« Les Français font la gueule, les Français sont des fainéants, les Français ne croient plus en rien, les Français sont racistes, les Français sont des perdants. » Ceci est le texte d'un petit film diffusé par TF1 qui propose à ses téléspectateurs de voir « les choses autrement » en « partageant des ondes positives ». Évidemment, les images qui l'accompagnent montrent exactement le contraire de ce qui est dit. Le plus étrange est que nous autres, Libanais, pensons exactement la même chose de nous-mêmes. En regardant cette publicité, nous nous sentons moins seuls.
Oui, nous faisons la gueule et nous sommes amers. L'heure des comptes semble venue. Le surendettement du pays n'est plus une notion abstraite réservée aux journaux et à la Banque centrale. Elle concerne désormais nos poches, d'autant plus que le marché local n'a pas marqué une systole depuis plusieurs mois. Le spectacle des députés essayant de rattraper le temps perdu en légiférant sous la panique est d'autant plus pathétique que la ville est physiquement encore plus paralysée par le déploiement armé supposé assurer leur sécurité durant les débats.
Fainéants, le sommes-nous vraiment ? Si le monde savait toute l'énergie que nous déployons depuis des décennies pour continuer à vivre comme si nous ne subissions ni guerres, ni invasions, ni dévaluations, comme si chacun de nous était la Marquise de la chanson...et sans dire un seul mot rebâtir et rebâtir encore.
Est-il vrai que nous ne croyons plus en rien ? Mais croire est notre seconde nature. Et d'abord croire en un seul Dieu même si nous avons du mal à croire que c'est le même pour tous. Croire aux miracles, ceux de l'espérance et ceux de la bigoterie, ceux de notre courage et ceux des statues qui suintent.
Racistes, les Libanais ? Voilà un préjugé qui a la vie dure et qui souvent n'est pas injuste. Il faut aller chercher dans l'histoire de notre civilisation, celle de ces populations confinées, réfugiées dans leurs montagnes et qui, pendant des générations, n'ont jamais vu de Noirs ou d'Asiatiques, les raisons de cette ignorance et donc cette peur de la différence qui engendre une forme d'hostilité.
Les Libanais sont-ils des perdants ? Des « loosers » ? Chacun de nous sait à quel point nous sommes des battants, nous qui portons nos familles à bras le corps et nos jeunes jusqu'aux limites de leurs capacités pour assurer leur succès. Entre se battre et gagner, il y a quand même un gouffre. Mais même au fond de ce gouffre-là, nous ne déclarons pas forfait. Nous ne perdons que des batailles. La guerre, nous sommes bien placés pour le savoir, n'est jamais terminée.
Années 30 à Beyrouth, près de la place el-Bourj. Un dénommé Abou Mitri gère un petit café divisé en deux salles, l'une pour les gens ordinaires et l'autre, à l'arrière, fréquentée par les écrivains et les artistes qui y discutent jusqu'au bout de la nuit. Une légende urbaine raconte qu'un certain soir où ces grands esprits s'étaient oubliés, le patron réveilla, à trois heures du matin, le serveur endormi sur une chaise cannée en lui disant : « Lève-toi mon garçon, va balayer leurs rêves. » En voilà un qui a dû forcer sur la balayette, en ce temps-là. Depuis lors, nous ne rêvons plus qu'en fragments.
commentaires (4)
CORRECTION ! Merci : "Chez les 8 Malsains puînés fakîhdio-bääSSyriens, il y a bien encore, yîîîh, cette sœuuur-syrie...."
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
01 h 54, le 19 avril 2014