Rechercher
Rechercher

À La Une - Liban

Après 514 jours de captivité, les pèlerins chiites enfin de retour au Liban

Les deux pilotes turcs enlevés à Beyrouth ont été libérés et rapatriés en Turquie.

Un des pèlerins libanais libéré accueilli samedi soir dans la banlieue sud de Beyrouth par une foule brandissant des drapeaux du Hezbollah. AFP/STR

Fatigués, mais heureux... Au lendemain de leur libération, les neuf pèlerins libanais chiites enlevés en Syrie le 22 mai 2012 sont arrivés au Liban, samedi vers 22h45, un retour qui marque la fin d'une prise d'otage de 514 jours.

Leurs proches étaient à l'aéroport de Beyrouth où les ex-otages ont été accueillis dans un mélange chaotique d'embrassades, de cris et de larmes de joie.

 

"Nous avons vécu les pires moments de notre vie (...) Nos ravisseurs (des rebelles syriens, ndlr) ne nous ont pas respectés, ils nous ont mal traités", a déclaré Ali Zogheib, un des pèlerins enlevés en Syrie, à son arrivée à l’aéroport de Beyrouth. "Ils (les ravisseurs, ndlr) ont même placé une bombe dans notre cellule à un moment", a renchéri un de ses compagnons d'infortune. "Nous étions (détenus) dans une petite salle sans fenêtres, pendant de longues périodes", a déclaré un autre pèlerin, qui a assuré qu'aucune rançon n'a été versée. Un autre ex-otage a affirmé qu’ils étaient détenus non loin de la frontière turque.

 

Cheikh Ali a, pour sa part, regretté l'inaction du Hezbollah après l'enlèvement. "Nos proches et nos parents étaient seuls, notre communauté (chiite, ndlr) n'a pas manifesté en force", a accusé cet homme, marchant avec des béquilles.

 

"Pour que notre joie soit complète, nous souhaitons la libération des deux évêques enlevés en Syrie", a, pour sa part, souligné Hassan Hammoud, l'un des pèlerins. On est toujours sans nouvelles de Mgr Boulos Yazigi et de Mgr Yohanna Ibrahim, deux évêques orthodoxes enlevés le 22 avril près d’Alep.

 

 

Le temps des retrouvailles. AFP / ANWAR AMRO

 

L'attente des familles

"Nous attendons ce moment depuis des mois", avait lancé une jeune femme, interrogée par la chaîne de télévision LBC, avant l'arrivée des ex-otages. "Nous remercions tous ceux qui ont travaillé pour que nos parents soient libérés", a renchéri une autre femme.

Dans la banlieue-sud de Beyrouth, des centaines de personnes étaient également rassemblées pour célébrer le retour des ex-otages. Certains brandissaient le drapeau du Liban, d'autres du Hezbollah en scandant "Merci Nasrallah !", en référence au secrétaire général du parti chiite.

 

A l'aéroport de Beyrouth, le pouvoir était représenté notamment par le ministre de l'Intérieur sortant, Marwan Charbel et son homologue aux Affaires étrangères, Adnane Mansour.
"C'est une joie nationale", s'est exclamé ce dernier peu avant l'atterrissage de l'avion transportant les ex-otages. "Nous remercions tous ceux qui ont participé aux négociations pour la libération de nos compatriotes", a-t-il ajouté. 

 

Dimanche, M. Mansour a reçu un appel téléphonique de la part de son homologue syrien Walid Moallem le félicitant de la libération des pèlerins. Selon l'Agence nationale d'information (ANI, officielle), M. Mansour a remercié la Syrie, à travers M. Moallem, pour sa coopération qui a mené à ce dénouement. De son côté, M. Moallem a assuré que "la Syrie n’épargnera aucun effort pour tout ce qui aide le Liban."

