Les tortues reviendront-elles pondre à Mansouri ?

Les travaux sur un terrain adjacent à la plage de Mansouri (au sud de Tyr), connue pour être fréquentée par des espèces menacées de tortues de mer pour la ponte, se poursuivent de toute évidence. Des photos montrant un muret en béton circulent sur les réseaux sociaux. Les craintes de voir l’une des dernières plages intouchées au Liban disparaître refont surface.

Mona Khalil, maîtresse de la Maison orange, qui s’occupe chaque année de protéger les bébés tortues qui naissent sur cette plage, s’insurge contre ces travaux « qui se poursuivent jour et nuit, comme pour profiter du chaos ambiant ». Pour elle, « le bétonnage a lieu dans une partie du littoral qui est très importante pour les tortues; si elles ne peuvent plus l’atteindre, elles seront incapables de pondre ». Les tortues de mer, en effet, ne pondent que sur la plage où elles sont nées.

Rappelons que cette plage de Mansouri a été déclarée « hima », une sorte de réserve locale protégée par la collectivité. Beaucoup de voix s’élèvent aujourd’hui pour qu’elle soit classée réserve naturelle et définitivement protégée par la loi.
Les craintes de Mona Khalil semblent donc pour l’instant fondées. Le pire, dit-elle, « c’est que personne ne veut bien nous expliquer de quel projet il s’agit exactement ». Les rumeurs parlent d’une plage pour les femmes, d’une institution touristique quelconque... « Il est important de connaître la nature de ce projet, insiste Mona Khalil. N’importe quelle agitation sur la plage fera fuir les tortues, ce qui serait préjudiciable pour la survie de ces espèces menacées. »

C’est vers le président du conseil municipal de Mansouri, Riyad Zabad, que nous nous tournons pour de plus amples informations sur la nature du projet. Celui-ci commence par critiquer le fait qu’« on a fait trop de boucan autour de cette affaire, qui n’en méritait pas tant ». Du béton sur une plage de sable où viennent pondre les tortues ne mérite pas tant de bruit ? « Il ne s’agit que d’une clôture construite par les propriétaires d’un terrain, et c’est leur droit, dit-il. Nos experts se sont assurés qu’ils ont respecté tous les reculs nécessaires, les travaux n’ont pas eu lieu sur la plage. D’ailleurs, une distance de 450 mètres sépare le mur de la plage de sable des tortues. Et le terrain de ces propriétaires donne sur une plage rocheuse, non une plage de sable. »

Interrogé sur la finalité du projet, M. Zabad assure qu’il n’a aucune information sur une quelconque suite des travaux et « ne peut juger les gens sur leurs intentions ». « Tout ce que je peux vous dire, c’est que nous n’avons reçu qu’une demande de permis pour une clôture, rien d’autre, répond-il. Si nous recevons d’autres demandes, nous les traiterons en temps voulu. Mais, dans tous les cas, je n’ai aucun intérêt à ce qu’il y ait des empiètements sur le domaine public. »
Les paroles de M. Zabad n’apportent pas de réponse concluante sur la nature et l’avenir des travaux. En d’autres termes, l’incertitude sur l’avenir de la plage des tortues persiste. Pour la protéger, une seule mesure suffirait : sa protection définitive par un statut de réserve naturelle. Sera-t-elle prise à temps ?

Sur une plage du Liban-Sud, la folle course vers la mer des bébés tortues (reportage vidéo)

La plage des tortues... de nouveau en danger