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Liban - Tribune

Chers Libanais, votre avenir économique est à portée de main

Tony Fadell. Archives Reuters

Récemment, lors d'un séjour au Liban pour parler à la conférence BDL Accelerate 2016, j'ai rencontré beaucoup d'entrepreneurs de start-up impressionnantes et des directeurs de grandes compagnies qui travaillent dans la région.

J'ai été frappé par deux constats. Premièrement, depuis ma dernière visite en 1998, le Liban a fait de grands progrès dans la mise en place de fondements favorables à l'épanouissement des entreprises, notamment de nouveaux bâtiments et quartiers d'affaires. La banque centrale libanaise a également mis en place de nouvelles mesures permettant aux institutions financières d'investir dans des start-up et des incubateurs afin de promouvoir l'entrepreneuriat et l'économie digitale. Deuxièmement, j'ai vu qu'il restait encore beaucoup à faire pour que mon pays d'origine puisse à nouveau espérer être un pôle économique mondial et un acteur important dans l'économie digitale et la technologie.

Heureusement, avec l'élection de M. Michel Aoun à la présidence de la République et la nomination de M. Saad Hariri au poste de Premier ministre, le pays a une opportunité en or et un vrai mandat pour mettre en place un plan innovant pour le Liban au XXIe siècle. Ce plan doit être à la fois pratique et complet afin de répondre aux challenges auxquels font face les entrepreneurs, les start-up, les investisseurs et les compagnies de toutes tailles dans la création et le développement d'entreprises technologiques à succès dans le pays. Alors que le peuple libanais a une longue histoire de persévérance et a montré sa capacité à régler ses propres problèmes, même pendant des périodes difficiles, je crois que l'action du gouvernement est nécessaire dans ce domaine car elle aura un impact plus fort dans un laps de temps plus court. Pour que le Liban ait une croissance économique significative et qu'il soit compétitif dans le la carte mondiale du numérique, cela est absolument essentiel.

Voici mes suggestions pour un plan d'innovation :

Les infrastructures Internet
Avouons-le : l'Internet au Liban est lamentablement mauvais ! Avec un débit moyen de 3,52 mégabits par seconde (mbps), le pays est actuellement classé 172e sur 198 par le Worldwide Internet Speedtests. D'autres tests montrent que ce débit peut descendre jusqu'à 1,6 mbps. Et pourtant, la connectivité est une infrastructure critique pour mener toute activité moderne aujourd'hui. Sans un accès simple, bon marché et fiable à Internet, les équipes ne peuvent pas communiquer entre elles et les entreprises ne peuvent pas communiquer avec leurs consommateurs. Les principales solutions technologiques aux coupures d'électricité, ou aux faibles connexions par câble, fibre ou mobile sont facilement identifiables, mais une décision urgente du gouvernement est nécessaire pour que le pays puisse se relever et courir. Soyez en sûr, ce n'est pas un problème de technologie ! L'Internet rapide peut être déployé rapidement en quelques mois seulement avec des technologies mobiles, et les coûts que cela implique seront minuscules comparés à la croissance économique engendrée par une meilleure connectivité. Le Liban peut « profiter » de son retard en adoptant les meilleures technologies disponibles et avoir potentiellement la meilleure connectivité au monde. Prenons d'abord pour objectif la mise en place en 6 mois d'une connexion à 20 mbps dans tout le pays, avec une connectivité minimum de 100 mbps pour toutes les entreprises. En comparaison, la plupart des foyers américains ont une connexion à 1000 mbps. Il n'y a rien de plus important aujourd'hui, particulièrement étant donné les efforts de la banque centrale pour construire une économie numérique.

Frontières et commerce en ligne
Les préoccupations les plus importantes des entrepreneurs que j'ai rencontrés dans les domaines de la fabrication de matériel électronique et du commerce en ligne sont les restrictions douanières sur les transports de marchandises à destination ou en provenance du Liban. Est-il surprenant qu'Amazon ne soit pas arrivé au Liban ? Dans le même temps, le pays est préparé à décoller à cet égard avec l'Aéroport international Rafic Hariri de Beyrouth et le port de Beyrouth. Le gouvernement peut faire plus, en établissant des zones franches pour l'essor du commerce en ligne qui en dépend. Ces zones fourniraient idéalement des incitations fiscales et financières, afin d'aider à bâtir un écosystème du commerce en ligne et des entreprises de fabrication de biens matériels technologiques, et à moderniser les processus douaniers, pour rendre toute livraison plus rapide et moins chère. Beyrouth était un pôle central et mondial dans le passé, il peut l'être à nouveau.

Éducation
Un élément central pour développer un secteur technologique prospère est de s'assurer que les jeunes sont éduqués de manière à réussir dans une économie technologique. L'employabilité des jeunes diplômés des universités est la clé. Par exemple, le gouvernement peut encourager la mise en place de programmes pluridisciplinaires dans les universités publiques, en finançant des mesures incitatives pour que les étudiants soient exposés aux différents aspects des affaires technologiques – de l'ingénierie au design en passant par le codage et la finance – alors qu'ils sont encore scolarisés. Le gouvernement pourrait aussi assister les universités et les étudiants dans l'accès à des programmes d'apprentissage à distance pour ces cours, s'ils ne sont pas actuellement proposés.

