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Liban - Liban

Réfugiés syriens au Liban : le régime de Damas entrave sérieusement les efforts de rapatriement anticipé

Seuls 460 réfugiés sur les 3 000 qui devaient quitter Ersal ont été autorisés par Damas à retourner chez eux.

Près de 70 000 réfugiés syriens sont parqués dans des camps à Ersal. Joseph Eid/Photo d’archives AFP

Annoncé durant la fête du Fitr, le retour prévu de quelque 3 000 réfugiés syriens de la région de Ersal, qui fut à l’origine d’une confrontation sans précédent entre le chef de la diplomatie libanaise et le Haut-Commissariat des réfugiés (HCR), n’a pas eu lieu à la date prévue. La raison invoquée par plusieurs sources est désormais à rechercher non pas dans la crise qui oppose, depuis près de deux semaines, le HCR à Gebran Bassil, comme on aurait pu le croire, mais plutôt du côté du régime syrien qui n’autorise à ce jour que le départ de 460 d’entre eux. 

Au moment où l’on continue de marteler, dans les milieux aounistes – dont la position est relayée par celle du chef de l’État, Michel Aoun –, la « nécessité vitale » pour le Liban d’organiser au plus tôt le rapatriement des plus d’un million de réfugiés installés au Liban, pour des raisons « économiques, démographiques et sécuritaires », on en oubliait presque de s’enquérir de la position du régime syrien et de son souhait réel de faciliter le retour des réfugiés, dont le plus grand nombre relève de la communauté sunnite proche de l’opposition. La réponse de Damas, qui a rejeté plusieurs demandes, est venue rappeler qu’en dépit des gesticulations et discours tonitruants au plan libanais, le principal concerné ne semble pas, du moins pour l’heure, très enchanté de récupérer ses concitoyens. On apprenait également hier que le feu vert accordé aux 460 réfugiés n’a pas été fait dans le respect du principe du regroupement familial, des membres d’une même famille ayant été écartés des listes dans plusieurs cas, généralement des hommes que le régime syrien ne semble pas disposé à accueillir. 

Cette situation a vraisemblablement suscité des remous au sein du groupe autorisé à rentrer, générant des hésitations, voire des refus pour certains d’entre eux de retourner dans ces conditions. C’est ce qui aurait provoqué le report de la date du départ, si l’on en croit des sources informées de Ersal qui indiquent cependant un « désir certain chez plusieurs parmi les réfugiés de retourner ». 

Connu pour son conservatisme à l’égard des médias, le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, qui coordonne le processus du retour avec les officiels syriens, a saisi l’occasion d’un entretien rare dans le genre accordé lundi au quotidien al-Joumhouriya pour affirmer que « la détermination du nombre (des réfugiés qui vont rentrer) est conditionnée par les dispositions logistiques du régime syrien », une manière de justifier en amont le nombre restreint d’autorisations accordées. M. Ibrahim a rappelé au passage que le processus de rapatriement est toujours en marche. 

Interrogée sur le maigre nombre de réfugiés autorisés par le régime à réintégrer leurs villages respectifs, une source proche du Hezbollah explique que Damas a encore « beaucoup d’hésitations et de craintes » à ce sujet, la Syrie n’étant pas encore prête à accueillir en grand nombre les réfugiés pour des raisons d’ordre logistique qui relèvent de l’infrastructure encore défaillante en plusieurs endroits, mais aussi pour des raisons sécuritaires dans les zones où le canon ne s’est pas encore tu. 

Même si la position officielle syrienne consiste à souhaiter la bienvenue à ceux qui souhaitent rentrer, « les circonstances objectives et les données du terrain de sorte à garantir un retour sans problème ne sont pas réunies », explique la source proche du parti chiite. 

Autre facteur déterminant, « le fait que le régime syrien exprime à ce jour des réserves à l’égard des éléments relevant de l’opposition. Le régime ne veut pas d’un cheval de Troie sur son territoire », indique la source. Et de préciser que pour le Hezbollah, la priorité pour l’heure est au rétablissement de la communication entre le Liban et la Syrie pour une coordination directe à ce sujet. « Quant aux réfugiés et au timing de leur retour, c’est une autre affaire », précise la source.  Or le gouvernement reste à ce jour profondément divisé autour de la question de la normalisation des relations avec la Syrie, le CPL voulant pour sa part éviter de fâcher ses partenaires haririens sur ce point sensible, ce qui rend encore plus aléatoire toute tentative de trouver une solution concertée. D’autant que le régime syrien, qui cherche pour l’instant à consolider sa légitimité, voudrait être la partie qui organise ce retour. 

Autre acteur qui se veut incontournable dans l’orchestration du rapatriement des réfugiés, les Russes qui, selon des sources concordantes, jouent actuellement un rôle actif à ce niveau, dans une logique contraire à celle prônée par le régime, qui ouvrerait en réalité à une redistribution communautaire sélective sur son territoire.  Moscou chercherait ainsi à s’imposer comme intermédiaire pour tenter une coordination, « sachant que ce dossier risque de devenir explosif pour le Liban, un pays longtemps fragilisé par la question des réfugiés palestiniens », constate pour L’OLJ Fabrice Balanche, chercheur visiteur au Washington Institute for Near East Policy et spécialiste de la Syrie. 

