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Liban - La psychanalyse, ni ange ni démon

Les psychoses, la schizophrénie et la psychothérapie institutionnelle (suite)

Maud Mannoni.

Dans le prolongement de l'esprit de la psychothérapie institutionnelle qui, comme on l'a vu, a débuté à Saint-Alban en Lozère pendant les dernières années de la Seconde Guerre mondiale, les expériences alternatives à la psychiatrie asilaire se sont développées surtout dans le privé. Sauf pour ce qu'il en est de la politique de secteur en France. Mis en place dans les années 70 par certains des premiers acteurs de la psychothérapie institutionnelle à Saint-Alban comme Lucien Bonnafé, le secteur psychiatrique en France est une alternative à la psychiatrie asilaire.
Dans le privé, certaines expériences alternatives ont commencé par buter sur la chronicité asilaire avant de se lancer. S'il fallait «soigner l'hôpital avant de soigner les gens» comme l'ont appris très vite les premiers acteurs de la psychothérapie institutionnelle, comment aider les patients à ne plus être des aliénés et à ne plus s'identifier à leur statut d'aliénés?
L'expérience la plus originale et la plus aboutie est celle de l'École expérimentale de Bonneuil. Fondé par Maud Mannoni en 1969 avec Robert Lefort comme médecin psychiatre, ce «lieu de vie» est appelé «Institution éclatée». Cette notion indique d'emblée que l'institution, si elle n'est pas éclatée, ne peut être thérapeutique. Pour cette raison et pour tout le parcours de Maud Mannoni, un surnom lui est donné: «La femme qui épousa la révolte.»
Ayant travaillé comme psychologue à l'Hôpital psychiatrique de Maison Blanche, elle réalise que les psychotiques, les autistes, les adolescents psychopathes étaient pris dans les filets de la chronicité institutionnelle. D'abord sur le plan financier et gestionnaire. L'hôpital fonctionnait sur le prix de journée que lui versait la Sécurité sociale pour chaque patient hospitalisé. Comment envisager alors que le patient puisse quitter l'hôpital sans mettre l'institution en danger et, du coup, sans se mettre en danger lui-même?
Maud Mannoni remarqua également que les soignants étaient attachés aux patients, développant des relations transférentielles mutuelles. Il était donc quasi impossible de rompre les chaînes de la chronicité.
Elle va donc fonder un lieu qui fonctionne avec l'argent des parents des pensionnaires. Ce bénévolat fonctionnera un certain temps, puis Bonneuil sera pris en charge par la Sécurité sociale comme hôpital de jour.
L'École expérimentale de Bonneuil, un lieu pour vivre, une institution éclatée, s'installe dans une rue tranquille de Bonneuil-sur-Marne, dans le Val de Marne. Dans une maison comme les autres maisons de la rue, avec jardin et potager, le message est clair: pas de ségrégation. Le fait d'installer l'école dans une maison, comme les autres maisons de Bonneuil, était en soi un acte
antiségrégationniste.
À l'intérieur de l'école, il n'y a pas de soins en tant que tels. Pas d'acte analytique, ni psychiatrique. Ils ont lieu à l'extérieur. Quant aux tâches quotidiennes, elles sont partagées mais non hiérarchisées. Nettoyage, vaisselle, rangement, etc. sont faits à tour de rôle par tous ceux qui le peuvent. Les enfants autistes, psychotiques, adolescents en crise y habitent et exercent, à l'extérieur de l'école, tout genre d'activités: musique, peinture, sculpture, etc. Le travail habituel, souhaité par les élèves, se fait également à l'extérieur et n'a plus rien à voir avec les ateliers d'ergothérapie des hôpitaux psychiatriques. L'adulte qui accompagne l'élève allant travailler à l'extérieur fait le même travail que lui. L'élève n'est pas assisté par l'adulte, ils sont compagnons de travail.
Ce rapport à l'extérieur, impossible à l'asile, est dès le début posé comme condition de base pour accompagner les enfants. Des séjours plus ou moins longs sont organisés dans des familles d'accueil, des communautés de vie dans les Cévennes, en Ardèche dirigées par Fernand Oury, promoteur d'une pédagogie institutionnelle. Dans les familles d'accueil, les enfants partagent le même travail quotidien que les paysans.
Lors des séjours en dehors de l'école, les élèves peuvent critiquer Bonneuil, jusqu'à la vomir. De même, de retour à Bonneuil, les enfants peuvent vomir les familles d'accueil ou les communautés de vie.
Ce rapport entre le dedans et le dehors est en lui-même «thérapeutique». Il donne à l'enfant la possibilité de se représenter le lieu qu'il a quitté en allant vers un autre. Et c'est cette représentation, impossible à l'asile psychiatrique, qui va permettre à l'élève de se séparer de l'école, sans craindre d'être fou et sans craindre non plus de détruire cette même école.
Nous verrons la prochaine fois sur quel outil théorique psychanalytique Maud Mannoni s'est
appuyée.

Dans le prolongement de l'esprit de la psychothérapie institutionnelle qui, comme on l'a vu, a débuté à Saint-Alban en Lozère pendant les dernières années de la Seconde Guerre mondiale, les expériences alternatives à la psychiatrie asilaire se sont développées surtout dans le privé. Sauf pour ce qu'il en est de la politique de secteur en France. Mis en place dans les années 70 par...

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