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Culture

Atiq Rahimi en quête de la bonne question

Invité par l’Institut français pour signer son dernier ouvrage « Maudit soit Dostoïevski » et pour présenter son film « Syngué Sabour » au « Festival du film Résistance culturelle » de Tripoli, Atiq Rahimi s’est prêté aux questions de l’« OLJ ». Avec générosité.

L’écrivain cinéaste Atiq Rahimi.          Photo Laurent Denimal

Quand on lui demande quelle première impression a-t-il eu du Liban à son arrivée, l’écrivain et cinéaste Atiq Rahimi sursaute, presque, en disant « la mer ». Mais il se dit également content et flatté d’être interviewé par tant de journalistes femmes. « Le Liban est-il une société matriarcale?», interroge-t-il. On est tenté de lui répondre que c’est peut-être le gris profond de ses yeux qui les attire, mais il ne faut pas s’égarer car le magnétisme de Rahimi ne provient pas de son seul physique. Il y a en lui cette douceur quand il parle de l’Orient violent, cette calme détermination à respecter son authenticité d’écrivain et à se protéger pour ne pas être piégé par le succès, ce regard vrai et juste qu’il porte sur la femme à travers tous ces romans. Et plus que tout, il a cette plume qu’il a trempée très jeune dans les romans de Victor Hugo, les nouvelles de Khalil Gibran et les poèmes de Majrouh Bahaouddine, cette plume qui fera de lui plus tard le prix Goncourt 2008.

Double identité et multi-disciplines
Au cours de la rencontre, l’auteur évoquera pêle-mêle cette même consécration (pour son roman Syngué Sabour), ses différentes lectures, de Camus à Hemingway, en passant par Faulkner et Duras ; ses blessures profondes qu’il dévoile avec toujours cette pudeur silencieuse et surtout son exil. Cet exil qu’il porte en lui comme une cicatrice encore ouverte et qui a pourtant engendré en lui ce besoin d’écrire.
Né en Afghanistan en 1962, Atiq Rahimi est élevé dans une famille « libérale et occidentalisée ». Son père, monarchiste, est d’abord emprisonné à cause d’un coup d’État. Passionné de littérature et de cinéma français, le jeune Rahimi commence à écrire.
Après trois années de prison, ses parents quittent l’Afghanistan pour l’Inde où Rahimi les rejoindra après le coup d’État communiste. Il y restera six mois. Ce n’est qu’en 1984, alors que la situation dans son pays devient infernale, qu’il décide de partir pour la France où il s’inscrit à l’université et obtient un doctorat de communication audiovisuelle.
La mort de son frère, tué pendant la guerre en Afghanistan, le pousse cette fois à écrire. Après Terre et cendres, écrit en persan, qu’il adapte au cinéma en 2004, ce sera Les Mille maisons du rêve et de la terreur (POL, 2002) et Le Retour imaginaire (POL, 2005).
«Jusqu’en 2002, j’étais incapable d’écrire en français, mais en retournant dans mon pays après dix-huit ans d’exil, je retrouve ma culture, ma langue et, phénomène bizarre, je ne pouvais plus écrire en persan. L’écriture était également devenue ma terre d’exil à part entière.» Dans ses romans, l’écrivain est toujours dans la quête. Il n’entend pas trouver de réponse. « D’ailleurs, il y en a si peu dans cette vie, ajoute-t-il. L’essentiel est de trouver la bonne question. Celles-ci doivent être posées pour briser des dogmes et prendre de la distanciation de l’intégrisme et de l’extrémisme. »
Atiq Rahimi ne se suffit pas de s’interroger dans l’écriture. Il s’est également tourné vers le 7e art qui apporte une autre dimension à sa vision. Pense-t-il d’abord en images ou en mots ? L’auteur hésite quelques secondes et répond: «Quand j’écris, j’ai un langage cinématographique et quand je filme, j’ai un langage littéraire, tout comme ma double identité. Quand je suis en France, je me sens afghan et lorsque je vais en Afghanistan je me sens français.»
Atiq Rahimi n’écrit pas dans le but de raconter des histoires aux autres, mais pour essayer de comprendre. Comprendre pourquoi ses parents lui ont dissimulé la mort de son frère. Comprendre pourquoi a-t-on de la difficulté à faire son deuil en temps de guerre. Comprendre pourquoi la violence est un cycle perpétuel? Mais aussi comment peut-on dépasser cet état de guerre en sacrifiant son arrogance. Autant de questions que l’auteur-cinéaste s’est posées dans ses romans tant dans Syngué Sabour, Terre et cendres ou Maudit soit Dostoïevski. Et si on lui demande si on doit s’attendre à une adaptation au cinéma de ce dernier roman, tout comme les deux précédents, Atiq Rahimi s’empresse de répondre: «Je pense que je vais m’arrêter de parler de la guerre. Cela fait trop longtemps qu’elle me hante. J’ai encore un tas de questions à me poser sur d’autres sujets...»
Quand on lui demande quelle première impression a-t-il eu du Liban à son arrivée, l’écrivain et cinéaste Atiq Rahimi sursaute, presque, en disant « la mer ». Mais il se dit également content et flatté d’être interviewé par tant de journalistes femmes. « Le Liban est-il une société matriarcale?», interroge-t-il. On est tenté de lui répondre que c’est peut-être le gris...

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