Le Premier ministre sortant Nagib Mikati a également fait part, samedi, de sa joie en cette occasion. "C'est la fin heureuse de ce dossier humanitaire douloureux, pour les Libanais et surtout pour les ex-otages et leurs proches", a-t-il dit dans un communiqué diffusé par l'ANI. M. Mikati avait chargé Marwan Charbel de le représenter lors de l'accueil des pèlerins. Une délégation du Hezbollah et du mouvement Amal dirigée par le ministre d’État Ali Kanso et le député Ghazi Zaaiter, était également à l'aéroport.

 

Le député du bloc de Fidélité à la résistance (Hezbollah) Ali Ammar a déclaré dans la nuit de samedi, lors d'un discours dans la banlieue-sud de Beyrouth, que le retour des pèlerins libanais enlevés en Syrie est une fête nationale.
"Les pèlerins libérés (...) ont souffert sans raison", a lancé M. Ammar lors d'un discours au nom de Hassan Nasrallah. Lui aussi a souligné que la "joie n'est pas complète car les deux évêques enlevés en Syrie n'ont toujours pas été libérés". Il a également "remercié tous les responsables qui ont travaillé pour obtenir la libération des otages" et "souhaité que tous nos otages en Israël et en Syrie soient libérés". 

 

Dimanche, le patriarche d’Antioche et de tout l’Orient des grecs-orthodoxes, Youhanna X Yazigi, a également déclaré que "notre joie sera complète quand nous verrons les deux évêques libres".

De son côté, le mufti de la République Mohammad Rachid Kabbani, a félicité les pèlerins chiites de leur retour, appelant à la libération des deux évêques.


Les pèlerins chiites sont arrivés à bord d'un avion privé qatari en provenance de Turquie. L'appareil s'est posé vers 22h45. Prévu initialement à 19h, l'avion a été retardé pour des raisons techniques, a indiqué le directeur général de la Sûreté générale, Abbas ibrahim. Ce dernier et le chef de la diplomatie qatarie, Khaled al-Attiya, accompagnaient les pèlerins pour ce vol entre la Turquie et le Liban.

Onze Libanais avaient été enlevés en mai 2012 dans la province d'Alep (nord), alors qu'ils revenaient d'un pèlerinage en Iran. Deux d'entre eux avaient été libérés il y a quelques mois. Malgré les démentis des familles, les ravisseurs les accusaient d'appartenir au Hezbollah, le parti chiite libanais qui combat en Syrie les insurgés aux côtés du régime de Bachar el-Assad. Selon le quotidien panarabe Acharq el-Awsat, les ravisseurs ont été payés la somme de 100 millions d'euros afin de libérer les Libanais, sans préciser la partie qui a versé cette somme.

 


 

L'un des neuf pèlerins retrouve sa femme à l'aéroport de Beyrouth. REUTERS/Mohamed Azakir 

 

 

Pilotes turcs

En représailles à l'enlèvement des pèlerins, leurs proches avaient, à plusieurs reprises, coupé la route de l'aéroport et menacé de s'en prendre aux intérêts turcs au Liban. Le 9 août dernier, deux pilotes turcs de la Turkish Airlines avaient été enlevés à Beyrouth, les ravisseurs (un groupe libanais) voulant pousser Ankara, un des principaux soutiens de la rébellion syrienne, à faire pression sur les insurgés pour libérer les otages libanais.

Vers 20h samedi, l'Agence nationale d'information (ANI, officielle) a indiqué que les deux pilotes turcs avaient été libérés et remis aux autorités libanaises. Un peu plus tard, ils se sont envolés à bord d'un avion de Qatar Airways pour la Turquie. Quasiment au même moment, l'avion des pèlerins libanais quittait la Turquie. Les pilotes ont été accueillis à Istanbul par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.

