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Culture - Entretien

Fanny Ardant, et si on parlait aux étoiles ?

Le vendredi 10 juillet, dans le merveilleux temple de Bacchus, accompagnée de la violoncelliste Sonia Wieder Atherton, la comédienne Fanny Ardant redonnera vie à deux héroïnes tragiques de l'histoire de la littérature : Médée et Phèdre. Un événement magique, car quoi de plus féerique que de parler aux étoiles ?
Elle nous a accordé un entretien téléphonique. Un privilège mêlé à une joie intense. Comment contenir le flot de questions en une quinzaine de minutes ? Au premier salut, elle brise la glace et dit de sa voix de velours chaude et enveloppante: « Je suis de nature curieuse, j'aime parler à des inconnus. » Cette voix de braise porte le nom de Fanny Ardant.
L'actrice raconte sa rencontre avec la musicienne Sonia Wieder Atherton (Grand prix Del Duca de l'Académie des beaux-arts 1999) et sa décision de monter ensemble ce projet de monologues : « J'aimais les sonorités du violoncelle et sa façon de penser la musique et le théâtre. Nous décidions alors de construire un dialogue ininterrompu entre les paroles et la musique. Comme un jeu de miroirs, d'échos. »

La flamme éternelle
Une voix et une musique qui vont pourfendre le ciel de Baalbeck et chuchoter aux oreilles des dieux qui ont habité les lieux. « Depuis mes débuts au conservatoire, j'ai toujours entendu parler des artistes qui se sont succédé dans ce lieu mythique. C'est ainsi que lorsqu'on me l'a proposé comme cadre pour mon spectacle (que j'avais déjà interprété au théâtre), j'étais enchantée. Des images poétiques défilaient dans ma tête, des images de pierres blanches mêlées à de la chaleur et à l'odeur des cèdres ».
Une vision aujourd'hui rendue réelle par la présence de ces deux artistes qui, par leur prestation, ranimeront la « flamme » et la feront perdurer à travers les âges « C'est l'amour-passion, l'amour fou qui consument Phèdre et Médée, ces deux personnages antiques et mythiques, magnifiés par Euripide et Racine, qui inspirent certes l'amour, mais aussi l'horreur et la violence », avoue Fanny Ardant, tout en soulignant que « les mots dits sous le ciel ne sont pas les mêmes que ceux qu'on dit dans un théâtre. Et lorsqu'on regarde les étoiles, c'est plus fort que de regarder les projecteurs. »
La comédienne rappelle, en passant, qu'on retrouve plus Médée que Phèdre dans le monde contemporain, car il y a dans les textes d'Euripide une modernité du propos de la femme. « Je pense, dit-elle, qu'il y a toujours une femme derrière un homme, mais lorsque l'abandon, la trahison l'assaillent, nos sociétés, aussi modernes soient-elles, nous disent d'accepter, de nous résigner et de tourner la page. Médée, elle, ne tourne pas la page. »
Fanny Ardant est probablement cette Médée irraisonnable qui ne se soumet pas. Et comme si l'actrice avait lu dans nos pensées, elle reprend en disant : « Je me retrouve plus en Médée qu'en Phèdre » et, comprenant notre étonnement (Comment ? Médée, ce tempérament assassin ? ), Ardant répond en rigolant : « Je ne suis pas une femme gentille. J'aime les gens qui se débattent avant de mourir. » Et après une petite pause : « Après tout, n'ai-je pas interprété La Femme d'à côté de François Truffaut, cette femme qui préférait tuer son amant et se tuer, mais ne pas tourner la page ? »

Voyages, voyages...
Fanny Ardant n'est pas seulement La Femme d'à côté, elle est une des Dames de la côte de Nina Companeez, une des ces 8 Femmes qu'a si bien croquées François Ozon. Tour à tour divine Callas et tenancière d'une boîte d'homosexuels dans Pédale douce, elle est la somme de toutes ces femmes qui transcendent et subliment les haines, les rancœurs et les amours pures et viles. « On ne choisit pas des rôles qui vous sont indifférents, qui vous sont étrangers, dit-elle. Les grands textes, les grands poètes et les grands créateurs parlent de votre âme et de tout ce qu'il y a de plus caché en vous. Tous ces rôles que j'ai interprétés sont des coups de cœur. Des coups de foudre », insiste-t-elle. Et de reprendre : « Je suis si peu professionnelle, je crois que je ne pourrai jamais interpréter un rôle que je n'aime pas. J'ai pu peut-être me tromper de film, du choix du metteur en scène, mais tout ce que j'ai fait, je l'ai fait par pur bonheur. »
Mais qu'a-t-elle encore à prouver l'Ardente, qui a choisi la voie du théâtre plutôt que celle des sciences politiques et des relations internationales, celle qui a côtoyé les plus grands metteurs en scène, a été l'égérie de certains ; celle qui surfe avec aisance et élégance entre la télévision, le théâtre et le cinéma, et maintenant la mise en scène ; qui passe du drame au rire sans aucune vulgarité ni condescendance ? Qu'a-t-elle encore à prouver ? À elle-même ? Au public ?
« Je n'ai rien fait de ma vie qui soit stratégique, répond-elle. J'ai toujours vécu dans le désordre et j'aime avancer dans le noir, car on trouve un immense plaisir à tirer un fil et à découvrir quelque chose au bout. Il y a des films comme Visage de Tsaï Ming-Liang, avec Jean Pierre Léaud, qui sont comme des chants d'amour , des "Canto d'amore", dit-elle en italien. On ne les comprend pas avec la tête, mais avec le ventre. Tout comme les langues. On y pénètre en étranger et même si on ne décrypte pas les mots, on devine l'essentiel, comme la colère, l'amour et le rire. »
Ce sont ces voyages sur les ailes du mot et de la musique qui font vibrer Fanny Ardant, lui procurent un désir « irrationnel et obscur », un plaisir intact, et la poussent à aller de l'avant. Et si un jour ce plaisir venait à disparaître ? Alors «je mangerai du chocolat, lirai des romans et resterai dans mon lit », dit-elle en rigolant. De ces rires qui résonnent et font des déferlantes de vagues. Tout comme sa voix.
Elle nous a accordé un entretien téléphonique. Un privilège mêlé à une joie intense. Comment contenir le flot de questions en une quinzaine de minutes ? Au premier salut, elle brise la glace et dit de sa voix de velours chaude et enveloppante: « Je suis de nature curieuse, j'aime parler à des inconnus. » Cette voix...

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