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Liban - Justice

Rifi lance une initiative de dernière minute pour une réforme du système carcéral

Le ministre démissionnaire met en place un comité pour l'étude d'un projet de loi d'amnistie générale pour « certains crimes ».

La prison de Roumieh, qui abrite un grand nombre d’incarcérés islamistes.

Une initiative lancée samedi par le ministre démissionnaire de la Justice, Achraf Rifi, a étonné les milieux judiciaires et administratifs et a suscité de multiples critiques.

À quelques jours de l'annonce de la naissance d'un nouveau gouvernement, M. Rifi – doublement démissionnaire diront certains, puisqu'il avait démissionné du gouvernement en février dernier pour protester contre « l'hégémonie du Hezbollah » – a ainsi pris la décision de mettre sur pied un comité de magistrats, dont un secrétaire général, pour lui confier un certain nombre de tâches dans l'objectif d'effectuer notamment une réforme carcérale.

Composé de huit juges (Bourkan Saad, Riyad Abou Ghida, Mohammad Wissam Mortada, Ziad Abou Haïdar, Sami Sader, Randa Kfoury, Hamza Charafeddine et Mohammad Saab), le comité aura pour tâche d'effectuer une étude sur la surpopulation carcérale et les moyens pour y remédier. Il s'agit également de faire la lumière sur les raisons du retard dans la parution de certains jugements et les moyens de moderniser la procédure pénale. M. Rifi a donné au comité le mandat de mettre en place un projet de loi d'amnistie générale pour « certains crimes », sans donner plus de détails sur la nature de ces crimes.
Les peines de prison devront être révisées pour tenir compte « de toutes les circonstances liées au crime et aux motifs personnels et publics des accusés », dans le but de parvenir à un jugement « juste d'un point de vue social, sécuritaire et juridique », affirme le ministère de la Justice dans son communiqué.

Cette décision, dont l'intention est a priori louable, a toutefois suscité des interrogations multiples dans les milieux judiciaires et administratifs, notamment sur son timing et sa légitimité, d'autant que le gouvernement dont M. Rifi faisait partie à l'origine, avant de rendre le tablier, est lui-même considéré comme constitutionnellement démissionnaire.

Par conséquent, l'équipe actuelle ne peut, selon les règles en vigueur, qu'expédier les affaires courantes. Il reste à voir si une telle décision, qui engage notamment des frais à assumer par l'État – le paiement de compensations aux juges désignés ( jusqu'à trois millions de L.L. pour chaque magistrat) – « peut être ou non considérée comme une affaire courante », relève un magistrat. Ce dernier précise que l'étude sur la situation carcérale, à proprement dit, pourrait à la rigueur être placée sous la rubrique des actes administratifs, donc relevant de la gestion du ministère au quotidien. « Ce n'est toutefois pas le cas pour ce qui est de la mission de peaufiner un projet de loi d'amnistie générale, puisqu'il est désormais question de stratégie pénale à long terme, et non plus d'affaires courantes », dit-il. C'est ce qui fera d'ailleurs dire à un juriste spécialisé dans les questions des droits de l'homme que M. Rifi « aurait dû penser à une stratégie de développement judiciaire bien avant ».

 

(Lire aussi : Un concert pour les jeunes détenus illumine les murs de la prison de Roumieh)

 

« Préparer le terrain »
Cet avocat, qui reconnaît toutefois la pertinence de « plusieurs décisions prises par le ministre démissionnaire avant que ce dernier ne claque la porte », s'étonne qu'il revienne aujourd'hui avec un projet de cette envergure à la veille de la formation d'un nouveau gouvernement. Il se dit d'autant plus surpris que M. Rifi était non seulement le chef hiérarchique de la direction des prisons, « avec la création récente d'une Direction générale des prisons au sein du ministère, mais aussi l'ancien directeur des FSI directement chargé de ce dossier et donc conscient depuis bien longtemps de tous les problèmes relatifs au milieu carcéral ». Autrement dit, ajoute la source, « il aurait pu y penser bien avant ». Le juriste se dit « convaincu que cette nouvelle initiative n'est autre qu'une promotion médiatique à des fins purement politiques ».

Contactée par L'Orient-Le Jour, une personnalité proche de M. Rifi précise que cette décision – « qui n'est autre qu'une étude commanditée à d'éminents magistrats réputés pour leur expertise dans le domaine de la justice pénale » – s'inscrit dans le cadre de l'expédition des affaires courantes. « Elle n'a d'autres ambitions que de préparer le terrain pour le ministre à venir qui pourra tabler sur des données concrètes visant à améliorer le système pénitencier », dit-elle. Elle ajoute que le comité sera également chargé de « trouver une solution à la question des multiples arrestations effectuées sur la base de renseignements fournis par de simples informateurs. Bien qu'elle ait été interdite en Conseil des ministres, cette pratique illégale, se poursuit à ce jour ».

Quant à la question de savoir pourquoi le ministre s'est pris à la dernière minute pour engager ce projet, la même source assure que l'idée était déjà « en gestation depuis un certain moment ; elle a été envisagée depuis bien longtemps par le ministre qui a préféré à l'époque accorder la priorité à d'autres dossiers, comme l'affaire Michel Samaha (accusé d'avoir transporté les explosifs qui ont servi dans le double attentat ayant visé deux mosquées à Tripoli, en août 2013) ou encore le projet de révision des prérogatives du tribunal militaire » .

 

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À quelques jours de l'annonce de la naissance d'un nouveau gouvernement, M. Rifi – doublement démissionnaire diront certains, puisqu'il avait démissionné du gouvernement en février dernier pour protester contre...

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CARTE BLANCHE POUR MONSIEUR RIFI.

Gebran Eid

04 h 43, le 21 novembre 2016

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  • CARTE BLANCHE POUR MONSIEUR RIFI.

    Gebran Eid

    04 h 43, le 21 novembre 2016

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