Les ministres européens des Affaires étrangères ont décidé lundi d'inscrire la branche armée du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes de l'UE, tout en assurant vouloir continuer à dialoguer avec ses responsables politiques, ce qui ne sera pas simple.
Les Européens durcissent ainsi le ton vis-à-vis du puissant parti chiite libanais pro-iranien, alors que ce dernier est de plus en plus impliqué dans le conflit syrien au côté du régime de Bachar el-Assad.
Mais dans cette décision avant tout politique, ils ne vont pas aussi loin que les États-Unis, qui ont placé sur leur liste noire le Hezbollah en entier, estimant qu'il était impossible de distinguer entre ses branches politique et militaire.
"Il est bon que l'UE ait décidé d'appeler le Hezbollah pour ce qu'il est : une organisation terroriste", a déclaré le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Frans Timmermans. "Nous avons franchi une étape importante aujourd'hui en sanctionnant la branche militaire, en gelant ses actifs, en perturbant son financement et ainsi, en limitant sa capacité à agir".
Dans un communiqué diffusé lundi soir, le président libanais Michel Sleimane a demandé à l'Union européenne de "revoir" sa décision en vue de "préserver la stabilité du Liban".
Le président "a exprimé l'espoir (...) que l'UE puisse revoir sa décision, par souci d'éviter les décisions précipitées et de préserver la stabilité du Liban", selon le communiqué publié à l'issue d'une rencontre avec la chef de la Délégation de l'UE au Liban, Angelina Eichhorst.
Il a de nouveau appelé à la reprise du dialogue autour d'une "stratégie nationale de défense", qui avait échoué à plusieurs reprises, le Hezbollah refusant de déposer son arsenal nécessaire selon lui pour la défense du pays face à Israël, son ennemi juré.
L'arsenal du Hezbollah est la principale pomme de discorde entre le parti et ses rivaux au Liban, ses derniers l'accusant d'utiliser son arsenal pour imposer sa volonté sur la politique du pays.
"L'UE envoie un message politique important : les actes de terrorisme sont inacceptables quels qu'en soient les auteurs", a indiqué de son côté l'ambassadeur Eichhorst dans un communiqué.
Elle a ajouté que cette décision n'empêchait pas la poursuite du dialogue "avec toutes les parties politiques au Liban" et "n'affectera pas le soutien financier que fournit l'UE au Liban".
Le Hezbollah, via sa télévision al-Manar, a également réagi lundi soir en affirmant qu'Israël "avait fait plier l'Union européenne à sa volonté". Le Liban, qui lui avait appelé l'UE à ne pas sanctionner le Hezbollah, a exprimé ses regrets. "Nous aurions souhaité de la part des pays de l'Union européenne une lecture plus avisée des faits", a déclaré le chef du gouvernement démissionnaire Nagib Mikati.
(Repère : Liste de l'UE des organisations terroristes : mode d'emploi)
Tout comme les États-Unis, Israël s'est en revanche félicité. "Maintenant il est clair pour le monde entier que le Hezbollah est une organisation terroriste", a affirmé sa ministre de la Justice, Tzipi Livni.
L'accord de l'UE, qui doit encore être transcrit juridiquement pour entrer en application, repose sur les "preuves" que la branche armée du Hezbollah est liée à des actes terroristes perpétrés sur le territoire européen.
Il s'agit de l'attentat qui avait fait sept morts - cinq Israéliens, un Bulgare et l'auteur présumé - à l'aéroport de Bourgas (Bulgarie) le 18 juillet 2012. Les Européens citent également la condamnation en mars à Chypre d'un membre présumé du Hezbollah accusé d'avoir planifié une attaque contre des intérêts israéliens.
"En inscrivant la branche armée du Hezbollah sur la liste des entités terroristes, l'UE fait simplement coïncider le droit avec les faits", a commenté le ministre français, Laurent Fabius.
Les ministres ont cependant affirmé que ces sanctions n'empêcheraient pas l'UE de "poursuivre le dialogue avec tous les partis politiques au Liban", y compris donc le Hezbollah, qui joue un rôle de premier plan, notamment au sein du gouvernement sortant.
Catherine Ashton, la chef de la diplomatie de l'UE, a insisté sur l'attachement des Européens à un Liban "stable et en paix", en dépit des conséquences politiques et humanitaires du conflit syrien.
Mise en œuvre complexe
L'inscription va entraîner un gel des avoirs dans l'UE de l'entité visée, comme les 25 groupes que compte déjà la "liste noire", dont le Hamas palestinien, le PKK kurde ou les Tigres tamouls. Elle ne comporte pas de noms de personnalités, mais le déplacement des membres du Hezbollah vers l'Europe devrait être rendu plus difficile.
Sa mise en œuvre s'annonce cependant complexe car "il est très difficile d'identifier les membres de l'aile militaire", selon Waddah Charara, professeur de sociologie à l'université libanaise et auteur de "l'État Hezbollah". "Nous en connaissons peut-être une vingtaine. C'est l'appareil sécuritaire, et non pas militaire, qui est le plus efficace et le plus dangereux", a-t-il expliqué à l'AFP.
Selon lui, "les restrictions et les ambiguïtés de la décision de l'UE laissent une latitude assez large au Hezbollah, d'autant que ce parti a toujours avancé masqué et possède de nombreux relais pour agir".
Les ministres mettent cependant en avant l'expérience de l'UE dans le domaine, citant la lutte contre les sources de financement de l'ETA basque.
Au cours de leur réunion, les Européens ont également apporté leur soutien à la reprise des négociations de paix israélo-palestiniennes. Ils en ont discuté, par vidéoconférence, avec le secrétaire d'État américain, John Kerry.
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commentaires (14)
Pourquoi uniquement la branche armée ?
Antoine-Serge KARAMAOUN
09 h 28, le 23 juillet 2013