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À La Une - Reportage

"Tout le monde ici, druzes comme sunnites, veut la fin du régime tyrannique de Bachar"

Les druzes de la province d'Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie, soutiennent la révolution de leurs "frères" sunnites, sans participer à la rebellion armée.

Un syrien observe les ruines byzantines dans la province d'Idleb le 3 septembre 2012. HERVE BAR /

"Nous sommes frères et le resterons pour toujours": les druzes de la province d'Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie, soutiennent la révolution de leurs "frères" sunnites, sans pour autant prendre part à la lutte armée contre le régime de Bachar el-Assad.

 

Dans un paysage de montagnes rocheuses parsemées de vergers d'oliviers, où des labyrinthes de chemins caillouteux mènent vers de magnifiques ruines byzantines, 14 villages druzes vivent en bonne entente avec leurs voisins sunnites.

 

Les habitants de cette région du jabal (montagne) al-Aala, frontalière de la Turquie, aiment également à l'appeler le "petit jabal druze", en référence au jabal druze, une région du sud de la Syrie, dans la province de Soueida, berceau historique de la minorité druze syrienne.

 

Issus du chiisme et plus particulièrement de l'ismaélisme, les druzes pratiquent une religion ésotérique qui relève à la fois du mysticisme musulman et de la pensée coranique. Leur doctrine secrète n'est révélée qu'aux initiés.

 

Ils représentent 3% de la population en Syrie, après les sunnites, les alaouites et les chrétiens. Beaucoup d'officiers de l'armée syrienne sont druzes, notamment le général qui a conquis le bastion rebelle de Baba Amr à Homs (centre) le 1er mars.

 

"Depuis des années, tout le monde ici, druzes comme sunnites, veut la fin du régime tyrannique de Bachar", explique Abou Ahmed, notable du hameau druze de Qalb Lozeh, connu pour son église byzantine du IVe siècle.

"Quand les manifestations ont commencé il y a 18 mois, nous avons souhaité y prendre part et envoyer des délégations dans la ville voisine de Kafar Tkharim, où la révolution était très belle", raconte ce quinquagénaire à l'épaisse moustache.

"Les révolutionnaires locaux nous ont dit de ne pas bouger, afin de garder nos villages comme une zone de repli où les populations pourraient venir se réfugier en cas d'intervention de l'armée".

"Personne ici ne soutient Bachar. Il a peut-être quelques rares partisans, mais ils se font plutôt discrets", renchérit Ayham, autre leader local. Des déserteurs druzes vivent ici aujourd'hui, revenus en permission au village et jamais repartis dans les casernes, précise-t-il.

 

La population du jabal al-Aala est essentiellement paysanne, de rudes fermiers montagnards qui cultivent oliviers et plants de tabac.

Privée d'électricité, isolée des grands centres urbains de la région sous contrôle du régime, la région vit en quasi auto-suffisance.

"Avec la guerre, les prix ont monté en flèche, tout se fait ici, est récolté sur place", s'enorgueillit Ayham, fier de faire profiter ses invités d'un repas "cuit au feu de bois", sous le portrait du leader druze libanais Walid Joumblatt, décoré de fleurs en plastique multicolores.

Aucun service public ne fonctionne à Qalb Lozeh, alors les anciens arbitrent les conflits locaux, organisent et décident pour la communauté.

 

Les villages druzes ont accueilli les nombreux réfugiés qui ont fui les intenses bombardements de l'armée sur les zones rebelles de la province d'Idleb. Ces réfugiés sont hébergés dans les maisons, les écoles, les bâtiments publics, a-t-on constaté.

 

Dans tous les villages sunnites des environs, on confirme cette bonne entente. "Nos relations sont très bonnes, et ce avant même la révolution. Beaucoup de gens d'ici vont s'abriter chez eux", souligne un habitant de Qorqania, hameau proche où les bombes des hélicoptères tombent quotidiennement.

 

Les villages druzes du jabal al-Aala ne sont pas non plus épargnés par les bombardements, aériens ou d'artillerie. L'armée gouvernementale conserve deux importantes garnisons à une vingtaine de km de là, à Harem et Salqin.

 

Les convois des rebelles de l'Armée syrienne libre (ASL) traversent librement la contrée, parfois sous les acclamations lorsqu'ils rentrent d'opération.

 

A la demande d'un commandant local de l'ASL, Abou Saïd, plusieurs chambres d'un dispensaire du village ont été mises à disposition des combattants blessés.

 

Pour autant, on ne rencontre pas ici de druzes dans les rangs des rebelles. "D'abord, nous n'avons pas d'armes", affirme Ayham. "Ensuite, nous répugnons à faire couler le sang de nos compatriotes".

"Tous les druzes de Syrie soutiennent la révolution et sont solidaires des réfugiés", assure-t-il, mais "nous craignons le spectre de la guerre civile". Une affirmation péremptoire car dans le Sud, les relations entre les druzes de Soueida et les sunnites de Deraa, à une quarantaine de km, sont loin d'être au beau fixe.

"Le régime veut diviser les Syriens, nous ne tomberons pas dans ce piège", souligne Abou Ahmed.

"L'armée n'a pas encore tenté d'incursion chez nous. Nos voisins sunnites ont promis de nous protéger. Et si l'armée vient, nous combattrons", met en garde Ayham. "Et vous verrez que notre réputation de peuple guerrier n'est pas usurpée".

 

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