Le restaurant s’appelle Tyros et se trouve sur la corniche maritime de Tyr, dans la partie sud de la ville. La charge était de deux kilos de TNT, selon des sources de sécurité, plantée au niveau du mur extérieur du restaurant. Aucune victime n’est à déplorer, les dégâts sont matériels : vitres cassées, brèche dans le mur... Les forces de l’ordre ont immédiatement bouclé le secteur et entamé une enquête. L’armée a bloqué la route qui mène vers la plage à partir du sud.
De nombreux grands officiers de l’armée et des services de renseignements, ainsi que des experts en explosifs et ceux du service d’anthropométrie ont inspecté l’endroit. Les services de renseignements de l’armée ont interrogé un nombre de personnes, parmi elles le portier du restaurant, de nationalité soudanaise.
Des sources de l’enquête ont précisé à l’agence al-Markaziya que « ce message porte les empreintes de mouvements fondamentalistes qui veulent empêcher les réveillons du Nouvel An dans les restaurants de Tyr, et geler l’activité touristique et commerciale dans la ville, visant plus particulièrement la vente de boissons alcoolisées ».
Cette explosion est la troisième à Tyr en seulement quelques semaines. La première a retenti près du restaurant Queen Elissa, qui se trouve sur la corniche maritime, et la seconde près du débit de boissons Kattoura, qui se trouve à proximité du port de pêche.
Le dernier restaurant visé préparait une soirée du Nouvel An animée par des chanteurs et une danseuse. Le propriétaire du Tyros, Nazih Arnaqout, a précisé que d’autres messages avaient précédé l’explosion : des affiches annonçant la soirée ont été déchirées par des inconnus il y a dix jours. « Nous avons alors alerté les autorités compétentes et pris les précautions nécessaires », a-t-il appris à l’agence al-Markaziya. Il a cependant affirmé que la soirée est maintenue et qu’il n’arrêterait pas de servir de l’alcool « si c’est ce que les clients demandent, et ce n’est pas à moi de les juger ». Il a refusé de porter des accusations contre une quelconque partie et a précisé qu’il n’avait de conflit avec personne.
Tous les propriétaires de restaurants et de débits n’affichent pas le même courage. L’un d’eux a déclaré à la même agence qu’il renonce à organiser une soirée de réveillon bien que son restaurant ait affiché complet. Il commence même à rembourser ses clients. La psychose s’installerait bel et bien en ville.
Des individus plutôt que des partis, estime Charbel
Interrogé par L’Orient-Le Jour sur cet incident, le ministre de l’Intérieur Marwan Charbel précise que le restaurant en question sert effectivement des boissons et avait lancé une publicité pour le réveillon du Nouvel An, ainsi que l’annonce d’un baptême. « La charge placée à même le mur du restaurant est petite, ce qui laisse supposer qu’il s’agit plus d’un avertissement que d’une volonté de nuire, dit-il. Des affiches de publicité ont aussi été déchirées antérieurement. » Il précise que le propriétaire du restaurant est de confession sunnite.
Le ministre assure que l’enquête est en cours et qu’aucune piste n’est privilégiée pour l’instant. Il dément des informations parues au sujet d’un précédent incident similaire selon lesquelles un poseur de bombes aurait trouvé refuge dans un camp palestinien de la ville. Mais selon lui, « il s’agirait d’individus qui veulent faire entendre leur voix plutôt que de l’action organisée de partis ou de groupes donnés ». Comment peut-il affirmer cela si aucune piste n’a été identifiée ? « Parce qu’un parti ou un groupe n’aurait probablement pas eu recours à ce genre d’actions, il aurait pu, s’il l’avait voulu, envoyer un émissaire au restaurateur pour lui demander de ne pas afficher ce genre d’informations », répond-il. Mais pourquoi faut-il se résoudre à ce que certains imposent l’interdiction de boissons dans une ville comme Tyr, connue depuis toujours pour son ouverture et sa vocation touristique ? « Je ne justifie aucunement ce genre d’actions, bien au contraire, mais je dis qu’il peut y avoir un million de raisons qui motivent de tels actes », dit-il.