« Pour le Kremlin, il s’agit de montrer à l’Europe que Moscou est un partenaire fiable et qu’il peut aider à jouer un rôle décisif en matière de retour des réfugiés. Les Russes savent très bien jouer sur la corde sensible et sur les peurs d’une Europe en pleine crise migratoire qui s’achemine vers l’éclatement à cause de cette question », commente encore le chercheur.  À l’instar de nombreux analystes convaincus que le régime syrien joue à fond la carte démographique, M. Balanche estime qu’aux yeux du régime syrien, le départ définitif de 10 millions de Syriens qui ont quitté le pays n’est pas dramatique. « Cela permet au régime de rééquilibrer sa démographie au profit des minorités chrétiennes et chiites. »

Une position qui s’aligne de toute évidence sur la stratégie iranienne à long terme en Syrie, qui est de renforcer les groupes qui sont loyaux à la Syrie, tout en réduisant les sunnites. Pour M. Balanche, « cette politique s’applique aussi bien en Syrie qu’en Irak, l’objectif étant de réduire le poids démographique sunnite par divers moyens ».


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commentaires (8)

Hehehe bien faits pour nous (ministère des affaires étrangère au Liban) ne vous a t on pas dit que le pb réside à damas ?!? Et dire que damas veut sélectionner des gens de son propre peuple ... et le comble est qu’il se trouve des gens au Liban pour l’appuyer sur se sujet Cela prouve une chose que les FL étaient dans le vrai

Bery tus

18 h 34, le 20 juin 2018

Tous les commentaires

Commentaires (8)

  • Hehehe bien faits pour nous (ministère des affaires étrangère au Liban) ne vous a t on pas dit que le pb réside à damas ?!? Et dire que damas veut sélectionner des gens de son propre peuple ... et le comble est qu’il se trouve des gens au Liban pour l’appuyer sur se sujet Cela prouve une chose que les FL étaient dans le vrai

    Bery tus

    18 h 34, le 20 juin 2018

  • Ehhhh hooooo ... il ne va pas ACCEPTER qu'on lui fourgue tout et n'importe quoi . En Europe on se chamaille pour ne plus en recevoir, le clown déséquilibré mental américain va même jusqu'à faire parallèle entre migrants et bandits , et on voudrait que le héros vainqueur et défenseur de la Syrie LIBÉRÉE du complot initié par l'occident , de se taper la caillera wahabite ??? Non mais ohhhh faut pas pousser dans la colle aussi . En plus lui il sait exactement qui est qui .....

    FRIK-A-FRAK

    16 h 35, le 20 juin 2018

  • Tous de mèche!

    NAUFAL SORAYA

    12 h 19, le 20 juin 2018

  • VOILA OU RESIDE LE PROBLEME ! LE REGIME SYRIEN NE VEUT PAS DE TOUS CES REFUGIES QU,IL CONSIDERE DES OPPOSANTS. IL FAUT COOPERER AVEC LES NATIONS UNIES ET LES GRANDES PUISSANCES POUR LE RETOUR DE TOUS CES REFUGIES EN LEUR DEMANDANT D,EXERCER DES PRESSIONS SUR DAMAS. EN COOPERANT ET NON EN SE LES METTANT SUR LE DOS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 55, le 20 juin 2018

  • 400 approuvés sur 3000 se traduit par 200 milles sur 1.5 millions ce qui nous laisse avec 1.3 millions à naturalisé en catimini pour que le peuple libanais n'en soit pas conscient... Le HCR peut gesticuler autant qu'il veuille... La décision est avec l'assadie... Bien sûr le ministère des affaires bizzares peut imposer des visas aux officiels syriens pour les chatouiller... Ou plutôt leur offrira des visas et mastercard pour les calmer?

    Wlek Sanferlou

    09 h 52, le 20 juin 2018

  • Comment peut on croire à ces balivernes ? La Syrie a besoin de ses habitants , bien sûr pas n'importe lesquels , comme les bactéries wahabites , mais elle ne peut pas s'opposer au retour de ses ressortissants . C'est pas vrai .

    FRIK-A-FRAK

    09 h 43, le 20 juin 2018

  • "...dans une logique contraire à celle pronée par le régime, qui oeuvrerait en réalité à une redistribution sélective sur son territoire...,cela permet au régime de rééquilibrer sa démographie au profit des minorités chrétiennes et chiites..." C'est clair et net, et explique ce qui se passe actuellement en Syrie et chez nous au Liban avec les "réfugiés syriens" et leur retour problématique. Ainsi les bains de foule appréciés par le BIG BOSS de Syrie seront conformes à ses goûts, et son pays conforme aux voeux de son allié l'Iran guidé suprêmement ! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 44, le 20 juin 2018

  • Et on accuse le HCR!...

    Yves Prevost

    07 h 10, le 20 juin 2018

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