Parlement aujourd'hui, pour le coup d'envoi de l'élection présidentielle : un coup qui sera toutefois tiré à blanc. Aucun des candidats en lice, déclarés ou non, ne peut en effet espérer s'approprier le nombre d'or : ce chiffre magique de 86 suffrages qui lui permettrait de toucher le jackpot dès le premier tour du scrutin. Dès lors, bien peu de députés iraient, à ce stade, se faire porter absent : ce serait là faire gratuitement preuve de mauvaise volonté. Pour ce qui est de la suite en revanche, les défauts de quorum délibérément provoqués et autres manœuvres de blocage pourraient transformer en véritable marathon la course vers le palais de Baabda.

Du lot des candidats en lice se détachent, à première vue, les deux poids lourds, Samir Geagea et Michel Aoun. Tous deux se projettent en présidents forts ; effectivement forts du soutien de leurs alliés, les deux souffrent cependant du même handicap, à savoir les réserves, sinon la franche hostilité, qu'ils suscitent dans le camp d'en face. Pour contourner la difficulté, le leader des Forces libanaises s'est dit ouvert à tout dialogue sans pour autant renoncer à ses convictions bien connues, notamment sur le point épineux du monopole étatique des armes. Avec un superbe aplomb, le chef du Courant patriotique libre, quant à lui, arbore depuis peu une deuxième casquette, celle de président de consensus, alors même que l'arsenal détenu par ses amis du Hezbollah est le principal objet de discorde entre les Libanais.

Sans doute doit-on à ce double rébus la floraison absolument inhabituelle de candidatures à la magistrature suprême, proclamées pour cette édition de la présidentielle : la dernière en date étant celle du député Henri Hélou, avancée hier par le bloc de Walid Joumblatt, lui-même pilier d'un centre visiblement résolu à arbitrer les oscillations de la balance. Reste à espérer que l'essentiel sera préservé : que la politique du vide n'a plus cours désormais, que le pesage aura bien lieu.


Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Elle a été accommodée à toutes les sauces, notre pauvre démocratie : entre autres aberrations et hérésies constitutionnelles, on a renié le verdict des urnes et on a inventé de toutes pièces une minorité gouvernementale de blocage. Qu'elle est facile à pratiquer pourtant, cette belle démocratie, quand il n'y a strictement rien à y perdre, quand cela vous offre au contraire la rare...