De nombreuses versions ont circulé sur la double agression contre des barrages de l'armée dimanche soir à Saïda et une nouvelle polémique se profile à l'horizon sur l'appartenance ou non des attaquants à la mouvance takfiriste. Sans vouloir envenimer ce débat qu'elle juge déplacé, une source militaire autorisée relate les faits suivants : aux alentours de 21 heures, le dimanche, le barrage de l'armée à Awali à l'entrée nord de Saïda a vu de loin une voiture débarquer trois hommes qui ont choisi de passer le barrage à pied. Les soldats leur demandent de s'arrêter, mais les deux premiers qui avaient pris un peu d'avance poursuivent leur chemin, alors que le troisième est contraint de s'arrêter. Le soldat de faction lui demande ses papiers d'identité et le jeune homme affirme les avoir oubliés dans la voiture. Mais il s'empresse d'ajouter : « Je suis qatari. » (C'est cette affirmation qui a permis à certains médias de dire que l'un des trois agresseurs est un citoyen du Golfe, mais en réalité, le soldat de faction n'a pas pu vérifier si ce que disait le jeune homme était vrai.) En même temps, il ouvre sa veste comme s'il voulait tirer des papiers d'une poche intérieure, mais un éclat métallique brille et le soldat flaire immédiatement quelque chose de louche. Il s'écarte et le jeune homme fait exploser une petite bombe qui le fait sauter. Entre-temps, ses deux compagnons, qui l'avaient précédé, contactent un complice originaire de Saïda, Mohammad Jamil Z. L'enquête montrera par la suite qu'il était installé au Canada, mais qu'il était récemment revenu au Liban pour y accomplir une mission. On sait désormais laquelle. Mohammad Jamil Z. rejoint donc les deux autres et les embarque à bord de sa jeep Envoy grise. Le premier, Bahaeddine Mohammad Sayed, s'assied à côté du chauffeur et le second, le Libanais Ibrahim el-Mir, s'assied sur la banquette arrière, posant à ses côtés la ceinture d'explosifs qu'il avait fait passer à pied, à Awali. Tous les trois prennent la direction de Majdelyoun, pour sortir de la ville de Saïda. Mais alertée par l'explosion à Awali, l'armée a immédiatement effectué un plan de déploiement en dressant des barrages à toutes les entrées de la ville pour la boucler et empêcher les deux complices d'en sortir. C'est ainsi que la voiture Envoy grise est surprise par le barrage de l'armée sur la route de
Majdelyoun. Elle est contrainte de s'arrêter. Les soldats ordonnent aux trois passagers de descendre. Ils s'exécutent, mais l'un d'eux, Ibrahim el-Mir, s'approche du sergent-chef Samer Rizk comme pour lui donner l'accolade et se fait sauter avec lui, après avoir crié à ses camarades de s'enfuir. Le sergent-chef est tué dans l'explosion, ainsi qu'el-Mir, mais les autres soldats tirent sur les fuyards et les tuent.
L'enquête se poursuit encore, notamment pour obtenir des détails sur la voiture qui a déposé les trois hommes peu avant le barrage d'Awali. Mais elle a déjà permis d'établir les faits suivants : les quatre hommes tués dans ce double attentat appartiennent au mouvement du cheikh en fuite Ahmad el-Assir. Ensuite, l'objectif de l'attaque au barrage d'Awali n'était pas la position de l'armée. Il s'agissait de faire passer des ceintures explosives pour exécuter des attentats-suicide dans des lieux très peuplés. Les explosifs trouvés sont en effet ceux qui sont utilisés pour faire le maximum de victimes humaines, non pour causer des destructions.
De plus, ce qui confirme qu'il s'agit de takfiristes liés à el-Qaëda, c'est le fait que chacun d'eux porte aussi sur lui une petite bombe qui lui permet de se faire sauter s'il est pris, car les quatre hommes tués dans cette attaque avaient visiblement pour mot d'ordre de ne pas se faire prendre vivants. À Awali et au barrage de Majdelyoun, deux des quatre se sont sacrifiés pour sauver leurs camarades et leur permettre de fuir, mais, au second barrage, les tirs des soldats les ont quand même atteints et tués. Le fait qu'ils n'hésitent pas à se faire sauter, tout en essayant de tuer avec eux des soldats, prouve aussi qu'ils sont préparés à commettre des attentats-suicide dans le plus pur style des takfiristes. Enfin, il est clair à travers l'attitude des jeunes gens qu'ils sont hostiles à l'armée et la considèrent comme une renégate et comme une ennemie. Ce qui montre bien qu'ils sont dans la mouvance d'el-Qaëda. La source militaire autorisée précise ainsi que le débat sur l'appartenance ou non des agresseurs à la mouvance d'el-Qaëda n'a pas lieu d'être et ne sert qu'à semer le doute sur la nature de l'attaque et à chercher des excuses aux agresseurs. Il faut donc se rendre à l'évidence et accepter le fait qu'il existe au Liban et dans plusieurs régions du pays des cellules d'el-Qaëda prêtes à agir. L'armée et les autres forces de sécurité font de leur mieux pour tenter de les découvrir et de neutraliser leur action, mais il ne s'agit pas d'un travail facile, d'autant que, selon toute probabilité, ces cellules sont bien implantées dans un milieu favorable aux thèses islamistes depuis quelque temps déjà. À cet égard, la source militaire autorisée tient à rassurer les Libanais en affirmant que l'armée et les autres forces de sécurité ont pris des mesures spécifiques dans les régions chrétiennes en cette période de fêtes. L'état d'alerte est donc à son apogée et l'armée accomplit son devoir. Il faut toutefois savoir que les takfiristes représentent une menace réelle. Même si la communauté internationale a affirmé à plusieurs reprises par les canaux diplomatiques et autres qu'elle ne veut pas d'une déstabilisation du Liban pour deux raisons essentielles : d'abord à cause de la présence de la Finul. Car en cas de
chaos au Liban, les soldats de la Finul seront à la merci d'attaques de tous les côtés. Ensuite parce que le Liban est une base d'action pour les services de renseignements étrangers, depuis que l'Irak et la Syrie sont devenus des foyers d'insécurité et d'instabilité. Mais cette volonté occidentale ne peut pas imposer seule la stabilité au Liban...
Liban - Éclairage
L’histoire complète de l’attaque contre les barrages de l’armée à Saïda
OLJ / Par Scarlett HADDAD, le 20 décembre 2013 à 00h00
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L'HISTOIRE COMPLÈTE... ET çA COMMENCE PAR : DE NOMBREUSES VERSIONS ONT CIRCULÉ ! DU PATATI... ET DU PATATA...
LA LIBRE EXPRESSION
13 h 32, le 20 décembre 2013