 

A leur arrivée à Istanbul, Murat Akpinar et Murat Agca ont donné quelques détails sur les conditions de leur détention.
"Le premier mois a été très difficile", a déclaré M. Akpinar, dont les propos étaient retransmis par les chaînes de télévision turques. "Nous avons été déplacés huit fois, à chaque fois c'était comme un nouvel enlèvement. Juste après avoir été kidnappés, nous avons été détenus à un endroit très proche de l'aéroport. Nous pouvions entendre le bruit des avions", a-t-il ajouté.

"Nous avions décidé d'avoir de bonnes relations avec nos ravisseurs", a également raconté M. Akpinar, avant de remercier les autorités turques. "Nous savions qu'elles ne nous abandonneraient pas", a-t-il lancé.

 

Lors de la cérémonie dans la banlieue sud de Beyrouth, Abbas Choaib, l'un des pèlerins libérés vendredi, a déclaré : "Si les deux pilotes turcs n'avaient pas été enlevés au Liban, nous n'aurions jamais été libérés". "Nous remercions tous ceux qui ont œuvré à notre libération", a-t-il ajouté.

 

Les pilotes turcs, à leur arrivée à Istanbul, samedi 19 octobre. AFP PHOTO/OZAN KOSE  

 

 

Prisonnières syriennes?

L'annonce de la libération des Libanais a été faite vendredi soir par le chef de la diplomatie qatarie Khaled al-Attiya, qui a assuré qu'une médiation de son pays, autre soutien de la rébellion syrienne, avait abouti à cet heureux dénouement.

 

Cette affaire aux multiples acteurs illustre la complexité du conflit qui ravage la Syrie depuis plus de deux ans et demi et ses retombées sur les pays voisins.

 

C'est un groupe rebelle syrien se faisant appeler "Brigade de la tempête du Nord à Aazaz" qui a revendiqué l’enlèvement des onze Libanais. En mai dernier, il avait exigé la libération de plusieurs détenues dans les prisons syriennes en échange de la libération des pèlerins. Le 19 juillet, Damas avait accepté de libérer 43 femmes dont les noms figuraient sur une liste qui avait été précédemment remise par la Turquie aux autorités libanaises.

 

Samedi, Marwan Charbel avait indiqué que les pèlerins chiites ne seront remis aux autorités libanaises que lorsque celles-ci auraient obtenu du régime syrien qu'il libère près de 200 autres prisonnières de ses geôles. "Il y aura concomitance entre la remise des otages libanais et celle des prisonnières syriennes", avait indiqué le ministre Charbel.

 

Selon le quotidien syrien al-Watan, citant dimanche des sources médiatiques, Damas a libéré 128 détenues en échange de la libération des pèlerins dans le cadre d'un accord qui inclut également la libération des deux pilotes turcs. Les autorités syriennes n'ont néanmoins pas officiellement confirmé cette information et restaient muettes dimanche sur un éventuel élargissement de dizaines de détenues réclamé par les rebelles.

 

Selon des sources proches des négociateurs, les femmes auraient été placées dans des avions pour Istanbul, mais des militants syriens de l'opposition, dont certains basés dans cette ville turque, n'avaient aucune nouvelle concernant leur arrivée.  "Il n'y a aucune information confirmée", a expliqué la militante des droits de l'Homme syrienne Sima Nassar.

 

Lire aussi

Les neuf pèlerins libérés, sur quel ton le Hezbollah se forcera à dire : « Choukran Qatar » ?


Ban appelle le Hezbollah à devenir un parti politique « à part entière »

 

Le député hezbollahi Ali Fayad reçu au Quai d’Orsay

 

Pour mémoire

Les deux pilotes turcs enlevés à Beyrouth apparaissent dans une vidéo
Fatigués, mais heureux... Au lendemain de leur libération, les neuf pèlerins libanais chiites enlevés en Syrie le 22 mai 2012 sont arrivés au Liban, samedi vers 22h45, un retour qui marque la fin d'une prise d'otage de 514 jours. Leurs proches étaient à l'aéroport de Beyrouth où les ex-otages ont été accueillis dans un mélange chaotique d'embrassades, de cris et de larmes...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut