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Culture - Célébration

Partager avec Camus, par l’au-delà, son combat pour la gloire

Le 7 novembre 2013 Albert Camus aurait eu 100 ans. Pour son centenaire paraissent de nombreux livres. Gallimard publie entre autres trois passionnants volumes de correspondances inédites. Le premier rassemble les lettres échangées avec le poète Francis Ponge.

Albert Camus.

De la lettre du 20 septembre 1943, je tire les lignes
suivantes:
«J’ai beaucoup à dire sur le catholicisme, mais il me semble que je ne suis pas d’accord avec vous sur la façon dont il faut le critiquer. Si sa philosophie n’est pas la mienne, si je me sens capable d’argumenter contre elle, je ne lui prête nullement des intentions méprisables. Et, à ce point de vue, je crois que la critique matérialiste ne nous a rien appris du tout. Dire que la doctrine a été dressée aux fins d’exploitation, c’est confondre les plans historiques.»
De fait, Camus a maintenu l’exigence d’un dialogue critique et fécond, lucide, avec le christianisme tel qu’il a été vécu par son fondateur, Jésus, le Galiléen, mais aussi par quelques grandes figures: saint Augustin, François d’Assise, Pascal et aussi quelques chrétiens de son temps engagés dans la Résistance.
En 1957, à Stockholm, il a aussi rappelé son admiration pour la personne du Christ: «Je n’ai que vénération et respect devant la personne du Christ et devant son histoire. Je ne crois pas à sa résurrection.» Il ne paraît donc guère douteux qu’il ait écrit les lignes suivantes: «En vain, les enfants du Christ ont attendu pendant des années que la voix du pape s’élevât pour oser dénoncer le mal là où il se trouvait, et quand il triomphait, écrasant les forces du bien. (...)
Jésus, lui, s’est fait entendre. Comme un homme, ou plus qu’un homme. (...) Le Christ, lui, a osé rejeter la peur, cette lâcheté qui fait les traîtres et défait les hommes. Jésus de Nazareth n’aurait jamais pu croire qu’un jour le christianisme, lui-même, avorterait de l’Inquisition. Que la religion deviendrait assassine. Torturerait et brûlerait des martyrs.
Il nie la modération dans notre monde qui ne saurait se satisfaire d’âmes tièdes. Alors que nous devons tous, d’un cœur brûlant, ne jamais nous laisser confondre par les forces conservatrices qui prolongent les injustices, ouvrant ainsi des perspectives qui peuvent s’avérer terrifiantes pour
l’humanité.»
C’est pourtant l’acteur et metteur en scène Francis Huster qui prête ces mots à Camus dans un roman paru chez Le Passeur-Éditeur. Après avoir adapté La Peste et l’avoir joué 163 fois dans le monde entier, il n’a aucune peine à se glisser dans la peau du Nobel de littérature et à prendre sa voix. C’est «par la plume de son vrai stylo Parker» que Catherine Camus lui a offert, le soir de la première de La Peste qu’il a couché sur le papier, un texte intitulé «Un combat pour la gloire». Dans la nuit du 13 décembre 1957, Camus y aurait répondu, sous forme de lettre ouverte à cet étudiant algérien qui l’avait agressé lors de son discours à l’Université d’Uppsala. Face à cet étudiant, le Nobel avait effectivement prononcé ces mots restés célèbres: «Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère.»
Grâce à Francis Huster nous pouvons enfin partager avec Albert Camus, par l’au-delà, non seulement son combat pour la gloire, mais aussi quelques réflexions toujours d’actualité, notamment, et malheureusement, pour les Libanais: «Si les terroristes pouvaient effacer toute trace de Mozart, de Shakespeare ou de Picasso, ils le feraient sans hésiter. Ne l’avez-vous pas saisi? Le temps est venu d’arrêter l’hémorragie. De lutter contre notre anéantissement. Et la disparition définitive de nos valeurs humanistes.»
Dans ce roman court mais incisif, Camus est « revenu des morts pour parler aux générations futures: «L’Inquisition n’a-t-elle pas été secrétée par le christianisme. La religion s’est dévoyée. La bête humaine sait se parer aussi des ornements de la religion. La terreur frappera sous le masque de la foi, des Indes jusqu’en terre d’islam.»
Sous la plume de Francis Huster aussi, l’évolution du monde donne raison à Camus. Et tant pis pour ceux qui continuent de préférer avoir tort avec Sartre...

Michel MAY
(amichelmay@hotmail.com)
Nancy, France
De la lettre du 20 septembre 1943, je tire les lignes suivantes: «J’ai beaucoup à dire sur le catholicisme, mais il me semble que je ne suis pas d’accord avec vous sur la façon dont il faut le critiquer. Si sa philosophie n’est pas la mienne, si je me sens capable d’argumenter contre elle, je ne lui prête nullement des intentions méprisables. Et, à ce point de vue, je crois que la...

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