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Deux mois avant son arrestation par les Français, le discours du président Béchara el-Khoury

A l'occasion du 70e anniversaire de l'indépendance libanaise, nous reproduisons le discours prononcé par M. Béchara el-Khoury devant la Chambre des députés le 21 septembre 1943. Il vient d’être élu à la présidence de la République par 44 voix sur 47 votants.

La une du Jour du 22 septembre 1943 et la page sur laquelle s'achevait la reproduction du discours de Béchara el-Khoury, tout juste élu président.

"Monsieur le président, Messieurs les députés,

En me faisant l'honneur de m'appeler à la Première Magistrature de l'Etat, vous m'avez fait mesurer avant tout l'étendue des devoirs qui désormais, m'incombent. Les remerciements que je vous dois se doublent de mon souci de justifier la confiance du peuple libanais que vous représentez. Cette confiance nous la mériterons s'il plaît à Dieu, ensemble, en mettant au service du Liban, à une heure particulièrement solennelle, toutes nos forces, toute notre intelligence, toutes les formes de notre activité.

Le Liban aspire depuis longtemps à l'indépendance qui est le premier de tous les biens; il aspire aussi à la concorde, à l'équilibre, à l'ordre, à la paix. Avec le concours de tous nos compatriotes, et en n'exceptant aucun d'eux, nous n'épargnerons aucun effort pour que notre pays connaisse de plus en plus la grandeur de son destin et pour que ses aspirations deviennent de plus en plus une réalité. Nous ne renoncerons certes pas à nos traditions, à aucune de nos amitiés ; mais nous savons qu'aucune amitié véritable n'est incompatible avec le droit à l'indépendance, avec la volonté d'indépendance d'un peuple fier qui a derrière lui un long passé de civilisation et qui, pour ne disposer que d'un territoire réduit, n'en est pas moins jaloux de son honneur et de sa dignité. Je demande donc à Dieu avant toute chose de nous aider à servir, au prix de tous les sacrifices, cette patrie libanaise, ce Liban indépendant et souverain que nous aimons par dessus tout et qui doit demeurer pour les pays arabes qui l'entourent un voisin sûr, compréhensif et fraternel, entretenant avec les mêmes voisins une coopération empreinte d'amitié et de sincérité.

Les tâches qui sont devant nous sont nombreuses. Avec l'évolution favorable de la guerre et du monde, une formation politique adéquate s'impose à nous sur le double plan du devoir national et du devoir international. Les vicissitudes de la guerre universelle nous ont appris d'une façon cette fois décisive qu'elle importance a notre pays aux yeux de tous les Empires.

Nous devons une vive reconnaissance aux nations Alliées qui nous ont évité de devenir nous-mêmes un champ de bataille dévasté et qui mènent, pour le Droit et pour la Justice, pour les forces spirituelles contre la force brutale, un combat héroïque et maintenant triomphant.

Notre reconnaissance s'est traduite, elle se traduira encore sans doute, par une coopération que rendra nécessaire la solidarité croissante de toutes les communautés politiques du monde.

Parmi les Nations, petites et grandes, il n'y a plus d'isolement absolu, il n'y a plus de solitude totale sur cette terre. Pour le salut de toutes, l'évidence et la nécessité appellent impérieusement une compréhension plus large des vues les plus humaines, une vision plus vaste de l'avenir.

Nous tâcherons donc de comprendre les temps nouveaux et de ne pas nous laisser dépasser par les événements.

Parmi les grandes nations, la France, au passé glorieux, à laquelle nous attache une amitié traditionnelle, se trouve aujourd'hui meurtrie.

Notre pensée va vers elle avec une émotion profonde. Je prie Dieu, en adressant à la France les vœux chaleureux du Liban, de la rétablir dans toute la plénitude de sa grandeur parmi les nations victorieuses pour que s'amplifie son rayonnement dans le monde, sous les auspices de son Grand Chef le Général de Gaulle et des chefs éminents qui collaborent avec lui.

Je salue avec admiration la ténacité du peuple britannique qui a sauvé le monde menacé par des forces brutales, quand le spectre de la défaite terrorisait la civilisation.

Je salue également les Chefs des deux grandes démocraties, MM. Roosevelt et Churchill, qui ont conclu la Charte de l'Atlantique, garantissant ainsi le droit des petits peuples à la vie et à l'indépendance. A la France, à la Grande-Bretagne, aux Etats Unis d'Amérique et aux autres pays alliés nos vœux les plus ardents pour une victoire définitive et prochaine.

Le Liban a le privilège d'être depuis des siècles dans le vaste monde un des asiles les plus sûrs de toutes les libertés fondamentales et de la science désintéressée. Chaque Libanais doit se sentir fier de contribuer à maintenir une tradition aussi noble ; mais le Liban a cet autre privilège d'être représenté par un nombre considérable d'enfants dans toutes les parties du monde. A tous les Libanais absents, j'adresse au nom du peuple libanais, le salut du Liban et l'assurance de notre indéfectible affection.

Je ne voudrais pas terminer avant d'exprimer à son Excellence M. Petro Trad, l'assurance de mes sentiments les plus sincères et mon admiration.

C'est avec ces sentiments que je vous renouvelle l'engagement absolu de travailler en toute chose et sans réserve, en toute impartialité et en toute justice, pour le Liban, pour sa grandeur et pour sa prospérité."

 

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"Monsieur le président, Messieurs les députés,
En me faisant l'honneur de m'appeler à la Première Magistrature de l'Etat, vous m'avez fait mesurer avant tout l'étendue des devoirs qui désormais, m'incombent. Les remerciements que je vous dois se doublent de mon souci de justifier la confiance du peuple libanais que vous représentez. Cette...

commentaires (2)

Je salue la decision de l'OLJ de republier cet article, tout a fait d'actualite selon plusieurs criteres, et qui est de par ce fait poignant: qu'avons-nous, Libanais de tous bords, fait pour faire avancer le Liban selon la vision des peres de l'Independance? Pour veiller a la croissance de la nation naissante? Il n'est jamais trop tard pour bien faire, mais ayons conscience que nous avons 70 ans de retard. Au travail toutes et tous! Il en va du Liban.

Catherine Moukheibir

18 h 16, le 22 novembre 2013

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Commentaires (2)

  • Je salue la decision de l'OLJ de republier cet article, tout a fait d'actualite selon plusieurs criteres, et qui est de par ce fait poignant: qu'avons-nous, Libanais de tous bords, fait pour faire avancer le Liban selon la vision des peres de l'Independance? Pour veiller a la croissance de la nation naissante? Il n'est jamais trop tard pour bien faire, mais ayons conscience que nous avons 70 ans de retard. Au travail toutes et tous! Il en va du Liban.

    Catherine Moukheibir

    18 h 16, le 22 novembre 2013

  • Et qui aurait dit que ce Liban qui se voulait compréhensif et fraternel, entretenant avec ses voisins une coopération empreinte d'amitié et de sincérité rencontrera le long de son Histoire moderne touts ces obstacles des arabes devenus plus ennemis qu’ amis.Enfin on ne peut que féliciter l’ancien Liban du discours du bon français du président Béchara el-Khoury et qui nous manque vraiment de nos jours .

    Sabbagha Antoine

    16 h 05, le 22 novembre 2013

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