Que font les autorités pour protéger les institutions touristiques à Tyr ? « Je vous assure que nous déployons tous les efforts possibles, jour et nuit, pour rétablir la sécurité dans la région, affirme Charbel. Nous espérons que notre enquête aboutira à un résultat déterminant que nous annoncerons publiquement. »
Nous n’avons pu joindre le ministre du Tourisme, Fadi Abboud, pour recueillir son commentaire. Pour sa part, Tony Ramy, secrétaire général du syndicat des propriétaires de restaurants, a fortement dénoncé l’agression « contre une institution touristique à Tyr, que nous considérons comme la capitale du tourisme au Sud ». Il a affirmé n’avoir pas d’informations précises sur l’incident et s’est montré sceptique à l’encontre de l’issue de l’enquête, rappelant qu’il s’agit « de la troisième agression du genre dans la ville ». Il ne s’est pas prononcé sur l’impact que pourraient avoir de tels actes sur les célébrations de fin d’année, préférant rester « positif », et soulignant que « les propriétaires des restaurants à Tyr ne comptent pas se laisser intimider et annuler leurs soirées prévues ».
Condamnations unanimes
Cette troisième explosion près d’une institution touristique à Tyr a suscité de nombreuses réactions hier. Le député Abdel Majid Saleh, membre du bloc du président du Parlement Nabih Berry, a estimé que « l’instabilité qu’on tente de faire régner à Tyr sert les intérêts d’Israël et de ses sbires ». « Tyr restera imperméable à toutes sortes de discorde et de haine aveugle, a-t-il poursuivi. Nous ne laisserons personne prendre la religion pour prétexte afin d’imposer son choix de vie aux autres par les charges explosives. Tyr est la ville de la coexistence des religions et des communautés. » Il a mis en garde contre la gravité « de ce qui se passe au Liban en général », évoquant « des fauteurs de troubles qui sévissent au Liban comme en Syrie ».
Nasser Hammoud, coordinateur général du courant du Futur au Sud, a lui aussi dénoncé l’agression « qui porte atteinte à la sécurité de la ville et de ses institutions touristiques ». « On ne peut sortir cette explosion du contexte des incidents sécuritaires itinérants qui ont eu lieu dernièrement au Liban, poursuit-il. Mais cette fixation sur Tyr démontre une intention d’imposer une nouvelle réalité dans la ville, étrangère à sa nature et sa diversité, et nuisible à son activité économique principale qui est le tourisme. Il s’agit d’une tentative de faire de la ville le théâtre d’une oppression des libertés individuelles. »
Hammoud a estimé que « ce message explosif qui inquiète Tyr aujourd’hui doit être perçu par les autorités comme un appel à écrouer au plus vite les agresseurs récidivistes afin de restaurer la confiance du citoyen dans l’État, en une période d’instabilité politique, économique et sécuritaire ».
Le président du conseil municipal de Tyr, Hassan Dabbouk, a été l’un des premiers arrivés sur les lieux. Il a considéré que « cette explosion vise toutes les composantes de la ville ». Il a demandé aux autorités de démasquer au plus vite les agresseurs et de les livrer à la justice.
Le caïmacam de Tyr, Saadallah Ghabi, a lui aussi inspecté le lieu de l’attentat. Il l’a qualifié d’« acte criminel dont l’objectif est de porter atteinte à la sécurité et la stabilité de la ville, qui reste et restera un modèle de coexistence et de multiconfessionnalisme ».
commentaires (6)
- - Explosion (s) .... de Tyr , de Beyrouth , d'Achrafié , de Tripoli , de Saïda , de Damas , de Teheran , d'Irak , du Pakistan , de Londres , de Paris , de Madrid , de New York , de Tchétchénie , de Manille , du Nigéria , du Soudan , de Tunis , du Caire , d'Amman , de Dhamman , de Riyadh , d'Afghanistan , de Belgique , de Suède , du Danemark , de Sanaa , de Bahrein , du Koweit , d'Oman , du Kurdistan , d'Israël , de Palestine , des Iles Comores , du Balouchistan , des Indes , de Moscou , de Bombay , de New Delhi , de toute l'Afrique Noire ... , et la liste est longue , très longue .. Sont tous de la même origine , et exécutés par la même main , de la même doctrine fanatique et au nom du même Allah ... Ne cherchez pas trop , je vous ai fait un dessin ! Celles et ceux qui aiment se cacher derrière des slogans " Fakihistes " pour des raisons personnels ou partisanes , n'ont qu'à refaire leur compte . Ils ne passeront pas , la boisson coulera toujours dans toutes les régions contrôlées par le Hezb .
JABBOUR André
03 h 45, le 29 décembre 2011