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Moyen Orient et Monde - Égypte

« La rue crie quand le sang des coptes est versé ! »

Colère et indignation après une attaque contre la minorité chrétienne ayant fait au moins 25 morts, dimanche, dans une église du Caire.

Des Égyptiens chrétiens en colère, devant l’église orthodoxe copte de Saints-Pierre-et-Paul, au Caire. Mohammad Meteab/AFP

C'était un matin d'hiver comme on les savoure en Égypte. Ceux où la température avoisine les 18 degrés et le trafic routier est presque inexistant. En ce jour férié, Karim, responsable d'une petite échoppe de jus de fruits frais, aux abords de la cathédrale Saint-Marc en plein centre-ville du Caire, avait tout de même décidé d'ouvrir son magasin. Car si la fête du Maouled (naissance du Prophète) est un jour chômé pour les musulmans, c'était aussi l'occasion pour les chrétiens de profiter d'une messe dominicale ; et l'opportunité pour ce commerçant de faire quelques affaires en prévision d'une grosse affluence. Sans surprise, ils étaient de nombreux fidèles à se réunir à Saint-Marc, édifice symbolique et siège primatial de l'Église copte orthodoxe.

« J'étais au magasin et j'ai entendu un gros bruit, j'ai cru que c'était une voiture qui s'était écrasée depuis le pont. J'ai eu peur, des voitures fuyaient les lieux en sens inverse, j'ai demandé aux gens ce qui se passait, ils m'ont dit : il vient d'y avoir une explosion, à l'instant dans l'église », raconte ce quinquagénaire en mixant ses kiwis.
À ses côtés, un client, Mohammad, qui habite juste au-dessus, raconte ce bruit sourd de déflagration et très vite les sirènes des ambulances et des policiers. « Je suis tout de suite descendu voir ce qui se passait, il y avait déjà beaucoup de morts et de blessés, la police était là et beaucoup de gens arrivaient pour venir en aide aux victimes, souligne-t-il. Ces personnes avaient une vie normale, elles allaient juste prier leur Dieu. Attaquer un lieu de culte comme ça... Je suis triste, très triste... »

 

(Lire aussi : Quatre suspects arrêtés après l'attentat contre une église du Caire)

 

 

Des femmes et des enfants
Il n'est pas 10 heures, heure locale, quand le ballet des secours commence. À l'intérieur de l'église Saints-Pierre-et-Paul, théâtre de l'explosion, adjacente à la grande cathédrale, des débris de vitraux éclatés et une multitude d'effets personnels mêlés de sang tapissent le sol de la nef.
L'attentat a tué principalement des femmes et des enfants. Le ministère de l'Intérieur confirme le bilan : au moins 25 morts et 49 blessés.

Depuis le dôme de la grande bâtisse religieuse, la grande croix autocéphale domine une rue bondée et agitée.
Sur le bitume, une foule de fidèles s'est réunie pour demander des nouvelles d'un cousin, d'une mère ou d'un ami, et apporter son soutien aux proches des victimes.
« Je n'étais pas là pendant l'explosion, mais j'ai entendu ce qui s'est passé à la télévision et je suis venu par solidarité. On a l'habitude maintenant, à chaque célébration, c'est pareil, on se souhaite les vœux en faisant couler notre sang », se désole Fady.

Si les silhouettes portent le deuil, c'est la colère qui, rapidement, injecte les yeux et défigure les visages. « On n'est pas protégé ! Où sont les forces de sécurité ? Moi, en tant que chrétien, quand je vais à l'intérieur, on me demande de montrer ma croix, s'énerve le jeune homme en dévoilant un crucifix bleuté aux contours qui bavent, imprimé sur le gras de son pouce. Vous êtes allés voir à l'intérieur ? Vous avez vu ? ! »
« En tant qu'égyptien, chrétien, je n'ai pas tous mes droits », assène quant à lui Mina, un jeune copte de 26 ans, « tout le monde est contre moi, je suis toujours le mouton que l'on sacrifie, je suis le mouton des Frères musulmans, du gouvernement, de tout le monde », lâche-t-il.

