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À La Une - Distinction

Que disent ceux que le Nobel de la paix 2013 ne convainc pas

Entre regrets pour Malala et critiques concernant le timing.

Si le Nobel de la paix 2013 suscite beaucoup moins la polémique que celui remis l'année dernière à l'Union européenne, il ne convainc pas pour autant tout le monde.

 

En décernant son prix à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), le comité a voulu, a-t-il déclaré, être en phase avec le testament d’Alfred Nobel dans lequel est mis en avant le désarmement. "Le Comité Nobel norvégien a souligné à travers différents prix la nécessité de se débarrasser des armes nucléaires. Via la récompense décernée aujourd'hui à l'OIAC, le Comité cherche à contribuer à l'élimination des armes chimiques", explique-t-il, après avoir souligné que "les événements récents en Syrie, où des armes chimiques ont été une nouvelle fois utilisées, ont souligné la nécessité d'accroître les efforts pour se débarrasser de telles armes".

 

Sans remettre en cause l'OIAC en soi, certains critiquent le timing, jugeant peu approprié de récompenser une organisation qui vient tout juste d’entamer sa mission en Syrie, même si le comité a insisté sur le fait que l'attribution du prix vise à distinguer la mission que l'OIAC mène depuis des années.

 

Exemples de commentaires critiques :

 

"Un groupe gagne le prix Nobel de la paix pour un travail qu'il n'a pas fini. Suis impatiente de remporter le Nobel de littérature pour le livre que je n'ai pas commencé à écrire".


 

"Très cynique qu'une organisation contre les armes chimiques gagne le Nobel l'année où les armes chimiques sont massivement utilisées".

 

Certains estiment également qu'attribuer le Nobel à l'OIAC dans le contexte actuel est un bonus pour le régime syrien. La proposition du président russe Vladimir Poutine de placer l'arsenal chimique syrien sous contrôle international en vue d'être démantelé par l'OIAC a permis d'éviter des frappes punitives envisagées par les Etats-Unis et la France contre le régime de Assad.

 

Ils auraient dû donner le prix Nobel de la paix à Assad en personne pour avoir permis à l'OIAC d'opérer en Syrie.

 

 

Certains critiquent le fait que le Nobel ait été attribué à une institution.

"L'OIAC fait un travail important, mais le Nobel de la paix, vraiment? L'OIAC est surtout un organe gouvernemental, c'est à dire qu'ils font le travail pour lequel on les paie. Vous auriez pu dès lors aussi bien donner le prix à chacun des soldats de la force de maintien de la paix", écrit Eddie Bailey dans la rubrique commentaires de la page Google+ du comité Nobel.

 

"Je pense que le comité Nobel est trop concentré sur la reconnaissance des institutions et processus et pas assez sur l'activisme courageux. Le travail de l'OIAC est sans aucun doute important et interdire les armes chimiques est un objectif louable. Néanmoins, ceux qui travaillent pour le comité ne sont pas confrontés aux mêmes menaces et persécutions que beaucoup d'activistes", note David Reid au même endroit.

 

Nombreux sont ceux, enfin et surtout, à regretter que le Nobel n’ait pas été attribué à Malala, l'adolescente pakistanaise qui milite dans son pays pour le droit à l'éducation des jeunes filles après avoir été la cible d'un attentat l'an dernier par des taliban mécontents de sa campagne.

 

"Il y avait, pourtant, cette année, à portée du comité Nobel, une possibilité d'envoyer un message mondial exceptionnel. Il suffisait de nommer Malala Yousafzai. Une femme. Jeune. Et Pachtoune. Je sais bien qu'elle a eu hier le Prix Sakharov pour la liberté de l'esprit du Parlement européen. Mais le courage de Malala est tel...", écrit ainsi Guy Birenbaum dans le Huffington Post.

 

"Malala n’a pas raté le Nobel, c’est le Nobel qui a raté Malala".

 

 

 Le prix Nobel aurait gagné en prestige en étant attribué à Malala. L'inverse n'est pas si vrai.

