D'abord ces rondelles, telles des roues diaphanes nageant dans l'espace, aux couleurs pastel à la fois aussi vives et estompées, qui accueillent les visiteurs de la galerie Alice Mogabgab. Nénufars sur le blanc des murs, jupes de derviches tourneurs déployées, plumage en cercle d'un paon en turgescence amoureuse, autant d'images qui surgissent de ces supports de filtre de parfum, initialement en papier blanc et qui ont ici, par-delà un rayonnement particulier, une robe éblouissante.
Une robe à panache discret qui a bu, comme un papier buvard, les couleurs, savamment mélangées, effacées ou entêtées, des pastels à l'huile, de l'encre et de la craie.
Daniel Chompré, à 73 ans, travaillant entre Paris et Sancerre, est d'une fringante jeunesse d'esprit, car l'originalité et l'authenticité de son inspiration sont intactes et absolues. Ainsi que la variété et l'étendue d'horizon de son inspiration, d'une étonnante gamme de nuances et de contrastes. Tout en fouillant au plus profond tous les éléments, simples et quasi frustes, de la nature. Et le résultat est d'une beauté qui rend hommage à tout ce que le regard embrasse dans une randonnée sur les coteaux des montagnes, des marches le long d'un étang ou d'une rivière, d'un rayon de soleil posé sur un grain de
pissenlit...
Philtres d'amour
Farandole silencieuse, mais volubile, dans ses coloris habilement agencés que ces philtres d'amour transformés en objets d'art (c'est là où se fusionnent en un corps livré à toutes les passions le talent de l'artisan et de l'artiste), où le papier fait merveille et étincelle. Le moiré côtoie les éclats changeants comme une poudre d'ailes de papillons, les reflets indécis se marient aux nuances satinées et chatoyantes. Un fabuleux spectre de nuances se réverbère dans ces dessins foisonnant de détails, échappés à tous les horizons du monde comme des noces à la fois fougueuses et joyeuses, retenues toutefois par un brin de gravité, de mélancolie ou de contemplation.
Aériens, soyeux et d'une légèreté de vent sont ces philtres (diamètre 100 cm) au papier épais, mais plissé à la main, puis posé sur un support en bois. On y retrouve les empreintes et les dires de sociétés diverses comme un murmure de lointaines ethnies qui invitent en douceur à de grands voyages, à de surprenantes découvertes, à une pause de calme et de silence.
À côté, comme un complément d'un même volet, sont accrochées les toiles nomades. Des toiles longitudinales ou horizontales, où la matière et les matériaux employés s'imbriquent intimement en un mélange subtil pour créer et canaliser les souvenirs des terres en friche ou labourées, des horizons aux crépuscules «coruscants», des rythmes saccadés ou tranquilles, des marques et de l'empreinte du temps et de l'érosion. Comme tout ce qui se trace sur un épiderme.
Dans ces sillons, ces hachures, ces stries, ces zébrures, ces croix, ces losanges et ces cadences de lignes symétriques ou asymétriques naissent des clins d'yeux à la terre, à la vie, au fil du passage et de la fuite des jours. Une narration aux référents perceptibles qui, de la bougeotte, de la mouvance de la vie à ses instants de stagnation, se transforment en objets sédentaires. Tranquilles.
Objets qui s'exposent parfaitement dans les abbayes (Massay, Jumièges), entre les vieilles pierres d'un château Montsoreau) et ont brusquement des allures de prestigieux vitraux...
*L'exposition «Toiles nomades et philtres d'amour » de Daniel Chompré, à la galerie Alice Mogabgab, se prolonge jusqu'au 30 octobre.
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