Dans les rangs serrés qui se pressent contre le portail de la grande cathédrale, les esprits s'échauffent. Des figures médiatiques, telles qu'Ahmad Moussa, présentateur à succès d'un talk-show aux accents très prorégime, se font lyncher par la foule. « Il se gargarise de notre tristesse ou quoi ? Pourquoi il est là ? Il est juste content, c'est un lèche-cul ! » lâche Kirolos, alors que la star égyptienne est évacuée, poursuivie par des coptes en colère.

 

(Lire aussi : Des survivants hébétés après un carnage dans une église copte du Caire)

 

 

Colère
Abbasseyia – quartier où se trouve le complexe religieux chrétien –, silencieux au petit matin, gronde soudain : « Chrétiens, levez vos voix pour récupérer vos droits, la rue crie quand le sang des coptes est versé ! » scande un homme, dressé sur les épaules d'un ami. « Vous, les hommes aux casquettes et aux étoiles sur les épaules, ce sont vous les véritables terroristes ! » lance-t-il aux policiers, avant d'être repris. « Nous ne sommes pas ici pour le clash, vous serez tenus responsables en cas d'incident ! » tempère un autre.

Dans tout le périmètre, des CRS en armures et équipements antiémeute ont été déployés.
« Je blâme ce pays et ce gouvernement ! Vous ne savez protéger ni un check-point, ni un stade, ni une église, vous n'êtes pas à la hauteur de vos responsabilités ! » hurle un jeune homme perdu dans le brouhaha. « On pleurait il y a deux jours pour ces policiers morts, dites à vos supérieurs qu'ils ne pourront pas être laxistes sur ce qu'il nous arrive aussi », s'emporte un troisième, s'adressant à des policiers, visés quelques jours plus tôt par une attaque sanglante sur un barrage du quartier de Gizah.

Face à ces tensions, les autorités égyptiennes ont rapidement présenté leurs condoléances et fait part de leur consternation. Dans un communiqué, le président Abdel Fattah al-Sissi a promis la plus grande fermeté face « aux lâches responsables de cette attaque terroriste ». Al-Azhar a vivement condamné cette attaque, toujours non revendiquée au lendemain du drame. L'Église copte a, quant à elle, appelé à « l'unité nationale ».
Jusque tard dans la nuit, de nombreux coptes ont fredonné des chants religieux lors d'une veillée funèbre illuminée par des bougies et des croix faites de bric et de broc au pied de la cathédrale. « Kolo sana wa enta taïeb ! » lance l'un d'eux à un traducteur musulman, accompagnant des journalistes : des vœux chargés d'une amertume difficile à dissimuler.

 

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C'était un matin d'hiver comme on les savoure en Égypte. Ceux où la température avoisine les 18 degrés et le trafic routier est presque inexistant. En ce jour férié, Karim, responsable d'une petite échoppe de jus de fruits frais, aux abords de la cathédrale Saint-Marc en plein centre-ville du Caire, avait tout de même décidé d'ouvrir son magasin. Car si la fête du Maouled (naissance...

commentaires (2)

Une petite idée de ce qui pourrait nous arriver si on fréquente ces bactéries de trop près.

FRIK-A-FRAK

13 h 20, le 13 décembre 2016

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Commentaires (2)

  • Une petite idée de ce qui pourrait nous arriver si on fréquente ces bactéries de trop près.

    FRIK-A-FRAK

    13 h 20, le 13 décembre 2016

  • Tristesse et révolte. Ceux qui sèment la mort ne sont pas de Dieu. Qu'Allah les ramènent à la raison. Et tous les Hommes sont debout face à ces dérives insensées. Je prie. Paul

    MAHY PAUL

    02 h 09, le 13 décembre 2016

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