Réformes du cadre réglementaire
Les nouvelles entreprises doivent réduire les trop grandes dépenses liées à leur création au Liban. Par exemple, les entrepreneurs ont besoin de dépenser en moyenne 25 000 dollars juste pour lancer une nouvelle affaire, à cause des frais légaux et d'enregistrement (5 000 dollars), et la nécessité d'apporter un minimum de capital en banque (20 000 dollars). De plus, le gouvernement a besoin d'avoir des lois protégeant et stimulant la création de fonds d'investissement en capital risque au niveau national et international, et encourageant les entrepreneurs et les employés. Ces lois notamment devraient inclure les concepts de base de tout investissement comme les actions préférentielles et les stock-options. Le Parlement devrait également adopter au plus vite la loi sur les transactions électroniques afin de, entre autres nécessités, légaliser la signature électronique (une exigence de base pour le commerce en ligne). Tout cela est impératif pour attirer les investissements mondiaux et les travailleurs vers les start-up libanaises.

Encourager l'innovation du gouvernement
Alors que le Liban va de l'avant, il peut apprendre beaucoup des pays qui sont en avance en matière d'e-administration et sont des modèles pour encourager l'innovation dans les secteurs privé et public. Par exemple, l'Estonie offre des cartes de résidence électroniques aux entrepreneurs pour attirer les créateurs d'entreprise et le capital. Le pays a aussi mis en place un vaste éventail de services gouvernementaux électroniques, qui ont permis une baisse drastique des coûts pour les entreprises. Le Liban pourrait aussi imiter les États-Unis, dont le gouvernement a entretenu des relations profondes et bénéfiques avec les entreprises technologiques pendant le mandat de Barack Obama. Sous son mandat, la Maison-Blanche et beaucoup d'agences fédérales se sont dotées de leurs premiers directeurs de la technologie et ont recruté à Washington une armée d'experts techniques de la Silicon Valley afin de mener la modernisation de l'administration et de rendre les données gouvernementales plus accessibles, transparentes et efficientes. Elles ont aussi aidé à réduire les coûts et le temps nécessaires pour déployer cette technologie arrivée tardivement.

Penser global
L'économie technologique est mondiale, et le Liban est juste un point de départ. Les start-up libanaises doivent penser global et se faire leur place dans l'économie mondiale. Cela implique en partie que les fonds investis à travers la banque centrale doivent être consacrés à l'expansion à l'étranger, donc une partie de ces fonds est dépensée en dehors du Liban. Cela nécessite aussi d'attirer les investisseurs mondiaux pour investir dans les start-up libanaises. Cependant, les investisseurs internationaux ne sont pas à l'aise avec le cadre juridique actuel du code du commerce libanais, ce qui rend les réformes légales d'autant plus importantes. Une solution temporaire serait de leur permettre d'investir dans des structures légales étrangères qui ont des opérations au Liban, le temps que le gouvernement travaille sur ces reformes.

S'engager avec les citoyens libanais pour une amélioration continue
Pour commencer, le Premier ministre pourrait mettre en place un site Web pour encourager les acteurs du secteur technologique et les communautés d'affaires à présenter et classer les problèmes auxquels ils font face et les solutions qu'ils proposent. Cela permettrait de s'assurer que le gouvernement est à l'écoute directe des citoyens, entrepreneurs, investisseurs et des PME, et donnera au gouvernement un point de départ pour agir afin de les aider.
Le Liban dispose de l'essentiel pour créer des compagnies mondiales, à commencer par le talent et l'ingéniosité de son peuple. Avec des réformes ciblées et des initiatives gouvernementales, le pays peut devenir un pôle pour les entrepreneurs, tout en augmentant son PIB. Quand le Liban aura accompli cela, le berceau de la civilisation sera enfin devenu un nouveau berceau de l'innovation.

*Entrepreneur américain d'origine libanaise, Tony Fadell est l'un des pères de l'iPod et de l'iPhone, et fut fondateur et PDG de Nest.

 

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commentaires (1)

Tony à raison et son diagnostic et ses projets sont à mettre en œuvre. Mais Tony oublie que pour que les dirigeants acceptent cette mise en œuvre, il faudra que les attributaires des projets lui graissent la patte, quitte à que les résultats seront nuls. Il faut donc commencer par élire des hommes et des femmes patriotes et au-dessus de toute possibilité et volonté d’enrichissement personnel.

DAMMOUS Hanna

16 h 14, le 30 novembre 2016

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Commentaires (1)

  • Tony à raison et son diagnostic et ses projets sont à mettre en œuvre. Mais Tony oublie que pour que les dirigeants acceptent cette mise en œuvre, il faudra que les attributaires des projets lui graissent la patte, quitte à que les résultats seront nuls. Il faut donc commencer par élire des hommes et des femmes patriotes et au-dessus de toute possibilité et volonté d’enrichissement personnel.

    DAMMOUS Hanna

    16 h 14, le 30 novembre 2016

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