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À La Une - Reportage

Les arabes sunnites cherchent leur place dans un Irak mouvant

"Maintenant, nous voulons simplement renter chez nous"...

Des familles irakiennes fuyant les violences à Mossoul. Photo AFP

Quand les forces kurdes ont commencé à encercler ses proches et ses amis, il y a deux ans, Omar Abdallah, jeune Irakien de 23 ans, s'est enfui vers Mossoul avec sa femme enceinte et ses quatre frères. La vie sous le joug de l'Etat islamique, qui avait conquis cet été-là d'importants secteurs du nord de l'Irak, a semblé à cet Arabe sunnite préférable à la détention sans limite de durée chez les Kurdes.

Aujourd'hui, Omar Abdallah, Maha et leurs deux enfants ont à nouveau décidé de fuir, alors que le gouvernement irakien, appuyé par les peshmergas kurdes et les milices chiites, a entamé une grande offensive pour reprendre Mossoul. La famille attend avec plusieurs centaines d'autres près de Bachika, au nord-est de Mossoul, pour traverser un fossé creusé par les peshmergas qui viennent de reprendre le secteur aux djihadistes.

"Nous avons planifié notre fuite au bon moment", déclare Omar Abdallah. Quand l'offensive de Mossoul a été lancée le mois dernier, il a quitté avec sa famille le centre de la grande ville pour arriver dans la banlieue, chez un de ses proches. Et quand les forces irakiennes ont repris ce secteur, la famille est repartie. "Maintenant, nous voulons simplement renter chez nous", dit Omar Abdallah.

Mais, chez lui, à Cheikhan, de l'autre côté de la tranchée, le secteur est contrôlé par le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK), qui dirige cette région autonome. En plus de la tranchée, il y a un long mur de terre que les Kurdes ont érigé récemment pour marquer leurs gains territoriaux.

Comme des milliers d'autres Arabes sunnites, Omar Abdallah et sa famille ont du mal à trouver leur place dans un Irak dont les frontières changent en fonction des lignes ethniques. De nombreux Arabes sunnites craignent d'être perçus comme des partisans des fondamentalistes sunnites de l'EI et d'être de ce fait persécutés.

Omar Abdallah dément être un sympathisant de Daech. "Quand je vivais à Mossoul, je baissais la tête, j'ai laissé pousser ma barbe et travaillé comme vendeur de fruits. J'ai essayé d'éviter tout contact avec les membres de Daech", raconte-t-il.

(Lire aussi : Fuir Mossoul et l’EI pour trouver refuge dans la Syrie en guerre)

"Un risque que je prends"

"Les peshmergas fouillent les gens au cas où des combattants de Daech se cacheraient parmi nous. Nous sommes tous arrivés ce matin. Ils ne nous ont pas dit quand nous aurons l'autorisation de traverser", commente Omar Abdallah. Il dit qu'un de ses frères a passé 13 mois en détention sans inculpation parce que les autorités kurdes le soupçonnaient de soutien à l'EI. Il n'exclut pas d'être lui-même arrêté, d'autant qu'il a vécu "sous Daech", selon son expression.

"C'est un risque que je prends pour rentrer chez moi", dit-il. "Mes parents n'ont jamais vu leurs petits-enfants. Ils appellent tous les jours pour demander des nouvelle d'Ali et d'Aboudi."

A côté de lui, plusieurs dizaines de familles, des Arabes sunnites pour la plupart, attendent patiemment dans leurs voitures ou dans la poussière, assis sur des bâches pliées, de pouvoir traverser et se rendre en territoire kurde.

David Eubank, membre d'une organisation humanitaire qui participe depuis plusieurs jours au transfert, toutes les nuits, de centaines de personnes déplacées vers des camps, estime qu'ils auront sans doute l'autorisation de passer quand la nuit sera tombée. Selon lui, 2.600 personnes ont traversé ces derniers jours.

Un peshmerga en sentinelle de l'autre côté du fossé, dit ne pas savoir quand les déplacés pourront traverser. "On nous a simplement dit de garder la frontière. L'après-midi, nous fouillons les familles et notons leurs identités", dit-il.

Ses collègues distribuent quelques médicaments aux enfants et des rations alimentaires envoyées par une association.

Les combattants kurdes ont été récemment accusés par l'association Human Rights Watch (HRW) d'avoir illégalement détruit des habitations arabes dans des secteurs pris à l'Etat islamique entre 2014 et mai 2016, ce que dément le GRK.

Pour Omar Abdallah, ces actes ont pu dans certains cas jeter les Arabes sunnites dans les bras de l'EI, qui dit vouloir les protéger. Il dit aussi avoir peur de l'arrivée des milices chiites à Mossoul et redoute "qu'elles tuent les hommes et violent les femmes", dit-il. Les milices chiites ont été accusées cette année d'avoir torturé des civils sunnites dans des secteurs qu'elles avaient aidé à reprendre.

La nuit approchant et rien ne signalant un prochain départ, les familles ont commencé à s'emmitoufler, se préparant pour une longue nuit d'attente. "Notre maison est juste dernière cette colline, mais nous ne pouvons y aller", explique Mohamed, le cousin d'Omar. "Les arabes sunnites sont coincés", soupire Omar.


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Quand les forces kurdes ont commencé à encercler ses proches et ses amis, il y a deux ans, Omar Abdallah, jeune Irakien de 23 ans, s'est enfui vers Mossoul avec sa femme enceinte et ses quatre frères. La vie sous le joug de l'Etat islamique, qui avait conquis cet été-là d'importants secteurs du nord de l'Irak, a semblé à cet Arabe sunnite préférable à la détention sans limite de...

commentaires (1)

la peur change de côté il ne faut pas rêvé certains sunnites ont "collaborés" avec daesh il y aura des règlements de comptes

Talaat Dominique

13 h 58, le 20 novembre 2016

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Commentaires (1)

  • la peur change de côté il ne faut pas rêvé certains sunnites ont "collaborés" avec daesh il y aura des règlements de comptes

    Talaat Dominique

    13 h 58, le 20 novembre 2016

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