 

Dans Rue 89, Pierre Haski analyse "pourquoi le Nobel a préféré l’obscure OIAC à la médiatique Malala" : "Le comité Nobel, dont certaines décisions ont été plus que hasardeuses tout au long de son histoire, a fait un choix très politique : réhabiliter l’action collective internationale à un moment où elle est décriée, en danger".

 

Pourquoi ce choix a-t-il été préféré à la jeune Malala ? "Parce que le monde n’est pas passé loin d’une crise majeure à la fin de l’été, et que l’OIAC sortie de l’ombre est le symbole d’une tentative modeste mais réelle de faire avancer la cause de la gouvernance mondiale pour garantir la paix", souligne-t-il.

 

M. Haski note que "le jury du prix Nobel, "pour une fois, n’a pas cédé à la tentation médiatique et a préféré un choix qui ne sera sans doute par compris car complexe, mais assurément pertinent". Pour les experts de l’OIAC, "qui sont plongés actuellement en Syrie dans l’une des missions les plus extravagantes qui soient avec le démantèlement d’un arsenal de guerre... en peine guerre", conclut-il, "ce prix justifie tous les risques encourus".

 

 

 

Quelques Nobel de la paix ayant suscité la polémique par le passé

 

 

 

En 2012, le Comité Nobel avait été critiqué pour avoir décerné son Nobel de la paix à une Union européenne divisée -notamment sur son budget commun et sa politique extérieure-, contestée à l'intérieur, en proie à la plus grave crise économique de son histoire, et donc globalement pas au mieux de sa forme. 

Si l'Union européenne avait été honorée pour son rôle dans la transformation "d'un continent de guerre en continent de paix", selon le comité, certains avaient évoqué une "trahison" de la volonté d'Alfred Nobel. Dans son testament, expliquait ainsi le site Interpress : le Suédois avait souhaité que le prix pour la paix récompense la volonté de "libérer le monde du fléau de la guerre et de la militarisation", or la démilitarisation n'a jamais été un objectif de l'UE.

 

En 2009, l'attribution du Nobel de la paix 2009 à Barack Obama "pour ses efforts extraordinaires pour renforcer la diplomatie internationale et la coopération entre les peuples" avait également fait couler beaucoup d'encre. La plupart des critiques avaient dénoncé un prix prématuré voire politisé. Le président lui-même, s'il avait accepté le prix, avait dit ne pas s'en estimer digne.

 

Dans la catégorie des Nobels de la paix polémiques, celui attribué en 1994, en "l'honneur d'un acte politique qui a appelé à un grand courage des deux côtés, et qui a ouvert des possibilités pour un nouveau développement vers la fraternité au Moyen-Orient", à Yasser Arafat, Shimon Peres et Yitzhak Rabin avait fait du bruit.

 

En 1978, un autre Nobel de la paix avait engendré de nombreux débats : celui attribué à Anouar el-Sadate, président égyptien, et au Premier ministre israélien Menahem Begin "pour l'accord de Camp David, qui a permis une paix négociée entre l'Égypte et Israël".

 

Cinq ans plus tôt, c'est celui attribué à Henry Kissinger, conjointement avec le leader vietnamien Le Duc Tho pour leurs travaux sur les accords de Paris qui avaient mis fin à la guerre du Vietnam, qui avait suscité une grande controverse.

Le leader vietnamien avait d’ailleurs refusé son prix, déclarant que la paix n’avait pas été atteinte, et deux membres du Comité norvégien avaient démissionné en signe de protestation.

 

Ce n'était pas la première fois que de telles démissions se produisaient. En 1936, deux membres du comité avaient démissionné pour exprimer leur opposition à l'attribution du Nobel de la paix à Carl von Ossietzky, un intellectuel et un pacifiste qui avait publié des informations sur le réarmement clandestin de l’Allemagne. Le scandale était si grand que le roi de Norvège, Haakon VII, n'avait pas assisté à la remise du prix.

 

 

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