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Les seigneurs des anneaux

Entre fin d'année et début d'an nouveau, d'attentat sinistrement routinier en opération-suicide, c'est le même climat d'effroi que des mains criminelles œuvrent à instaurer au Liban en se livrant, à coups de bombes ambulantes, à une infernale partie de ping-pong. Inextricables sont désormais ingérences régionales et coupables passions locales ; dès lors, ce n'est plus d'un cercle vicieux, mais de plusieurs de ces mortels anneaux, qu'est prisonnier notre infortuné pays.


À l'évidence, le premier et le plus cruel de ceux-ci a trait à l'état de la sécurité. Soutenir que seule l'union nationale permettra de mettre fin à la vague de terrorisme, comme le font les hommes politiques des bords les plus divers, est évidemment réconfortant à entendre. Mais ce n'est là en réalité qu'un vœu pieux. S'en satisfaire, c'est supposer que les attentats passés étaient invariablement conçus et exécutés par des citoyens libanais ; c'est faire imprudemment l'impasse sur les tireurs de ficelles étrangers.


Or ce sont bien ces ramifications extérieures qui sont à la source du mal. Ainsi, la preuve est abondamment faite que l'on ne peut pas jouer avec le feu en Syrie sans provoquer un retour de flammes sur sa propre chaumière. C'est, disait-il, pour enrayer la menace jihadiste pesant sur le Liban que le Hezbollah s'en était allé combattre aux côtés du régime de Damas. Et maintenant qu'il a pratiquement invité sur place – chez lui, chez nous tous – ses adversaires, il s'obstine à trouver dans cet angoissant développement une raison supplémentaire de s'enferrer dans la guerre de Syrie, comme de redoubler d'intransigeance au plan domestique.


Cercle éminemment vicieux, à son tour, que le débat politique, axé en ce moment sur la formation d'un nouveau gouvernement. Une équipe de personnalités neutres comme l'envisagent, en dernier recours, le président de la République et le Premier ministre désigné? Attention, chaos ou bien alors boycottage chiite, avertit la milice qui exige d'être représentée, avec tous les honneurs dus à son rang, au sein d'une équipe dite d'unité nationale. Or celle-ci ne serait en réalité qu'une double supercherie. Fort de son fameux tiers de blocage, le Hezbollah aurait vite fait de réduire le pouvoir exécutif à l'inaction, à la paralysie. Et de surcroît, on aurait proposé une fois de plus, une fois pour toutes, au monde, la ridicule fiction d'un Liban affirmant se tenir à l'écart d'un conflit syrien auquel prend part néanmoins, de la plus forcenée des manières, une des principales composantes de son gouvernement.


Au seuil d'une année jalonnée d'échéances cruciales, dont la moindre n'est pas l'ouverture, dans quelques jours, aux Pays-Bas, du procès Hariri, c'est d'un dilemme supplémentaire, juridico-diplomatique celui-là, que vient de s'encombrer, bien malgré lui, le Liban. La capture du Saoudien Maged al-Maged, haut dirigeant d'une branche d'el-Qaëda impliqué dans le récent attentat contre l'ambassade d'Iran, a vite donné lieu à une véritable foire d'empoigne. Le royaume wahhabite voudrait bien se voir livrer ce redoutable individu, recherché pour y avoir supervisé divers actes terroristes. S'y opposent naturellement, et vont jusqu'à menacer de bloquer l'accès à l'aéroport, les familles des victimes libanaises tombées dans l'agression aux explosifs contre l'ambassade iranienne. Cette dernière n'est pas en reste, qui exige en effet d'être associée à l'enquête : tout cela aggravé par le risque de représailles d'el-Qaëda, alors que la justice et le ministère de l'Intérieur ont déjà bien du mal à gérer le dossier du pénitencier de Roumieh qui abrite des dizaines de militants islamistes convaincus de menées terroristes.


Il y a, dit-on, un dieu pour les ivrognes. S'il en existe un aussi pour les pays livrés au délire, il serait grand temps qu'il se manifeste.

 

Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com.lb

Entre fin d'année et début d'an nouveau, d'attentat sinistrement routinier en opération-suicide, c'est le même climat d'effroi que des mains criminelles œuvrent à instaurer au Liban en se livrant, à coups de bombes ambulantes, à une infernale partie de ping-pong. Inextricables sont désormais ingérences régionales et coupables passions locales ; dès lors, ce n'est plus d'un cercle...