Rechercher
Rechercher

Briser le maléfice

Une question que tout Libanais peut légitimement se poser : pourquoi la politique dans ce pays a-t-elle toujours été si mortifère ? Pourquoi tant de violence, dès qu'il s'agit de céder la place par le jeu démocratique de l'alternance ? Depuis que ce pays existe, pas une élection, pas une vacance qui ne soit accompagnée d'un bain de sang ou d'une paralysie létale à tous les niveaux. Oublions les intérêts étrangers qui ont toujours trouvé par ici des complicités juteuses. Il s'agit de notre responsabilité à nous, citoyens de cette partie du monde qui fut belle à pleurer et qui aujourd'hui accuse une laideur consternante. De nous, si prompts à porter aux nues ces figures qui disent représenter nos communautés respectives et promettent de nous protéger de l'anéantissement dont nous menaceraient les autres. Car certains d'entre nous sont capables de haïr jusqu'au crime cet autre chrétien, cet autre druze, sunnite ou chiite qui n'existe qu'au regard de son appartenance. Et prompts à s'entre-tuer au sein d'une même communauté d'ailleurs, tant tuer au nom du chef semble héroïque et grandiose. Nos périodes d'aveuglement sont toujours suivies de pleurs et de grincements de dents. Nous enterrons nos morts, la rage au cœur ; et le calme revient, épais de tristesse, de rancune et de honte inavouée, jusqu'à la prochaine crise.

D'une crise à l'autre, la confiance se perd, tout se défait, les jeunes partent, les plus âgés se résignent, les investisseurs prennent la fuite, les entrepreneurs cessent d'entreprendre, les infrastructures pourrissent, le chômage s'installe, le niveau d'éducation recule, l'ignorance augmente et avec elle la peur de la différence, la peur de l'autre, source de haine. Et la haine alimente le désarroi et les armes à nouveau se fourbissent. On est prêt pour le prochain cycle. Tant que nous ne sortirons pas de ce schéma, tant que nous serons incapables de nous penser comme un même peuple uni sous la même bannière, le vert Liban de jadis restera terre brûlée. Car comment l'aimer, cette terre, si nous ne lui appartenons pas, obsédés que nous sommes par nos clochers et nos minarets ? Tout ce qui dépasse le seuil de nos foyers, tout l'espace public, ce domaine de « l'autre » est souillé, saccagé, vandalisé ou accaparé. Sans amour, sans l'envie de soigner, de choyer, de partager, tout enlaidit, les êtres autant que les choses. Et nous vivons dans la laideur.

On nous annonce un président, le beau cadeau, après plus de deux ans de « sede vacante », de vindictes et d'avilissants chantages. Enfin, donc, les négociations auraient abouti ; toutes les parties semblent y avoir subitement trouvé leur compte. Et tant mieux, que dire de plus ? Si, enfin, à la séance de lundi, la machine démocratique se remettait à fonctionner, même transformée en conclave et non pour élire, mais pour confirmer le choix du bienheureux, ce serait une drôle de surprise. Après quoi, du reste, depuis le temps que nous n'attendons rien des inaugurateurs de chrysanthèmes qui représentent chez nous l'État, nous méritons d'espérer, même sans trop y croire, l'ébauche d'un cercle vertueux.

Une question que tout Libanais peut légitimement se poser : pourquoi la politique dans ce pays a-t-elle toujours été si mortifère ? Pourquoi tant de violence, dès qu'il s'agit de céder la place par le jeu démocratique de l'alternance ? Depuis que ce pays existe, pas une élection, pas une vacance qui ne soit accompagnée d'un bain de sang ou d'une paralysie létale à tous les niveaux....

commentaires (6)

Merci pour cet article ,pour cette plume...J'approuve sans reserve ...

Soeur Yvette

16 h 58, le 27 octobre 2016

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Merci pour cet article ,pour cette plume...J'approuve sans reserve ...

    Soeur Yvette

    16 h 58, le 27 octobre 2016

  • Les oiseaux de mauvais augure pullulent ces temps ci .. Fifi nous brosse un tableau tellement tristounet qu' on pourrait croire en un laps de temps que le liban est l'unique pays du monde qui periclite ,qui souffre du chomage , dont la jeunesse ne reve que de partir .. alors que nos problemes sont universels depuis des decenies . Les chaines francaises et autres nous rebattent les oreilles a tartiner de ces memes sujets . !! Un peu d optimisme pour la nouvelle etape .. Qui sait ?

    Hitti arlette

    11 h 30, le 27 octobre 2016

  • Votre réflexion n'aurait pas eu d'écho si vous aviez écrit cet article dans la période allant de 48 à 90 , sûrement parce que certains considèrent que à cette époque tout était normal . Le courage que vous avez de nous écrire tout ça aujourd'hui c'est parce que vous jugez que les alliances et les forces nouvelles qui vont diriger ce pays , ne correspondent pas à ce temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître . Et la caravane passera .

    FRIK-A-FRAK

    11 h 25, le 27 octobre 2016

  • - C,EST CA LE LIBAN... IL A ETE AINSI, IL L,EST ET IL LE RESTERA... - AINSI FURENT LES LIBANAIS, AINSI ILS SONT ET AINSI ILS RESTERONT... MALHEUREUSEMENT... DES PANURGES ET DES MOUTONS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 43, le 27 octobre 2016

  • Tout ce que vous dites la Fifi, je l'approuve inconditionellement, et sans reserves. Il resterait pourtant a repondre a l'autre question: "Pourquoi en est-il ainsi?" Pourquoi sommes-nous si limites dans nos conceptions, comme dans nos aspirations? Nous pourrions realiser tant de belles choses, si seulement nous le voulions vraiment.Il y aurait tant de choses que l' on pourrait commencer a faire aujourd'hui ou au plus tard, demain, mais non, on prefere "attendre et voir" tel qu' on n'a cesse de le faire depuis 1993. Oui, j' insiste sur cette date car j' ai le net sentiment que c'est durant cette annee la que tout a commence et que notre destinee a ete fixee. Y aurait-il une possibilite que ca change? Dieu seul le sait et il refuse de nous le dire, nous laissant seulement la faculte d' en prendre l' initiative.

    George Sabat

    09 h 17, le 27 octobre 2016

  • Yaret l'ebauche d'un cercle verrtueux Fifi Je ne vois que du népotisme à l'horizon.....

    Zeineh Nada

    09 h 12, le 27 octobre 2016

Retour en haut