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Culture - Festivals

Beiteddine, entrée en piste sur la route de la soie

Le week-end, Beiteddine donnait son coup d’envoi avec une invitation au voyage comme à la tolérance. Plus de soixante-dix musiciens, chanteurs et danseurs du Liban et du monde retraçaient l’itinéraire de Marco Polo, à grand renfort de voix, rythmes et talents.

Les différentes danses et voix se succèdent sans qu’aucune ne ressemble à une autre, et...

Les lumières déclinantes parent le Chouf de teintes chatoyantes. Les spectateurs venus des quatre coins du pays profitent de la fraîcheur qui se fait rare et s’apprêtent au voyage. Le palais de Beiteddine ouvrira ses portes avec la comédie musicale Sur la route de la soie. De là, s’offrira un panorama sur tout l’Orient. Les 21 et 22 juin, le premier rendez-vous de l’édition 2013 de ce festival invitait chacun à mettre ses pas dans ceux du célèbre explorateur vénitien Marco Polo qui sillonna la route de la soie au XIIe siècle.
Le spectacle, signé Alain Weber et Kyriakos Kalaitzidis, prend à rebours cette route mythique qui n’a jamais charrié qu’étoffes, pierres précieuses et épices, mais également des traditions et formes artistiques inattendues. Le palais XIXe siècle se fait tour à tour chinois, mongol ou vénitien. Un instant, la cour est celle de maharajas, puis elle devient sanctuaire bouddhiste sculpté dans des falaises, yourte mongol ou place de village indien. Le tout en un claquement de doigts et mille changements de lumière. Grandiose. Au fil du spectacle, deux écrans illustrent le parcours via des cartes d’antan. Parchemins jaunis et imprécis tracés en pointillés : un charme suranné, malheureusement adjoint d’illustrations quelque peu bavardes.
Le départ se fait de Chine, la frêle silhouette de Lang Lang Yu maniant gracieusement la luth Pipa à quatre cordes. Infime douceur de l’instrument méconnu qui se retrouve plus tard avec le duduk (hautbois arménien) d’Emmanuel Hovhannisyan. De nombreuses découvertes sonores se font également du côté des polyphonies. Poésie épique kazakhe d’Ulzhan Baibussynova, chant classique persan avec Mohammad Motamedi et la voix nomade de Amra venue de Mongolie : des timbres majestueux qui peignent avec leurs sonorités curieuses les collines, steppes et paysages sauvages de leur terre natale. Et ensuite l’Inde surgit, tout en rythmes et en tournoiements. Bâtons frappés et grands tambours « dhols » pour accompagner l’intrigante danse Geir des Bhils du désert du Rajasthan. Puis, corps tourbillonnant et visage expressif d’un maître de la danse kazakhe, Anuj Mish. La ligne express en provenance de Chine a traversé les contrées comme les époques. D’un côté, les coutumes sont respectées le temps d’une danse féodale vénitienne amorcée par deux danseuses d’une candeur enfantine. De l’autre, tradition et modernité ne font qu’un avec la compagnie Sima alliant danse soufie syrienne et parfaite maîtrise des corps.

Songe d’une étape
au pays du Cèdre
L’itinéraire exact de Marco Polo reste incertain. Le seigneur vénitien ne conta ses aventures qu’à leur toute fin, lorsqu’il fut fait prisonnier par les Génois. Raison pour laquelle Alain Weber et Kyriakos Kalaitzidis ont pu esquisser une imaginaire découverte du Liban. La voix timbrée et chaude de Abir Nehmé accueillant alors le Vénitien incarné par Rafic Ali Ahmad. Le comédien libanais d’une belle présence apporte, tout au long du récit, des pointes d’humour engagé. Une prise de position sur la prorogation du Parlement fait par exemple sourire. Une parenthèse qui rappelle tout ce malgré quoi le festival se tient et le rôle que la culture peut jouer dans ces temps troublés.
Malgré cette belle narration, une certaine cohésion manque entre les soixante-dix artistes qui ne se rencontrent que le temps d’un final de fait saturé. Mais c’est peut-être aussi cela le voyage : une succession de tableaux que le globe-trotteur observe sans relier les uns aux autres. Plutôt qu’une balade à dos de chameau, le périple offert est celui d’un TGV s’arrêtant directement dans les grandes gares de cette route de la soie pour nous faire découvrir ses plus beaux trésors en version condensée. « Désharmonie » joyeuse, les différentes danses et voix se succèdent sans qu’aucune ne ressemble à une autre. Pourtant, dans cette traversée d’est en ouest se dessine une constante : des spiritualités multiples qui imprègnent partout chant, danse et théâtre. Et c’est là une des forces du spectacle que de souligner qu’à près d’un millénaire d’ici, les empires et royaumes d’Orient surmontaient des problèmes bien similaires à ceux de nos États. Rappeler l’esprit d’ouverture et la liberté de culte dans l’empire mongol permet de louer la belle cohabitation possible sur cette route.
Beauté d’une vision kaléidoscopique quelque peu artificielle, on pourrait reprocher au spectacle de manquer de fond, mais son maintien au sein du festival en cette période troublée était déjà, en soi, un message plein de sens. Une profession de foi sur la culture, au singulier comme au pluriel. Défendre la culture, au singulier, contre les violences. Marier les cultures, au pluriel, pour la tolérance. Quelles que soient les circonstances, une enclave de poésie apaise et gomme les divergences.
Les lumières déclinantes parent le Chouf de teintes chatoyantes. Les spectateurs venus des quatre coins du pays profitent de la fraîcheur qui se fait rare et s’apprêtent au voyage. Le palais de Beiteddine ouvrira ses portes avec la comédie musicale Sur la route de la soie. De là, s’offrira un panorama sur tout l’Orient. Les 21 et 22 juin, le premier rendez-vous de l’édition 2013 de...

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